B58-Les américains arrivent
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- Catégorie : B5- La fin de la guerre
- Publié le mercredi 27 mars 2019 07:38
- Écrit par THIEBAUT Alain
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Les Américains arrivent : 9-10-11 septembre1944
Arrivée des Américains : Etrabonne-Pagney-Bresilley
Samedi 9 septembre 44
Etrabonne
Alors que les troupes allemandes battent retraite vers les Vosges et la frontière, dans le secteur elles rencontrent beaucoup d'obstacles et se vengent d'une manière cruelle envers la population ou les villages. Pourtant les premiers éléments américains qui les poursuivent sont à moins d'une journée de l'ennemi. Ils viennent de Saint Vit (entre Besançon et Dole) où un de leurs chars vient d'être détruit, ses 5 occupants sont morts. Ils avancent donc sur des petites routes avec beaucoup de précautions, dépassent Mercey le Grand avant d'atteindre Etrabonne où ils font halte pour déjeuner. Des chars lourds stationnent dans les cours de ferme. Dans la première photo proposée, la population d'Etrabonne investit le char M10 TD (Tank Destroyer ou char chasseur de chars). Image(01)
Dans la seconde photo, deux soldats américains se détendent appuyés contre leur Sherman M4 E5, d'audacieux habitants du coin sont montés sur le char. Image(02)
Cette avant-garde reprend la route pour Jallerange via Etrabonne et le Moutherot.
Jallerange
En tout début d'après-midi, à Jallerange un bruit infernal se fait entendre venant de la route de Courchapon, encore des Allemands qui se sont perdus… Certains se hasardent cependant à mettre le nez dehors, pour vite comprendre la situation. Une colonne de chars se présente, une banderole accrochée au premier. Ce sont les Américains ; le délire, une joie immense et incontrôlée. Toute la population du village est sur la route, acclamant ces hommes venus de loin, certains voient leurs premiers hommes de couleur. Après la surprise, c'est de la folie. Embrassades, fleurs offertes aux libérateurs, on sort les bouteilles de bon vin que l'on tend aux hommes restés dans les blindés. Ces moments de liesse ne durent que quelques minutes, un temps bien trop court mais ces hommes doivent continuer leur mission. La colonne repart, chars légers devant (des Stuart M5), un obusier de 105mm monté sur un châssis de Sherman, puis des Half-Track M3 avec la mitrailleuse sur le toit du camion, des jeeps en relais dont une de commandement à 6 roues. Ces éléments avancés appartiennent au 117 Régiment de Cavalerie US. Ils poursuivent leur route vers Pagney. Image(03) : le Half-track, Image(04) :le char Stuart M5, Image(05) :l'automoteur avec un canon de 105 mm
Certains s'arrêtent près du cimetière pour surveiller l'entrée du village, d'autres stationnent au carrefour avec la route de Banne. Image(06) Image(07)
3 chars légers, des Stuart M5 s'aventurent jusqu'à Ougney.
Ougney puis Brésilley.
Après l'accueil chaleureux de la population, les chars se répartissent sur les entrées du village ; un sur la route de Vitreux, un second sur celle de Taxenne, le dernier se positionne sur la place. L’arrivée de soldats motorisés allemands venant de Thervay apporte la perturbation, rapidement réglée par la mitrailleuse du char posté sur Vitreux, les Allemands font demi-tour et prennent la fuite.
Abel Petigny, un ancien de14, résistant de la première, s'impose dès 1943 comme chef de son secteur, organisant même les parachutages d'armes dans la prairie d'Acey. Arborant son brassard FFI et son pistolet, il prend contact avec l'officier américain pour qu'il se rende sur Brésilley, le pont enjambant l'Ognon est intact comme d'ailleurs celui de la vois ferrée à Acey. Ils doivent l'intéresser pour le franchissement de l'Ognon. Peu convaincu, il daigne bien y envoyer un char, qui franchit le pont sur la rivière, puis visite celui de l'abbaye d'Acey et s'en retourne par le même chemin à Pagney. Ses ponts sur l'Ognon n'entrent pas dans leur schéma de progression, ils n'ont aucune envie de les défendre au grand désespoir d'Abel. Ce sont eux les patrons de la guerre…
Informés du passage d'un char américain vers les quatre heures de l'après-midi, les Allemands décident en urgence de les faire sauter, avant qu'ils ne soient défendus par un groupe de maquisards. A 9 heures du soir le joli pont en fer de 1885 n'est plus que ferrailles enchevêtrées. Celui sur l'abbaye est préservé, Abel Petigny l'a déminé sans difficultés.
