B51-Le maquis -Saligney
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- Catégorie : B5- La fin de la guerre
- Publié le lundi 18 mars 2019 18:45
- Écrit par THIEBAUT Alain
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Les maquis- Saligney
Ebauche d'un maquis:Saligney
Dès 1942, les troupes allemandes n'occupent plus les villages sollicitées sur les fronts de l'Est tout particulièrement. Des groupes de résistance se forment ainsi, pas encore structurés et peu armés souvent de leurs seules armes personnelles.
Ougney
Abel Petigny ancien de 14/18, croix de guerre, est un vrai résistant à l'Allemand. Image(01)
Au printemps 43, il prend contact avec un groupe de résistants clandestins de Dole et adhère au Groupe Radio-Patrie dès décembre 1943. N'oublions pas que l'échec de l'envoi de travailleurs français en Allemagne et la décision de créer le STO, se traduit par l'arrivée massive de jeunes dans les campagne. Ces réfractaires recherchés par la police française ou la Milice, vont entrer dans les petits maquis déjà formés, leur instruction militaire nécessite aussi des armes. Les différents contacts pris avec d'autres groupes de résistance permettent d'entrevoir les premiers parachutages dans le secteur. Le lieu retenu est le Pré du Port à Vitreux, une prairie enclavée entre le bois de Vaudeney et l'Ognon, proche de l'abbaye d'Acey, un endroit retiré des grandes voies de circulation et des villes où les Allemands ont pris position. La cache des armes est vite trouvée ; les 84 km de galerie des anciennes mines de fer d'Ougney ; planque difficile à dénicher et la galerie d'entrée est en cul-de-sac, et pas d'éclairage bien sûr.
Le parachutage dans la nuit du 2 au 3 mars 1944
A l'origine de ce parachutage l'arrivée du capitaine Marie-Joseph Gonzague dit Lucien et de son opératrice-radio Odette, une anglaise : un couple de radio-émetteur ambulant assurant le contact radio avec la BBC ; Roger Mergey de Vitreux un résistant de première heure comme Abel Petigny, leur offre ses combles pour leurs liaisons radio, ils doivent changer de lieu d'émission pour ne pas se faire repérer des Allemands.
Tous les soirs, ils écoutent – Les Français parlent au Français – quand 2 mars 44, ils reçoivent le message tant attendu : --Jeannette a un beau tablier-- . C'est le message de la BBC annonçant le parachutage, la nuit est bien tombée quand il arrive. Alors la famille Petigny, père et fils, se met en action. Gérard un des fils prend le volant du tracteur, le père Abel et Régis un autre frère ainsi que Camille Ravier sur la remorque et direction le Pré au Pont où ils retrouvent Roger Mergey et son équipe ainsi que celle de l’État-Major des Orphelins de Dole avec Robert un chirurgien provençal aux commandes des opérations.
L'attente au clair de lune est longue, chacun à sa lampe électrique à la main. Le silence de la nuit est troublé par un vrombissement venu du ciel alors Robert les fait disposer en un large rectangle, lampes éclairant le ciel. Le gros avion après un premier passage fait un large cercle pour revenir , à plus basse altitude, larguer son chargement.
Le spectacle d'une dizaine de parachutes en soie blanche, planant dans le ciel, est impressionnant ; on distingue très bien le container pendant dessous le parachute, mais le temps n'est pas à la contemplation. Il faut vite ramasser parachutes et containers et dégager les lieux, l'ennemi quelqu'il soit, peut avoir vu ce parachutage ou l'avoir deviné…
Les longs et lourds tubes cylindriques sont chargés sur le plateau de la remorque simplement camouflés par une bâche. A la prise de la route à Vitreux, le groupe se disloque, il ne s'agit pas de rencontrer les Gris. Seuls les membres de la famille Petigny prennent position sur le tracteur et son dangereux chargement et s'engagent sur la Nationale N-459, direction Ougney. Les autres participants au parachutage regagnent à travers champs, l'entrée Sainte Barbe des mines d'Ougney. Aucun incident ne vient perturber ce périlleux transport. Dans la mine, les lourds containers sont traînés à travers les éboulis jusqu'à la cache repérée par Abel Petigny, et pour circuler dans les galeries les 6 lampes à acétylène récupérées lors de la fermeture des mines.
