B34 Faits divers (1942 / juin 1944)

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Faits divers (1942/ juin 1944)

 

L'évasion du général Henri Giraud

Très curieusement, l'évasion du général Giraud eut quelques effets dans notre secteur. Pour cela il faut revenir en arrière.

Le général Giraud commande en mai 40 la 7è Armée Française, ses troupes sont réparties de la Mer du Nord jusqu'à Bailleul. Le 18 mai, le général et les siens sont faits prisonniers dans Cateau, aux environs de Cambray, lui est interné dans la forteresse allemande de Kœnigstein, en Saxe : un piton rocheux au-dessus de l'Elbe.

Consciemment préparé, et malgré son état physique, il réussit à s'évader de cette prison en descendant 40 m de falaise grâce à une corde qu'il avait lui-même confectionnée dans sa cellule.

Pour le faire revenir en France, de nombreux plans ont été échafaudés, certains pour égarer les recherches faites par le gouvernement de Vichy et bien évidemment les Allemands, cette évasion est pour eux une cruelle désillusion qu'il faut corriger.

L'abbé Gabiot curé de Marnay était un ami de la famille Jacquot qui habitet l'île de la Forge à Vereux. Dans ce lieu souvent inondé et accessible qu'en barque, est hébergée leur tante Pauline, la belle-mère du général Giraud, Cet endroit aurait très bien pu servir de cache lors de son évasion de la forteresse au printemps 42 . Il a été dit plus tard, que l'abbé Gabiot s'était spécialement rendu en Alsace, avec son side-car pétaradant pour récupérer le général Giraud et le ramener à l'île de la Forge. A la dernière minute les plans ont été modifiés et le général a transité par la Suisse.

Ce général Giraud constituait le pion stratégique avancé par les Américains qui ne voulaient pas de De Gaulle pour conduire plus tard la France. En novembre 42, Giraud rejoint l'Afrique du Nord et est alors nommé Commandant en chef des troupes d'Afrique. Son ascension cesse lorsqu'en avril 44, il est évincé du Comité Français de Libération Nationale.

Deux ans après la Libération, le général Giraud est venu voir la famille Jacquot à l'île de la Forge, ont-ils évoqué ce lieu possible de refuge possible et l'action courageuse et volontaire de l'abbé Gabiot qui paradoxalement, était un fervent pétainiste mais aussi un grand patriote…

Est joint une photo de l'abbé Georges Gabiot aumonier militaire pendant la guerre de mai 40 et la Brough-Supérieur 680, non encore transformée en side-car gazo Image(01

 

La première tentative de sabotage de François Guillemot

Au mois de juin1942, commence à s'implanter une ébauche de maquis dans le secteur de Pesmes suite à la nomination de Mr André Lamboley ingénieur des travaux publics, comme responsable du secteur de Pesmes. Puis à la mi-43 un groupe d'une dizaine d'hommes originaires des villages du canton de Pesmes se réunissent discrètement pour structurer un éventuel maquis, entre autres François Guillemot de Bard les Pesmes, Marcel Rabasse de Valay, Charles Gauche de Pesmes. Georges Thevenard de Chevigney,Roger lafaille de Sauvigney.

Pour son premier sabotage, François Guillemot, ex sergent-chef d'Armistice, embauché par Mr Lamboley aux Ponts et Chaussées, a pour consigne de saboter l'écluse du Tremblant à Heuilley : l'explosif lui est fourni par son chef qui l'a ramené de Vesoul.

Dans la nuit du 23 au 24 octobre 1943, François Guillemot fixe le bidon de plastic contre la porte aval de l'écluse et s'en va. L'expérience est un échec, le détonateur utilisé n'est conçu pour fonctionner sous l'eau. Il faut un début à tout. Cette écluse devra attendre le mois de juillet pour être rendu inutilisable...