Dimanche10 septembre 44
Brésilley
Dans l'épais brouillard du matin, deux Américains venus en jeep de Pagney se présentent devant ce qui reste du pont. Un coup de fusil claque, le grand GI s'effondre, la balle l'a touché en plein front. Le corps est ramené à Pagney sur la Jeep, les larmes de son frère inconsolable resté à Pagney obligent une expédition punitive à Bresilley. L'arrosage nourri des mitrailleuses américaines contre la rive de l'Ognon n'y fera rien, ne resteront que les impacts de balles gravés longtemps sur la façade de la maison d'en face le pont. Les rares Allemands ont bien vite quitté les lieux après leur méfait.
La maire de Pagney refusera l'inhumation de ce soldat, au cimetière du village parce qu'il n'était pas français ; il a cependant donné sa vie pour la France...
Les ponts sur l'Ognon ayant sauté, les derniers Allemands se regroupent dans les villages du canton de Pesmes. Le lendemain en fin de matinée, un message est donné par des estafettes envoyées dans chaque village, leur ordonnant de quitter les lieux et de rejoindre la route de Vesoul.
Montagney
Les mitrailleuses mises en place devant chez Pététin, à la Rue Neuve et au carrefour, sont rentrées dans les camions ; au passage, les raisins de la treille de François Moine sont vendangés par quelques soldats en manque de petit-déjeuner, avant que ne se décide l'ordre de départ. Ca s'agite de partout, dans tous les sens, une frénésie indescriptible dans les rues, ça hurle de toute part puis dans un certain calme, le convoi se forme et quitte Montagney, il n'est pas loin de midi.
Peu après, deux avions américains (sûrement des P47 Thunderbolt) survolent le convoi peu avant Chaumercenne. Les Allemands ont tôt fait de déserter leurs camions et autres véhicules pour s'éparpiller dans les champs. Malgré le mitraillage de leurs moyens de circulation, tout le monde reprend la route. Au lieu de mitraillage il ne reste rien, tout a disparu : camions, soldats, blessés comme morts. Il n'en sera pas de même avec cette colonne renforcée par d'autres convois venant de Valay et de Pesmes, sur la grande route de Vesoul, à la sortie de Bonboillon.
Arrivée des Américains : Soissons -Broye -Pesmes
Des éléments avancés du 117ème Régiment d'infanterie américain quittent ce matin Auxonne (précisément le jour de la fête du bourg), venant de Dole, surtout des éléments de reconnaissance, des automitrailleuses et des blindés légers (des Stuart M4), accompagnés par des maquisards du secteur pour les guider sur des routes qu'ils ne connaissent pas. Ne pouvant franchir la Saône, ils poursuivent sur Flammerans, puis Soissons.
Soissons sur Nacey
La foule importante et enthousiaste accueille ces hommes venus les libérer, avec fleurs et embrassades par les filles du pays. Les chars se positionnent dans les rues du village Image(08), ici un char Stuartet même dans les cours de ferme Image(09), là les filles de Soissons s'invitent sur un autre char Stuart, elles portent même les lunettes et casques légers des Américains, remarquez la caisse nourriture américaine : Ration 10-1 Menu 2, et pour faire descendre le repas, la bonne bouteille de piquette soissonaise (pour les amateurs de gastronomie et les connaisseurs de l'anglais, je livre la composition du Menu 4)Image(10).
Puis les soldats américains déjeunent à même le sol, sortent leurs caisses de nourriture, la population leur offre vins et alcools ainsi que des fruits. Les Américains sont détendus, ils ne refusent pas de s'afficher dans des photos des habitants du village, ici 4 sont présents.Image(11); Mais il est l'heure de repartir, certains vont prendre la direction de Pontailler par Vielverge, pour voir le pont (il a sauté la veille), les autres vont s'engager par Champagney pour atteindre Pesmes et son pont (il a sauté très tôt ce matin).
