B33 L'affaire T. de Pesmes

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Affaire T. de Pesmes : 5 juin 1943

  

 Les bistrots dans les campagnes sont des lieux très prisés par les Allemands. Ils peuvent s'y rendre pour rencontrer toutes les couches de la population ; du simple consommateur qui vient boire son verre, au résistant venu chercher des informations ou retrouver un contact, sans oublier bien entendu le collabo venu se montrer.

La garnison allemande a quitté Pesmes depuis 1942. Les Allemands qui fréquentent les bars de Pesmes viennent essentiellement de Gray ou d'Auxonne. Un calme règne cependant dans le bourg même si certaines familles collaborent encore avec l'occupant allemand. Certains relèvent la tête, d'autres essaient de se rassurer mais les armées allemandes ne sont plus si vaillantes ces temps-ci, subissant de nombreux revers à l'Est.

A la rue Basse de Pesmes, le café est tenue par la famille T,  le père Émile est un marchand de bestiaux devenu cafetier, Lucienne et leur fille Annie âgée de vingt ans s'occupent du bar. Fortement soupçonnée de collaboration, cette famille a reçu des lettres de menaces dès le mois de mars 1943. La dernière, très explicite, présente un cercueil et une corde avec la mention -- sort réservé aux collabos--. La famille T. porte plainte à la gendarmerie de Pesmes qui prend acte de leurs déclarations.

Mais le 5 juin 1943, ce ne sont plus des menaces mais des actes. Peu avant minuit, la fille inquiète des bruits au devant de la maison,regarde par la fenêtre et voit s'enfuir deux hommes, puis une explosion réveille le quartier soufflant la devanture du bar, Annie est blessée par des éclats de verre. Des dégâts sont aussi constatés dans les maisons avoisinantes.

L'enquête de la gendarmerie doit maintenant se montrer plus sérieuse car maintenant, il y a eu  explosion et une personne est blessée. Des noms sont livrés en pâture par la famille T. aux gendarmes, comme exécutants possibles de cet acte criminel. Le PV 155 du 7 juin 43 enregistre celui de Marcel Vauthier, maçon à Pesmes. Cet artisan est totalement étranger à l'affaire, pourtant il est arrêté et interrogé à Gray, puis relâché quelques jours plus tard dans l'attente du jugement du tribunal militaire de Vesoul. Marcel Vauthier écope de deux mois de prison qu'il doit faire à la prison de Belfort, malgré ses dénégations répétées et les rapports 157 et 163 de la gendarmerie de Pesmes qui l'innocentent...D'autres noms sont aussi cités dans cette affaire : ceux de Xavier Guichard ancien directeur de la Police de Paris et Marcel Magnin parce que tous deux sont suspectés de gaullisme, ils seront ensuite mis hors de cause.

Les Allemands ne sont pas prévenus officiellement laissant à la gendarmerie française le soin d'éclaircir cette affaire. C'est pourtant un avertissement donné à tous ceux qui voudraient s'en prendre aux personnes soupçonnées de collaboration...

Les auteurs de l'attentat contre la devanture T. seraient en fait des résistants de la région de Besançon dont leur groupe Guy  Mocquet, plus tard sera infiltré par deux agents français de l'Abwehr (service de renseignements allemand). Leurs membres  seront fusillés ainsi que d'autres résistants FTP, à la Citadelle de Besançon le dimanche 26 septembre 1943.

 

Conséquence inattendue

Ajoutons à cette horrible fusillade, l'histoire vécue par le jeune Pierre Lombardet de Thise qui modifia sa vie en cette fin 1943.

Lundi 27 septembre au matin, il se présente à son travail comme ouvrier chez Zaniclair, à la réfection des toits de la Citadelle. Mais la direction arrive sur le chantier et leur interdit de travailler ; il retourne alors l'après-midi sur ce même chantier et y découvre 3 piquets plantés dans le sol, des traces de sang devant chacun d'eux et des douilles de balles. Des Résistants ont bien été fusillés la veille et en grand nombre…

Furieux de cette découverte, Pierre récupère des douilles trouvées et, contre une vieille porte de l'enceinte, il la raye en y inscrivant : --Vengeance--. Des miliciens postés devant l'entrée aperçoivent cette inscription et font une déclaration à la Kommandatur de Besançon. Son patron le convoque à son bureau : – C'est bien d'être patriote… mais maintenant il faut te sauver et rapidement, sinon les Allemands vont te piquer –. Il va se réfugier à Sornay et se fait embaucher dans une ferme, ainsi que son frère Henri.  Quelques mois plus tard, le maquis de Pesmes se forme, Les 2 frères Lombardet et d'autres jeunes du village gagnent le même jour, en voiture conduite par un certain Mauperrin, ce jeune maquis où ils seront Résistants, pour venger ces fusillés de la Citadelle...

Certains ont ajouté que les 2 auteurs de cette explosion de Pesmes étaient les jeunes de 17 ans, dont l'un Henri Fertet laissera une mémorable lettre avant de passer devant le peloton d'exécution, terminée par ces lignes ; – Les soldats viennent me chercher, je hâte le pas, mon écriture est peut-être tremblée, mais c'est parce que j'ai un petit crayon. Je n'ai pas peur de la mort, j'ai la conscience tellement tranquille.

Ce jeune saboteur de Pesmes donnera son nom au Lycée Professionnel de Gray.

Une seconde explosion se produira à Pesmes en avril 44, la vitrine de la quincaillerie Juif en fera les frais. D'autres menaces sont portées envers ceux qui s'exposent trop en la compagnie de soldats allemands. Leurs jours de gloire sont comptés...