La Brigade Alsace Lorraine
Situation en septembre 1944
Avec la progression des troupes américaines depuis le débarquement de Provence en août 1944, le sud de la Haute Saône est libéré dès le 11 septembre. C'est ensuite le défilé de diverses et nombreuses troupes dont celles qui vont installer le pipe-line indispensable pour le ravitaillement en carburant des véhicules militaires, d'autres pour la reconstruction des ponts que les Allemands dans leur retraite ont fait sauter, dont celui de Pesmes le 10 septembre au matin.
Fin septembre 44 arrivent dans notre secteur des convois de véhicules militaires : des Tractions avant occupées par des officiers, suivies de camions GMC tout brinquebalants, bâchés et équipés de gazogènes. 150 officiers et hommes de troupe se répartissent dans les sept villages de Chaumercenne, Montagney, Chancey, Bonboillon, Hugier, Sornay et Motey. Ils vont en transformer la vie, y apportant nouveauté et ambiance particulière dans ces contrées si calmes d'habitude.
Formation de la Brigade Alsace-Lorraine
Mais qui sont ces militaires ? Pour cela il faut revenir en arrière. Suite à l'invasion allemande de mai-juin 1940, l'Alsace et la Lorraine sont annexées au Grand Reich. Beaucoup de ses jeunes fuient leur province pour éviter leur incorporation automatique dans les troupes de la Wehrmacht. On les retrouvent dans le Sud-Ouest principalement en Dordogne et dans le Gers.
Après l'occupation de la zone sud par les troupes allemandes en novembre 42, ces jeunes entrent dans les maquis pour éviter d'être pris par l'Occupant. Ces résistants s'organisent et se montrent très actifs et participent à la libération de Périgueux, d'Angoulème...
Ce sont ces hommes qui remontent dans l'Est de la France avec un objectif unique : libérer leur Alsace-Orraine des Allemands , en retraite certes mais qui résistent malgré tout. Ils sont rejoints par d'autres maquisards alsaciens et lorrains, ceux-ci réfugiés dans le nord dans les bois de l'Est de la France, surtout des garde-forestiers en tenue. Tout ce rassemblement doit permettre la constitution d'une brigade spéciale en marge des autres troupes, de par sa formation, plus exactement son manque de formation, elle va s'appeler la brigade Alsace-Lorraine.
Ces résistants alsaciens et lorrains ne sont pas des militaires. Pour affronter les troupes allemandes, il leur faut une instruction militaire réelle, de la discipline, tout ce qu'ils n'ont pas. Les six semaines qu'ils vont passer dans nos villages ont pour objectif de faire de ces valeureux combattants, de vrais soldats capables d'affronter l'ennemi dans une guerre impitoyable.
C'est à Dijon qu'est officiellement signé l'acte de création de la Brigade, dont le commandement est confié à un certain » colonel Berger », alias André Malraux l'écrivain dont la réputation n'est déjà plus à faire à cette époque.
Installation à Chaumercenne
Chaumercenne accueille dans ces maisons inhabitées ou dans des granges et greniers des fermes, une bonne quarantaine d'éléments du bataillon « Strasbourg », des résistants des ex-maquis de Dordogne regroupés autour de son chef le capitaine « Ancel » alias Antoine Diener un instituteur alsacien logé avec d'autres officiers à la maison Gaulard sur la Charme (les officiers allemands avaient réquisitionné cette maison pour leur Etat Major dès juin 1940…).
Tôt le matin les soldats se lavent aux fontaines et puits du village, puis a lieu la traditionnelle levée des couleurs sur la place à laquelle assistent avec beaucoup d'admiration les écoliers du village avant leur entrée en classe, l'instituteur Degand ne peut les priver de ce spectacle.
Ils suivent des cours d'instruction militaire, apprennent à marcher au pas, puis peu après le maniement des armes l'entraînement au tir, les exercices de combat mais ces hommes ne connaissent pas la tactique militaire. Le reste du temps, ils s'ennuient, alors pour s'occuper, certains donnent un coup de main dans les fermes pour l'arrachage des patates ce qui leur permet de déguster la piquette locale, « un grattouillou » souvent difficile à faire passer. Les autres plutôt indisciplinés s'occupent à tirer dans les panneaux indicateurs ou dans les wagonnets des carrières de l'entreprise Barbier ; les sacs de patates laissés au champ sont aussi des cibles de nos soldats bien indisciplinés.