Plusieurs petits paquetages font partie de l'ensemble parachuté, le contenu des emballages transférés est essentiellement des armes : fusils-mitrailleurs, fusils, mitraillettes Sten, pistolets, grenades, plastic,cordons détonants, munitions, postes-radio, équipements pharmaceutiques de secours et d'autres accessoires pour les maquisards.
Abel Petigny et Roger Mergey sont les seuls gardiens de ce trésor militaire, ils délivrent les armes pour garantir la surveillance du dépôt ou pour des exercices de tirs. Cet énorme stock d'armes permettra entre autres d'assurer l'armement indispensable du prochain de Saligney.
Un second parachutage est annoncé par le BOA de Dole (Bureau des Opérations Aériennes) fin avril, le message – Jeannette a un beau tablier – est diffusé le 1er mai, sur les ondes brouillées de la BBC. Le largage est tardif si bien que le transfert des containers se fait au lever du jour, accroissant les risques encourus. Une longue nuit d'attente, harassante et au bout pas de pépins… Tout est réuni pour monter le maquis.
Le débarquement allié du 6 juin 44 sur les côtes normandes constituent l'ordre de mise en activité des maquis.
Le maquis de Saligney
C'est le 13 juin 44 que le lieutenant Daniel Mercier forme le maquis de Saligney : le groupe Panthère, au camp des Belles Charmes, sur le Mont de Vassange, terrain limité par les 3 routes reliant Saligney à Ougney, Ougney à Gendrey par Taxenne, et Gendrey à Saligney. Image(02) le camp Pantère
Le lieutenant Mercier est assisté de 2 hommes le sous-lieutenants Perrin et l'aspirant Soudeille, pour un effectif atteint au mois de juillet d'environ 40 hommes.
Le ravitaillement en pain est assuré par plusieurs particuliers du coin dont un boulanger et Abel Petigny dont le four récemment construit sert à sa fabrication, la farine étant prise au moulin de Montrambert ; les maquisards, la nuit tombée, viennent chercher les miches de pain (le pain est alors fait pour plusieurs jours), discuter un peu, et prendre les nouvelles. La ferme du polonais Lezak au Mont de Vassange fournit l'eau apportée par tombereau et un peu de viande, comme aussi dans d'autres fermes, celle de Marcel Girard servant parfois d'abattoir pour les grosses bêtes tuées.
Le camp se monte avec le bois trouvé sur place et des bâches récupérées dans les environs, tables, bancs et lits rudimentaires sont ainsi confectionnés au fur et à mesure.
Les plus aguerris partent en mission le soir pour des sabotages contre la voie ferrée Dole-Besançon, quelques harcèlements contre des passages d'Allemands sur la N73… , les autres sont en formation au camp.
Une bonne entente y règne, la jeunesse de l'effectif actuel ne permet pas toujours la rigueur militaire indispensable en temps de guerre…, les jeunes n'ont pas encore été confrontés avec les vrais combats. Il n'en sera pas de même quand le 27 juillet 1944, des troupes allemandes fortement armées, estimées entre 500 et 600 hommes, encerclent le camp.
Le massacre de Saligney
A 6 h 30 du matin,un jeune garçon de Gendrey arrive essoufflé, à la ferme de Vassange prévenir que les Allemands viennent de traverser le village et se dirigent vers le camp : 10 camions bondés de soldats allemands venus de Dole se déversent en 2 colonnes qui vont encercler complètement le Mont de Vassage, bloquant tous les replis prévus en cas de déploiements ennemis.
Le lieutenant Mercier n'étant pas au camp, Perrin et Soudeille fractionnent le groupe Panthère en 2 blocs, chacun cherchant à fuir l'encerclement, mais les mitrailleuses arrosent les lisières des bois à chaque tentative de franchissement de la route.