Après le départ des troupes américaines, la population va se regrouper et profiter de cette journée de Libération, en se photographiant. Ils se rendent après au Monument Aux Morts Stèle Barachin: Image(12) Image(13) : la population réunie
Entre temps, du côté de Pointre un drame vient de se passer, une mauvaise entente due à un non-respect des consignes de circulation du maquis de Perrigny.
Méprise à Pointre
Ce dimanche matin, après un défilé dans Perrigny sur l'Ognon, les maquisards du secteur et d'autres d'Auxonne se retirent pour aller au devant des troupes américaines ; une quinzaine dans un camion réquisitionné de la fromagerie de Vielverge, les autres dans une Traction. Au carrefour avec la route de Pesmes, Rolande S. de Lorret leur signale que la route Auxonne-Pesmes est dégagée. La veille elle était venue les informer que les Allemands avaient posté deux canons anti-chars de chaque côté de la route à la sortie de Flammerans. Aujourd'hui seul un side-car allemand renversé dans le fossé impose que les maquisards prennent encore des précautions, ils n'ont pas sorti leur drapeau tricolore pour signaler à l'aviation alliée qu'ils ne sont pas des véhicules ennemis. Le camion précède la voiture.
A peine ont-ils quitté le carrefour qu'une escadrille de quatre Spitfire anglais les prennent en chasse. Le chauffeur et un passager arrivent à s'extraire du camion et plongent dans le fossé alors que le premier avion pique sur eux, mitraillant sans arrêt le véhicule ; le deuxième lâche aussi ses rafales, mais le troisième avant de piquer s'aperçoit qu'il ne s'agit pas de soldats allemands, mais de résistants français, il agite plusieurs fois les ailes de son Spitfire d'un côté puis de l'autre en signe d'excuse, le dernier avion poursuit son vol sans même piquer.
Dans le camion c'est la désolation, les blessés hurlent de douleur, un résistant a la jambe sectionnée entre le genou et les pieds et devra être amputé, un autre a une jambe cassée, six autres sont blessés plus légèrement. Mais cette attaque aérienne aura fait un mort, le jeune Antoine Barrachin de Villers les Pots ; une croix placée à proximité du lieu de celle-ci rappelle le drame de ce résistant même si l'inscription de la date est demeurée fausse malgré les modifications… il fut tué le dimanche10 septembre 1944, (la croix placée sur le lieu du drame indique pour son décès la date 10-08- 44, ce qui est faux, mais 10-09-44) il pouvait être 10heures du matin. C'était non pas des balles qui ont été titrées depuis les avions mais des petits obus d'où le carnage…. Image(14) A Broye population sur un char shermann
Détail supplémentaire malheureux, on envoya Rolande chercher un drapeau tricolore au village de Pointre, le maire d'abord réticent à lui en donner un, par crainte des Allemands qui pouvaient circuler encore au village, finit par lui en céder un, planqués dans une pièce de la mairie. Il était un peu tard pour y songer. Pour rentrer sur Auxonne le drapeau de la mairie de Pointre fut mis sur le camion, l'autre drapeau qui n'avait pas été sorti lors de l'attaque fut placé sur capot de la voiture, n’était-il pas trop tard pour les sortir?...
Pesmes : le départ des Allemands.
Ce dimanche matin, les Allemands mettent la roulante devant l'Hôtel de l'Aigle d'Or, après avoir dévalisé le garage Ferrut situé en face ; ils y piquent des accessoires de vélos et autres objets qu'ils déposent aussi devant l'hôtel, un Allemand décroche même un volet à la grande stupéfaction de Mme Besson la propriétaire de l'hôtel qui vient le réclamer auprès du voleur ; la vue du pistolet sorti de son étui lui fait abandonner sa requête.
Tout ce petit monde mange tranquillement leurs rations mais aussi de la nourriture volée dans les environs, puis peu avant 14 heures, c'est le départ. Des chariots tirés par des chevaux, beaucoup de vélos, quelque voiture légère et deux camions chargés en chevaux réquisitionnés chez les cultivateurs. L'objectif : la gare de Gray pour cette colonne qui va se gonfler d'autres véhicules intégrés au fut et à mesure du trajet.
