11-La période révolutionnaire

 Chaumercenne et la Révolution

 

Les prémices de la Révolution

Loin de l'agitation des grandes villes, la vie dans le village continue à être rythmée par les saisons et le travail de la terre. Journées de labeur pour un maigre revenu, les charges seigneuriales et les cens à payer au seigneur ne laissent guère de joies au paysan pour vivre décemment avec les siens. Pourtant quand en 1788, un édit royal propose à la nation de rédiger leurs doléances sur un cahier, puis d'élire deux représentants pour aller les porter à l'assemblée réunie à Gray, les habitants des communes ne se font pas prier pour énoncer leurs remontrances envers leur régime.

A Chaumercenne comme dans les autres villages du baillage de Pesmes, tous ses habitants sont convoqués, ici le 16 mars 1789, à la manière accoutumée au son de la cloche, sur la place publique, pour délibérer. Antoine Dessant et Claude Henriet laboureurs sont nommés délégués de la communauté (avec 75 feux, Chaumercenne doit en avoir 2), par devant le juge Pierrecy. Un modèle de remontrances étant élaboré pour aider la population, il est adopté dans son intégralité, juste le nom du village et de ces deux députés sont à compléter…

On y demande l'abolition des privilèges et des exemptions pour les classes de la noblesse et du clergé, et qu'à l'avenir la contribution des charges soit proportionnelle aux propriétés et facultés de chacun, il est aussi demander l'uniformisation des poids et mesures dans tout le royaume tout comme la destination des dîmes du clergé et des seigneurs laics, qu'elles soient réunies pour aider à former le fixe de leurs curés… Il n'est nullement question de modifier le régime en place, le peuple demeure très attaché à son Roi.

Les délégués de toutes les communes du baillage d'Amont (qui deviendra d'ici peu la Haute Saône) sont réunies à Gray, puis à Vesoul où sont élus les 12 députés (3 du Clergé, 3 de la noblesse et 6 du Tiers État), ils font partie des 1200 députés du royaume réunis en États Généraux à Versailles le 5 mai 1789. Des rumeurs circulent dans le royaume que des groupes de brigands venus de l'est de la France, embauchés par les nobles dévastent les champs, peu avant les récoltes pour affamer le peuple (la Grande Peur). Les nobles en seraient les responsables...

 

Les insurrections des 26 et 27 juillet à Valay.

 

C'est dans ce contexte qu'à Valay, des jeunes du village s'invitent le dimanche 26 juillet vers les 6 heures du soir, au château de Mr Pétremand seigneur du lieu, son fils et lui sont absents. Ils forcent les portes du château, fouillent les armoires et s'emparent des nombreuses armes qui y sont entreposées ; il faut dire que Philippe Désiré Pétremand, chevalier de St Louis, est un ancien Major du Régiment des Cuirassiers du Roi. Ils laissent à Madame de Valay un message signifiant qu'ils reviendront demain voir les titres et droits de sa seigneurie.

 

Dès les 8 heures et demie, ces mêmes hommes font leur entrée au château, cette fois-ci tous armés, ils viennent pour recevoir réponse aux prétentions formulées la veille. Mr de Valay ne veut recevoir que douze des principaux auxquels il fera ses observations concernant leur demande.

Alors on sonne le tocsin, les habitants se rendent au château, tous armés de fusils, de sabres, de couteaux de chasse et pioches. Ils forcent l'entrée de la première cour, investissent le château et accordent une demie heure au seigneur pour capituler avec eux. Le délai expiré, Mr Pétremand leur signale que les terriers et titres de propriété ne sont pas là mais qu'il les fera examiner le plus tôt possible afin de rendre aux habitants toute la justice qu'ils sont en droit d'attendre.

La réponse ne calme pas les habitants rassemblés dans la cour qui se livrent à toutes sortes d'injures et de menaces ; par trois ou quatre fois ils lèvent leurs armes sur le seigneur pour le frapper par derrière. Mr de Valay se réfugie dans ses appartements alors que les habitants se disposent à démolir le château : ils préparent les échelles qu'ils attachent les unes après les autres lorsqu'une voix crie qu'il faut mettre le feu au château. Image(1)

Devant le danger encouru, Mr Pétremand souscrit à tout ce que l'on lui demande en signant un billet écrit de sa main et par le sieur Bourgeois. Que contient donc ce traité signé au milieu d'une multitude armée et furieuse, dans le moment où l'escalade de sa maison était prête, où l'épouse et la famille étaient dans la consternation et les larmes, ce traité le dépouille de pratiquement tout.

Il s'est vu arraché les droits utiles (qu'il n'aura pas à regretter puisque la loi supprimera ces droits féodaux), mais surtout l'abdication de ses 500 journaux de terre (qui lui appartiennent légitimement…). On lui enlève jusqu'à la jouissance d'une fontaine existant sur son fond, et le droit de jouir d'un avantage commun à tous les cohabitants : celui d'avoir du bois en raison de ses maisons et impôts.

Après les longs malheurs pour ces temps désastreux qui ont couvert la République de deuil et de calamités, où les milles bastilles de Robespierre ont englouti tant de Français malheureux et innocents ( une réclusion de 18 mois pendant laquelle il ne verra pas la destruction de ses forges ), Mr de Valay fera intervenir la nouvelle justice de son pays pour faire annuler le traité signé sous la contrainte.

Les Insurgés de Valay ont signifié dans leur procès qu'ils sont allés chercher des armes au château parce qu'ils savaient qu'il y en avait. Ils ont précisé à Mme de Valay que c'étaient pour garder jour et nuit leurs moissons et veiller à la sûreté de toutes les propriétés menacées par des brigands venus des Vosges dans le dessein de les brûler ; Mme de Valay convaincue de leur bonne volonté les aurait engagés à s'opposer de toutes leurs forces à leurs actions destructrices...