 

Les Réfugiés Parisiens

 

En cette année 1943, les troupes allemandes sont en grande difficulté sur le front de l'Est et l'idée d'un débarquement allié sur les côtes nord-ouest de la France se précise de plus en plus. Pour le préparer, l'aviation bombarde les sites stratégiques de la région parisienne, comme les gares ou certaines usines et plus particulièrement l'usine Renault à Boulogne-Billancourt bombardée le jour de Pâques 1943. Pour les protéger des risques encourus et éviter des conséquences qui pourraient être dramatiques sur la population, une grande opération est mise en place par le gouvernement français : le transfert des enfants de cette banlieue parisienne vers les campagnes. Ces derniers pourront bénéficier du calme de la campagne et surtout profiter des bons produits qu'elle peut leur offrir ; il ne faut pas oublier que le rationnement est sévère et l'approvisionnement des plus restreint, voire impossible.

Le quotidien d'un enfant se résume à peu de choses : l'école avant qu'elle ne soit fermée, les bien maigres repas et l'ennui, la nuit les alertes fréquentes les obligeant à quitter la chambre pour rejoindre les caves spécialement réservées.

Les campagnes françaises acceptent bien cette opération qui peut aider ces malheureux enfants parisiens, mais aussi peut lui apporter un peu de main d'œuvre pour les menus travaux de la ferme. Ce transfert d'enfants est une réussite, les familles parisiennes en ont bien compris la nature, ce sera plus de 8.000 enfants qui vont profiter de leurs premières vacances à la campagne. Les villages de la Haute Saône et le Jura ont bien sûr adhéré à cette mission bienfaitrice, organisée par des associations comme le Secours Populaire ou les paroisses. Cet accueil commence dès l'automne 1943.

 

Montmirey le Château

C'est au niveau des que s'organise cette action ; le prêtre-curé du village et la fille du maire Blanche Charlot entrent en liaison avec la paroisse de St François de Salles du 10è arrondissement de Paris. Les enfants doivent arriver au mois de mai 44. Partis en train de Paris, ils sont conduits jusqu'à Dijon où ils prennent le car pour rejoindre Montmirey. Les enfants sont encadrés depuis leur départ par Mlle Ménerioz, fille d'un joaillier de Paris, bénévole de la paroisse et surtout une très jolie blonde d'après l'indication d'un d'enrre eux... Elle est seule à conduire la flopée d'enfants qui lui ont été confiés, aucun parent n'est présent dans le car qui arrive devant l'église du village. Le groupe d'une bonne vingtaine d'enfants est conduit à la cure où chacune des familles présentes prend librement en charge un enfant ou deux.

Blanche dont la mère s'est inscrite pour recevoir un enfant de Marseille, prend un enfant dans le groupe, sans aucune préférence. --Tu vas être sage ?-- lui questionna sa mère. – Vous jugerez par vous même-- lui répondit poliment Jean. Ce réfugié parisien est Jean Guilbert, il habite près de la gare de Montparnasse où est censé se trouver un important dépôt de locomotives.

Blanche conduit Jean en la maison de son père, lui fait visiter sa belle chambre bleue qui donne sur la rue. – Ma famille va se révéler accueillante, généreuse et pieuse ; je retrouve la campagne, les animaux qui m'avaient tant plu en 39/40 à la suite de l'exode qui dura un an dans une ferme de Haute Corrèze. J'allais vivre un été inoubliable, surtout que Mme Charlot est une fine cuisinière et Mr Charlot passe pour le meilleur vigneron du village… Après la pitance parisienne le changement est considérable.

Sur la photo proposée,Jean se redresse sur le chariot pour ses premières vendanges chez Mr Charlot à Montmirey le Château Image(02)

L'enclave de Montmirey, Frasne, Pointre et Peintre, entre les 2 départementales constitue un îlot de calme où la guerre est bannie. Je ne vis l'uniforme vert du teuton qu'une fois : quand je me rendis en bicyclette avec Blanche à Pesmes ; le passage d'un détachement de la terrible division Vlassov qui remontait vers la trouée de Belfort ...(je le sus plus tard).

Je me rappelle les après-midi où je montais au Mont Guérin voir passer ls convois allemands battant retraite, j'espérais voir les chasseurs alliés les attaquer, ils piquaient entre les collines , cela me paraissait grandiose...

Ce récit m'a été communiqué en 2005 par Jean Guilbert-Lassalle ci-devant colonel de feue l'Armée d'Afrique, courrier écrit depuis Bergerac où il vivait, le petit Jean réfugié parisien chez Blanche Charlot.