Ca y est, il ne reste plus d'Allemands à Pesmes, et il n'en viendra plus. Mais la population n'en est pas plus rassurée, elle attend impatiemment l'arrivée des Américains.
Les Américains ne savent où aller
En début d'après-midi le convoi de chars arrêté à Soissons reprend la route. Leur commandant voudrait bien franchir l'Ognon pour regagner Gray dans la soirée mais les ponts ont sauté un peu partout. Au carrefour avec la route de Dijon, un groupe de trois chars s'avance vers Pontailler pour voir les deux ponts sur la Saône, ceux-ci sont hors d'usage. Pontailler est une île entre les deux Saône. Les blindés font demi-tour et repartent sur Cléry.
Ulysse Dard voit une colonne de six blindés sur la route entre Chassey et Cléry. A vélo, il se rapproche, il voit l'étoile sur le blindage, ce sont bien des Américains. Ulysse monte sur le premier char grâce à l'aide d'un soldat qui lui accroche son vélo au blindé, puis les conduit dans Perrigy où il arrive bras levés au ciel. Image(15) : Char Stuart à Perrigny
On sort les drapeaux, la foule se presse pour embrasser les libérateurs, on leur offre fleurs et bouteilles de vin avant de les voir repartir sur la route de Cléry. Image(16) : Une automitrailleuse AM8 de commandement à 6 roues, son canon de 37 mm en tourelle et une mitrailleuse 7,62 de DCA, comme pour le char Stuart M5.
La colonne s'arrête au carrefour devant la maison Fromont, la patronne balance dans le premier char toute une cagette de noix dont l'essentiel retombe par terre, le second char se voit gratifier de courges cueillies la veille. Perdus, ils repartent sur Cléry et gagneront finalement Broye les Pesmes.
Champagney
Il est 14 heures quand 2 chars légers américains et une jeep pénètrent dans le village, ces véhicules viennent de Soissons, les chars sont décorés d'une bande de tissu tricolore. Les occupants sortent de leurs chars et vont au-devant de la population moyennement rassurée de leur identité, puis repartent et prennent la direction du Bémontot. Pendant ce temps, les jeunes de Champagney se rendent à l'église et y sonnent les cloches à tour de rôle jusqu'à 6 heures du soir pour avertir les villages avoisinants de l'arrivée des Libérateurs. Paul Veurriot monte au clocher par la charpente et accroche un drapeau tricolore, personne ne va décrocher, seul le temps en viendra à bout.
Dans l'après-midi, ces jeunes dynamiques et heureux confectionne une grande banderole dans un drap, ils y inscrivent au charbon de bois Vive Nos Libérateurs, qu'ils tendent sur la place. Le soir, tout le village se retrouve pour un bal dans le bâtiment de l'école.
Pesmes
Les Allemands ont à peine quitté Pesmes qu'au pied de ses remparts se présentent les premiers Américains venus depuis Brans par la côte du Bémontot, quelques soldats venus en éclaireurs pénètrent dans Mutigney, mitraillette au point, ils avancent en longeant les murs d'habitation. Curieusement ils dédaignent le pont des Forges, une analyse de la situation aurait pu être faite, l'idée de passer l'Ognon...Puis ils repartent dans leurs chars, direction le pont de Pesmes
Quelques blindés et une jeep se présentent dans la longue ligne droite donnant accès au pont, sous les acclamations des Pesmois rassemblés sur les terrasses du château. Des discussions s'engagent sur la possibilité d'emprunter le pont, seul un trou d'un mètre de diamètre est visible sur son tablier. Une jeep s'engage précautionneusement et le franchit puis fait demi tour 100mètres plus loin et repasse le pont, le téméraire américain n'en mène pas large. Le commandant du groupe de chars donne alors l'ordre à ses blindés de faire demi-tour, estimant que la traversée par ses chars risquerait d'aggraver la fragilité du pont et pourrait en provoquer sa chute dans la rivière. La population pesmoise voit repartir la colonne américaine avec déception et tristesse, il lui faudra attendre la fin de soirée pour voir les premiers Américains rentrer vraiment dans Pesmes.