Une infirmerie avec brancardiers et infirmiers est installée dans une maison de la rue basse, voisine du bistrot Lacombe.
A la cure loge un petit groupe de soldats malgaches dont un médecin y soigne même des locaux malades, tout particulièrement la jeune Malou Duvernoy pour des colibacilles dont elle souffrait depuis plus d'un an.
Tous ces futurs militaires sont équipés à neuf de tenue américaine, beaucoup d'officiers, sergents-chefs, caporaux … ce qui fait dire à Marcel Lambert dans son patois local« Mais sont tous gradas iqui lade dans ».
Leur armement : des MAS 36, Thomson, FM 24-29, FM Bren, mitrailleuses 12/7, des explosifs, TNT, cordons détonants…, pas de blindés juste de l'infanterie.
Ils font une excellente impression lors de deux défilés dans le village pour la Toussaint et le 11 novembre, une messe est célébrée où quelques soldats font le service auprès de l'abbé Guy Schlinger curé de Chaumercenne : il faut préciser que la majorité de ces alsaciens et lorrains sont de fervents catholiques à l'image de leur province, à l'opposé de leur chef Malraux communiste notoire… .
Il en est de même dans les autres villages où séjournent d'autres compagnies de la brigade. A Motey, l’État Major est au château Jeyer, le dépôt de munitions en face, l'infirmerie à l'école, un atelier de réparations au dessus du village.
Cet automne pluvieux fait baisser sérieusement les températures aussi, lors de l'arrachage des pommes de terre auquel des soldats participent, certains arrivent avec quelques pains de plastic (sans les détonateurs) qu'ils balancent dans un feu allumé dans les champs, pour se réchauffer les mains… L'intégration de ces soldats dans la vie du village crée une ambiance nouvelle dont les habitants auront du mal à s'en remettre lors de leur départ pour les Vosges à la mi-novembre.
Départ de la brigade
C'est dans la nuit que l'ordre de quitter les lieux est arrivé. Au matin suivant plus de soldats, personne n'avait été prévenu pas même le maire. Les 300 hommes de la brigade constituée à Motey-Besuche sont allés rejoindre le front en reprenant les mêmes véhicules, trois cars des Monts-Jura furent aménagés dont un transformé en cuisines pour le groupe. Ce car des cuisines fut pris au piège des troupes allemandes qui avaient inversé le sens des pancartes routières ; tous ses occupants furent faits prisonniers sans combattre...
Il ne reste du passage de la brigade à Motey que des monceaux de munitions, des fusils anciens abandonnés sur place, certains même d'origine allemande, et une grande tristesse de la population qui a du reprendre son train-train d'avant leur arrivée.
Malraux et le baron Percy
Malraux ou plutôt le Colonel Berger se rend quelque fois à Montagney dans la propriété de la Thérèse Longin, femme de lettres. Malraux y aurait chanté « la vérole »pour distraire la dite demoiselle…
Toujours restée en contact avec lui, quelques années plus tard, en souvenir de son passage chez elle à Montagney, elle sollicita le Ministre de la Culture du général De Gaulle, l'ex Colonel Berger, pour un geste de la Nation, en vue d'ériger une statue à la mémoire du baron Percy, le fameux chirurgien en chef des armées de la Révolution et de l'Empire né à Montagney. Thérèse Longin essuie un refus de son ami Malraux, elle en est trè peinée. C'est Emile Delaître, instituteur à Montagney, qui viendra à son secours. Ilfera l'acquisition d'un buste du baron Percy, acheté à Belfort pour 100 000francs de l'époque, avec les fonds de la caisse des écoles….
La brigade Alsace Lorraine, associée à la 1ère Armée, se distingue dans la prise de Dannemarie (Haut Rhin), elle entre dans Strasbourg qu'elle défend contre le retour des Allemands chassés par le général Leclerc. L'épopée de cette brigade commence...
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B1-De 1939 à 1940
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B4-De juin 1944 à septembre 1944
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B3- De 1943 à juin 1944
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B5- La fin de la guerre
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