 

La Résie St Martin

En ce printemps 1944, le car de réfugiés parisiens a déjà livré nombre de villages quand il arrive à Chaumercenne : il y dépose 5 enfants : Denise Dubus chez Gaston Vagnaux, sa sœur Jacqueline chez René Petit, 3 frère et sœurs Clatot, Renée chez Lepeut, Marthe chez Mme Roudot et Jacques chez Louis Mourant, une 4è à Bresilley chez Louise Jacquot.

Il termine son périple à la Résie St Martin, ne contenant plus que 4 enfants. La population est là pour les accueillir : 2 garçons et 2 filles. Si les 3 grands sont rapidement pris en charge, le dernier reste en plan avec sa grosse valise à la main ; personne n'en veut, il est trop petit, au plus âgé de 4 ans. Devant la détresse de cet enfant, Louis Poinsard le prend avec lui : --un de plus ou un de moins, on va pas le laisser là--. Il faut dire qu'il en a déjà 5 à la maison… Ainsi Alain Bragoski, 1m 05 et 20 kg, de beaux cheveux noirs bouclés va être pris en charge par Germaine et Paulette les filles de la maison. Sur la photo, c'est Paulette Image((03)

L'autre garçon Roland Landrin n'a pas la chance du petit Alain : du haut de ses 8 ans, il va servir d'employé à la ferme qui l'héberge, des journées laborieuses, peu choyé par ses hôtes, mal chaussé et peu vêtu. Il tombe gravement malade par manque de soins ; les mains, les pieds gelés si bien qu'il est envoyé à l'hôpital de Gray où son état nécessite d'abord l'amputation d'un doigt gangrené, causé par un staphylocoque doré, consécutif au tri de pommes de terres gelées à la cave de la ferme... L'arrivée d'un médicament miracle : la pénicilline lui évite heureusement l'amputation de la jambe. Ce jeune rejoint Paris, puis la Bretagne où un oncle le prend en charge.

En ce qui concerne les 2 filles, la plus jeune Jacqueline (6 ans) sœur de Roland Landrin arrive tête rasée(les poux ont été bien éliminés), en sabots percés avec la lanière cassée, marchant souvent pieds-nus (c'est une enfant de l'Assistance Publique, son père est prisonnier),mais elle est tout de même prise en charge en charge par la famille de Célestin Poinsard, un retraité ex-commercial dans la région parisienne.

Quant à l'aînée des filles Rosette Llianeski (11 ans), elle intègre la famille Sirugue, mais une chose impensable pour les deux familles qui accueillent Alain et Rosette, ces 2 jeunes réfugiés sont juifs… .Difficile de penser que les institutions qui s'occupent de ces petits parisiens ne s'en soient pas aperçus, mettant en danger ces familles qui les ont acceptés. D'ailleurs les premières paroles d'Alain sont éloquentes ; – je ne suis pas juif, je ne suis pas juif--, répétait-il souvent, paroles que lui a martelées sa mère et qu'il n'oublie pas de dire.

Le village est vite au courant pour ces deux réfugiés, mais rien ne filtrera aux oreilles des Allemands, jamais les familles ne seront inquiétées et ce malgré toutes les lois de plus en plus contraignantes, arrêtées par le gouvernement de Vichy.

Alain va à l'école en cours préparatoire et est de tous les déplacements de la famille de Louis Poinsard, même lors de la visite du P47 d'Arthur Palmer crashé le 5 septembre 1944 à l'extérieur du village, on y voit les fanes de pommes de terre qui ont servi à cacher l'avion, hors la vue des Allemands, c'est lui qui se trouve sur l'avion. Image(04)

L'enfant restera chez Louis Poinsard au-delà de la Libération, fin décembre 1945 ; son cahier de classe est arrêté au lundi 18 décembre 45, il lui aura fallu attendre le retour de sa mère du camp de concentration de Bergen Belsen et son passage en maison de repos. Quant à son père, il a la malchance d'être arrêté à Paris alors qu'il venait voir son fils Alain à la Résie, il sera du dernier voyage (convoi 73) en date du 15 mai 44 pour Kaunas en Lituanie, voyage hélas sans retour…

Jacqueline restera à la Résie, deviendra employé de maison au service de la famille Sirugue, puis se mariera au dit lieu.