Broye les Pesmes
Au matin du 10 septembre, les Allemands sont bien présents : chez Gobet, deux Allemands armés de pistolets surveillent les deux femmes de la maison pendant qu'un 3è coupe la patte d'un Russe Blanc blessé dans la soirée dernière au cours d'affrontements avec les maquisards. D'autres soldats allemands surveillent le pont délaissé dans la nuit par BDU3… Cantonne encore un convoi d'ambulances et de gros camions. Si certains soldats sont bien équipés, d'autres sont récupérés par la Croix Rouge allemande, se traînent en sabots, volés dans les dernières fermes où ils sont passés...
En tout début d'après-midi, tout ce petit monde décampe de Broye en direction de Gray. Et dire que les avant-gardes américaines présentes à Soissons, ne sont qu'à 6 ou 7 km d'eux...
Les autres chars ayant quitté Soissons se sont engagés directement vers Cléry où Louis Thomas de Pesmes est venu spécialement en vélo les chercher, il leur fait prendre le petit chemin qui conduit à Broye par le bois. Ils franchissent l'Ognon par le pont protégé par les maquisards. C'est le seul pont qui soit resté intact en 40 et 44.... Les Américains entrent dans Broye vers les 4 heures de l'après-midi, il n'y a presque personne pour les recevoir : les gens de Broye sont aux regains quand au loin retentissent des bruits de blindés, un vacarme assourdissant, les Allemands sont partis il y a deux heures, pourquoi reviendraient-ils ? La crainte de leur retour s'efface rapidement, avertis par un jeune du village, de la présence des Américains à Broye.
Dans Broye arrivent successivement deux automitrailleuses, puis les trois chars dont le premier avec Louis Thomas dessus, et d'autres broyens rencontrés dans le bois profitent de la gratuité du voyage, comme Antoine et Louis Dédole, Robert Perron. En fin de convoi se trouve une jeep de commandement à six roues. Le convoi s'arrête au premier carrefour, les chars se disposent aux entrées du village, un passe toute la nuit devant la maison Waller le laitier de Broye. Les 2 automitrailleuses AM8 s'arrêtent devant la maison Bouhand, tous s'affairent devant celle de commandement à 6 roues, comme à gauche le père Fleutot et à droite Emile Lépagnole. Les Américains consultent la carte routière que le jeune Jean Waller (15 ans) a prise à la maison, ils cherchent maintenant à gagner Gray, carte que ne retrouvent pas les parents de Jean qui taira cette soudaine disparition… Image(17) : automitrailleuse à Broye
Un half-track stationne devant l'ex maison Gobet, les habitants s'approchent, les Gis se restaurent sur la plate-forme. Image(18) : Half track à Broye
C'est maintenant la liesse dans Broye. Un photographe présent sur les lieux immortalise cette folie joyeuse au carrefour avec la rue de Pesmes : une partie de cette jeunesse présente sur le Sherman dont on n'aperçoit plus que le canon. Image(19) : foule sur un char Shermann Image(20) : Même scène sur un autre char
Le boulanger du village, pour ce dimanche a spécialement confectionné des gâteaux, un est offert au conducteur d'un char qui ne l'accepte qu'après beaucoup d'hésitations, l'artisan s'est montré très contrarié et a vite regagné son domicile.
Cette avant-garde américaine passe la nuit à Broye, et au matin du lundi 11 septembre, la colonne gagne Gray par la grange des Carmes où elle fait sensation.
Pesmes voit enfin ses Américains
En fin de soirée de ce dimanche 10 septembre, une jeep et un char Stuart poursuivent sur Pesmes, ils remontent la Grand-rue et s'arrêtent devant l'Aigle d'Or, accueillis par des maquisards méfiants, qui craignaient le retour des Allemands, puis heureusement surpris de leur arrivée. Ces maquisards renseignés par leurs informateurs du bourg avaient quitté le maquis de Pesmes une heure plus tôt, en voitures particulières. Quelques Américains se joignent à la population, en voici 2 en galante compagnie : les deux filles de l'électricien Robert de Pesmes encadrent la nièce de l'abbé Sire de Bard la tête couverte par un calot d'un des GIs, la future Mme François Guillemot chef du maquis de Pesmes. Image(21) ; Pesmes Grande Rue
Au cours d'une réunion rapidement menée entre les responsables du maquis de Pesmes et les officiers américains, décision est prise de rejoindre Gray le lendemain. Le chef Guillemot propose au commandant de l'avant-garde américaine de leur ouvrir la voie, il dispose de voitures légères pour les accompagner. Un avis favorable lui est donné à condition d'avoir l'autorisation du colonel américain du 117è Régiment de Cavalerie US cantonné dans les faubourgs de Besançon.