L'affrontement entre 44 maquisards munis de leurs armes légères et 600 Allemands sur-armés faisant même usage de canons de 77, n'a aucune chance de tourner en faveur de ces Résistants. Dans l'après-midi,les forces ennemies se décident à investir une partie de bois, 13 maquisards sont faits prisonniers. D'autres sauront attendre la fin des hostilités, tapis dans les buissons.
A 16 h, les Allemands semblent satisfaits de leurs prises, ils vont s'en délecter, jouer avec eux, les exhiber dans le village puis finalement les tuer, en lisière de bois et même au camp où les sadiques vont martyriser leurs derniers prisonniers. Les survivants du groupe Panthère vont errer dans les campagnes environnantes, il sera difficile d'établir un bilan exact tant que tous les corps n'ont pas tous été retrouvés.
Finalement 22 maquisards sont tombés sous les balles des de ces barbares, la moitié de l'effectif du maquis de Saligney,
Dans le plan (01), les numéros seulement inscrits en noir indique l'emplacement des corps des maquisards tués, le numéro inscrit dans un cercle vert représente le nombre de maquisards exécutés en ces lieux. Trois maquisards tués : Image(03)
En 1 sont morts 2 maquisards : Jean Schutz et René Brenier
En 2 4 : Bernard Bressand, Marius Pannaux, Roland Piquet, Jean Tupin
En 6 1 : Henri Bénissa retrouvé une semaine plus tard
Une première stèle est érigée route de Thervay
En 3 8 : Auguste Perrin, Marcel Lebois, Albert Gautheron, Gilbert Baudry et Paul Minary de Marnay, Jean Guaglio, André Valot et Roger Baert (un Belge)
Un second manument y est érigé peu avant Saligney, les 8 sont inscrits
En 4 3 : René Henry, René Lacroix, Charles Rederstoff ( route d'Ougney)
En 5 4 ; Antoine Nardy, Charles Siruguey, Gilbert Lebois, Raymond Labourey (découvert seulement le dimanche 6 août) (au camp des Belles Charmes)
Un grand mémorial qui porte les noms de tous les maquisards tués ce 27 juillet 1944 a été édifié en un lieu très proche du camp où vivaient ces maquisards. Image(04) Le mémorial
La cause de cette invasion du camp de Saligney est la révolte des troupes allemandes aux incessants harcèlements des hommes du maquis. Pourtant un doute subsiste, comment les Allemands ont eu connaissance du petit chemin chemin qui permet de gagner le camp des Belles Charmes ?. Ils ont été renseignés par quelqu'un, même si le secret et la discrétion ne sont pas les premières qualités de ces jeunes maquisards.
Une piste aurait été lancée : une femme traitée comme du bétail dans une ferme de Taxenne, mariée plus tard à un milicien, qui aurait vécue à Hugier...
D'autres maquis existent dans les environs, Un des plus anciens, celui de Vonges, ses membres presque au complet, sont arrêtés un matin de février 1943, sur dénonciation ; envoyés au camp de Mathausen, seulement 3 rentreront en mai 45.
Un autre maquis prend naissance dans la région de Pontailler puis s'installe à Perrigny sur Saône, son nom BDU3 et son chef fera beaucoup parler de lui : Le Commandant Noël autrement dit : Louis Chételat dont on parlera plus loin. Ce maquis va se révéler d'une grande efficacité sur le secteur, Pontailler Mantoche : présence de la voie ferrée Auxonne-Gray, de la Saône et du canal ouù transitent les marchandises expédiées en Allemagne.
Un autre maquis se montre actif, celui installé tout près d'Auxonne, dans les bois de la Crochère : La Compagnie Du Guesclin, maquis bien ravitaillé en armes parachutées sur un terrain situé entre Vielverge et Lamarche. Il comptera à la Libération plus de 150 hommes.
Le maquis de Pesmes ne s'installera qu' après avoir reçu son parachutage dans la nuit du 31 août au 1er septembre 44.