François Guillemot part chercher cette autorisation traversant les lignes ennemies dans la traction conduite par Louis Bonnaventure. La rencontre a bien lieu dans la soirée et le colonel accepte la proposition, il s'engage de plus à ramener à Broye demain matin, le chef du maquis de Pesmes dans son propre avion, un Piper-Cub. Hélas les 2 Piper-Cub se posent à Broye trop tardivement, les chars américains de Broye sont déjà partis…Image(23) : 2ème Pier-cub
Pesmes
La réunion terminée, la fête en l'honneur des Américains peut commencer ; GIs et maquisards mangent ensemble dans la salle de l'hôtel de l'hôtel de l'Aigle d'Or. Le boucher Huvier a tué la veille le cochon de Mr T. emprisonné au camp pour collaboration, et en a fait les saucisses qu'il emporte à l'hôtel. Elles ne sont pas totalement refroidies mais tout le monde les apprécie.
Une heureuse surprise égaye la soirée ; Charles Melou arrive à l'hôtel avec un autre américain, le pilote du Spitfire qui s'est posé sans dégâts majeurs vers les 11 heures du matin, sur la colline de Pesmes, côté Chaumercenne. L'avion survolait l'Ognon en arrosant les parterres où les Allemands avaient posté leurs mitrailleuses ; il fut atteint par une balle de fusil qui a touché un point sensible du moteur l'obligeant à un atterrissage forcé et rapide ; il se posa sur le ventre. Image(24) : Spitfire Lomnes à Pesmes
Le pilote sergent Lomnès précisa qu'il avait mitraillé quelques jours plus tôt une colonne blindée allemande devant un restaurant tout proche de Pesmes, plus précisément aux Quatre Fesses, c'est ce mitraillage du 5 septembre 44 (celui qui coûta la vie à sa propriétaire Blanche Chevanne et blessé une fille du restaurant).
Lundi 11 septembre 44
Pesmes-Chaumercenne-Gray-Cresancey
Pesmes libéré fête ses Américains
Tôt le matin, à L'Hôtel de l'Aigle d'Or, le réveil des Américains et des maquisards est un peu difficile après la fête de la nuit, agitée et très arrosée pour tout le monde. La toilette matinale des Gis se fait dans leurs casques, puis le petit déjeuner : les Américains offrent le café très apprécié des maquisards qui n'en ont pas bu d'aussi bon depuis au moins quatre ans. La salle de réception de l'hôtel est ensuite réquisitionnée par les GI pour installer la PM(police militaire).
Ce début de matinée s'achève par la réception à l'Hôtel de ville. Le maire de Pesmes, Bourgeois, prononce un discours, depuis le balcon de la mairie en présence de l'aviateur américain tombé la veille près de Malans, devant un parterre nombreux et enthousiaste de Pesmois amassés devant la mairie et sur la Grand-Rue, puis le sergent Lomnès, un jeune et joli blond s'adresse à la foule. Son discours plaît à cette assemblée même si aucun des présents ne comprend la langue de l'orateur. C'est le délire quand à la fin de son discours, il lève les bras au ciel en signe de victoire.
Dans la foule Mireille Gaunel l'infirmière du maquis est venu assister au départ des Américains, accompagnée de ses deux pilotes Mac Chesney et Palmer. Les deux pilotes repartent de Pesmes sur un char, debout et émus de cet accueil, ils font un dernier signe d'adieu à la jeune femme qui ne les reverra plus. Puis c'est le départ général, les soldats américains regagnent leurs véhicules, la majorité prend la direction de Gray. Un side-car et un half-track prennent la direction de Chaumercenne.
L'autorisation donnée par les autorités américaines aux maquisards d'accompagner la colonne de blindés viendra trop tardivement ; elle est apportée par François Guillemot chef du maquis de Pesmes et le colonel américain, arrivés spécialement à Broye les Pesmes en Pipper cup, mais la colonne américaine était pratiquement arrivée à Gray Les autres prennent la direction de Chaumercenne.
Broye encore à la fête
Ce11 septembre au matin, les habitants de Broye auront quand même la chance de voir atterrir les 2 avions légers américains et pourront les admirer à loisir. Sur les photos on reconnaît les familles Guerret dont Charlotte, Oudin (Eliane) et Lepagnole (Emilie). Image(22) : Piper-cub1 à Broye Image(23) : Pier-cub 2 à Broye
Dans l'après-midi de nombreuses voitures particulières conduisent les maquisards de Pesmes, à Gray. Ces voitures sont précédées par une Harley-Davidson pilotée par un joyeux drille américain qui aura procuré la peur de sa vie, à l'infirmière Mireille Gaunel et ce, tout au long du trajet...
Chaumercenne accueille ses Américains
Il est 10 heures 30 quand les jeunes du village voient arriver les premiers éléments américains : d'abord un half-track suivi d'un side-car, Image(25) : Half-track
Ils s'arrêtent route de Pesmes. Un Américain prend dans ses bras une toute jeune fille, Marie Claude Petit ; à droite souriante, Marie Louise la future Mme Maurice Duvernoy. Image(26) : Marie-Claude PETIT à Pesmes
puis plus tard des camions dont un d'ambulance curieusement pourvu d'une mitrailleuse sur le capot s'arrête au carrefour… Image(27) : Camion ambulance à Chaumercenne
Les Américains reprennent la route de Valay avant une halte à la cure de Chaumercenne où le commandant du groupement est reçu par le prêtre nouvellement nommé à la cure, l'abbé Guy Schlienger. Pendant ce temps, une altercation se produit entre un jeune du village et d'autres dont des réfractaires. Le maire Auguste Lepeut est obligé d'intervenir et protéger le jeune pour que la bagarre ne dégénère pas, au grand dam des Américains surpris de cet excès de fièvre.
Valay attend ses libérateurs.
Vers les onze heures du matin arrivent dans Valay des maquisards, fusil à l'épaule, un possède une mitraillette Sten. Ils ont quitté le camp de lieucourt et sont envoyés par leurs chefs pour estimer la situation, les Américains ont été signalés à Pesmes depuis la fin d'après-midi. Un vent de libération souffle au village. Le maire Charpillet organise une petite cérémonie au Monument aux Morts. Une vibrante Marseillaise est entonnée par les habitants présents,accompagnée par le clairon de Paul Rivière. Deux maquisards , Jean Simonot et son pote de Chevigney De Ste Marie d'Agneaux présentent les armes. Après la minute de silence, une gerbe de fleurs est déposée devant le monument par la jeune Yolande Rivière. Image(28) : Barcatta et Simonot à Valay
C'est alors que des jeunes arrivent en courant, et annoncent que les Allemands reviennent par Chaumercenne, ils ont même entendus des bruits de chars. C'est la débandade parmi les participants à cette cérémonie, tout le monde regagne ses foyers alors que les maquisards présents vont se cacher derrière les maisons avoisinantes. Apparaissent après le pont le side-car et le half-track qui avaient quitté Chaumercenne une heure plus tôt….Les Américains peu rassurés à leur arrivée dans le bourg ont compris la méprise en voyant revenir la population les accueillir avec joie et chaleur, Les bonnes bouteilles du maire Charpillet, négociant en vins, sont généreusement offertes à tous, les Américains vont en abuser généreusement avant de quitter les lieux. Certaines personnes du village se sont toujours demandés comment le chauffeur du side-car avait pu poursuivre sa route, même si ces premiers éléments se sont arrêtés à la sortie de Valay, sur la route de Gray, juste avant le bois.
Ils seront plus tard rejoint par des éléments blindés et des camions avant de rejoindre Gray.
Pesmes et ses maquisards
Après le départ des Américains, la vie de maquisards n'a plus lieu d'être. Le camp se vide de tous ses hommes, résistants comme prisonniers (conduits à pied à Gray par la route), de tout son équipement en particulier celui concernant la nourriture, chacun gardant pour quelques temps encore son armement. Tout le matériel de cuisine est acheminé par camions à Pesmes sur la place des Tilleuls. Avant de se quitter, les maquisards décident d'organiser une grande soupe populaire à laquelle est invité tout Pesmois qui le désire. Dans un coin du parterre, on met en route un feu pour chauffer les gamelles dont une énorme en fonte. Mrs Bonnard et Melou se mettent aux fourneaux assistés d'un Cosaque à qui l'on a confié les tâches ménagères au camp, la feuillette de vin n'a pas été oubliée au camp, elle trône fièrement à côté des tables et des bancs. Quelques personnes viennent voir comment ces hommes sortis des bois ont réussi à se ravitailler, d'autres s'étonnent, et le font bien savoir, qu'eux mangent de grosses miches de pain blanc alors qu'elles n'ont pas grand-chose à se mettre sous la dent…
Charles Melou gratifie Marthe la jeune rebelle, d'une belle miche qu'elle s'empresse d'apporter à la maison, bien mal accueillie par sa mère qui veut savoir où elle l'a volée.
Pendant leur déjeuner, un camion avec l'inscription FFI tractant une charrette où l'on devine deux femmes rasées et court vêtues, s'arrête sur la place déversant quelques maquisards. Ces femmes font partie du groupe de femmes de Gray et de ses environs arrêtées par les maquisards pour avoir couché ou collaboré avec l'occupant allemand. Regroupées sur la place de l'Hôtel de Ville puis bousculées,maltraitées, déshabillées, elles furent assises sur des chaises pour être rasées publiquement par des gens excités, revanchards dont de nombreux maquisards… Ces actes de vengeance et de dégradation humaine indignes de leurs auteurs, ont été cependant commis avec l'approbation de la population qui réclamait justice. Exhibées dans les villages traversés, ces nouvelles arrivantes ont été amenées à Pesmes, pour satisfaire la population ; elles avaient déjà reçu le même hommage à Gray la veille...
En milieu d'après-midi, les maquisards défilent dans Pesmes. Dans la Grande Rue, ils arborent fièrement leurs armes et se montrent disciplinés en marchant correctement sur trois files sous les ordres de leurs chefs. Sous le commandement du capitaine André Filet on reconnaît,dans la colonne de gauche : André Gay, Jean Duvernoy, Louis Bardy et dans la 3è colonne,Robert Duvernoy,... Le drapeau tricolore flotte au balcon de la mairie. Image(29) : Défilé de maquisards à Pesmes
Il est regrettable pour eux d'avoir voulu, comme à Gray, associer à leur défilé la présentation de ces pauvres femmes de Gray, complétées par trois autres du secteur de Pesmes. Placées en fin du défilé, ces femmes jetées à la vindicte populaire furent insultées, outragées, on leur a craché au visage et même battues.
Après ce lamentable spectacle, ces femmes sont mises en cage dans une pièce de la gendarmerie surveillée par un maquisard de Broye qui entrebâille de temps en temps la porte pour satisfaire la curiosité de certaines personnes venues spécialement pour les voir…
Gray ne voit leurs premiers américains vers les 11 heures du matin, l'annonce est faite par les habitants de la Grange des Carmes, cette avant-garde est bien celle qui a quitté Broye dans la matinée. Gray est libéré après tant d'année d'occupation, de privations ; la population peut enfin sortir ses drapeaux…
De Gray ressortent des éléments peu armés, comme à Cresancey où un convoi d'ambulances a ralenti, à hauteur du petit pont, la population joyeuse leur témoigne beaucoup de chaleur, les bras s'agitent pour leur passage. Image(30): convoi d'ambulances à Cresancey
Ce convoi reprend alors la route de Venère, pour gagner Vesoul ?
Notre secteur est libéré de cette trop longue occupation allemande, il va falloir se remettre à vivre ; il y a tant de choses à faire pour retrouver cette période d'avant-guerre, même si la France n'est pas libérée, elle devra attendre le mois de mai 1945 pour que les Allemands signent enfin la fin de la guerre...