 

Déjà une mini-Révolution à Chaumercenne

 

Dès 1788, bien avant les journées révolutionnaires de Valay, plusieurs particuliers de Chaumercenne (se sont-ils concertés avant de prendre cette décision ?) ont refusé de payer les droits seigneuriaux pourtant mentionnés dans le traité signé le 25 avril 1754 entre la Communauté et le seigneur Benoist Richard Conseiller au Parlement de Besançon, dont les cens de four et de foulon. Figurent dans cette rébellion Daniel, Pierre et Claude Oudille, Charles Henriet, Ignace Vanneau et d'autres encore.

Leurs meubles et effets ont donc été saisis, les contrevenants sont maintenant en procès au Baillage et Présidial de Gray, par les sieurs Richard de Villersvaudey père et fils seigneurs de Chaumercenne : François Thérèse Richard, le marquis, chevalier de l'ordre royal et militaire de St Louis et Marie Pierre Jean François Richard capitaine commandant et lieutenant colonel d'un régiment de dragons, demeurant à Besançon. Ils sont fils et petit-fils de Benoist Richard le signataire du fameux traité.

Cet acte de rébellion est donc bien antérieur à la fameuse Nuit du 5 Août 1789 où les nobles abandonnèrent dans un moment d'euphorie non contrôlée, les corvées, la dîme ecclésiastique, les droits féodaux… avant de revenir à la réalité et faire marche arrière en y posant quelques restrictions.

 

Devant le nombre croissant d'habitants de Chaumercenne menacés de saisie de leurs meubles pour le même motif, la Communauté décide le 13 novembre 1789 de se réunir en assemblée, à la manière accoutumée, au son de la cloche, sur la place publique, puis en la maison de Henry Guyotte échevin à cause de la rigueur de la saison.

Le motif du refus de payer les droits au seigneurs par ces particuliers du village, réside dans un traité de 1754 qu'ils considèrent comme vicié.

 

-Le fameuse délibération du 29 avril 1754 : vraie ou fausse ?

 

Ayant réglé le problème du nouveau terrier avec ses sujets de Chaumercenne, Benoist Richard leur seigneur devenu marquis de Villersvaudey ( il a obtenu du Roi de France Louis XV, l'érection de cette terre en marquisat, par lettres patentes données à Versailles en août 1749) n'a plus qu'une seule idée : augmenter ses revenus provenant essentiellement de la terre en réglant le délicat problème des charges dont elle est affectée. La perte d'une partie de ses terriers ne l'a pas aidé, les habitants de Chaumercenne en ont profité, comme on l'a vu précédemment, pour déclarer une bonne partie de leurs terres de franche condition,pour n'en avoir jamais rien payé à aucun seigneur ; ce que ne peut démentir le seigneur de Chaumercenne, faute de preuves. L'échute, le cas advenant, de tous les biens de son mainmortable lui échappe.

 

Cette situation doit agacer le seigneur Conseiller au Parlement de Besançon, l'abbaye d'Acey gère mieux que lui ses revenus de la terre, pourquoi ne pas les copier. Il va donc se livrer à une manœuvre très discutable, peu en rapport avec sa fonction : faire passer une délibération, sûrement sous la pression ou contre avantages, par quelques habitants de Chaumercenne constituant la majorité de la Communauté et signée de Claude Pyot notaire à Pesmes en date du 29 avril 1754, obligeant tous les propriétaires de biens sur Chaumercenne à en faire reconnaissance, preuves à l'appui, devant un commissaire à terrier qu'il a lui-même désigné, Claude Pyot comme par hasard. Chaque reconnaissance devra mentionner l'origine des biens et les charges dont ils sont affectés comme le notaire le fait avec les sujets du seigneur abbé d'Acey, puis le déclarant prête serment entre les mains du notaire.

Pour faire signer une majorité des habitants, le marquis de Villersvaudey, personnage craint de tous les habitants de Chaumercenne, met peut-être en avant son consentement à tout acte de vente ou autre transfert de biens.Parmi les signatures, celles de manants n'ayant jamais su signer un acte, d'autres n'étaient même pas présents… .De la part d'un homme de justice de sa Majesté le Roy de France, l'adoption forcée de cette délibération n'est guère honorable…

 

Intervention de la Communauté

 

Il a été dit lors d'un procès ayant eu lieu en octobre 1789, que la signature de certains habitants sur la délibération était manifestement fausse ; certains illétérés auraient appris à signer ce jour là , et comment un habitant absent aurait-il pu la signer ?. Bien entendu cette délibération n'a pas été retrouvée dans les minutes du notaire Claude Pyot pourtant très complètes.

Leurs pères et aïeuls leurs ont transmis l'information que cette délibération avait été fabriquée par le Marquis de Villersvaudey Conseiller au Parlement, au nom des habitants, devant le notaire Pyot. et signée de quelques particuliers, les uns par surprise, d'autres par crainte, la minute de ce traité est dans la plus grande irrégularité et prête à suspicion.

Dans la délibération prise par la Communauté le 13 novembre 1789, les habitants de Chaumercenne déclarent ce traité nul et frauduleux et décident :

 

-D'intervenir et prendre part fait et cause dans les instances pendantes au Baillage de Gray pour les particuliers saisis, et ceux menacés de saisie.

-De faire condamner le seigneur Marquis aux dommages et intérêts résultant des saisies et à la restitution des droits perçus par luy précédemment.

Pour y parvenir ils ont choisi Jean Voillier et Antoine Guyotte leurs procureurs spéciaux au nom de tous habitants pour intervenir dans les saisies faites et à venir, poursuivre les instances jusqu'à sentence d'icelles, signer toutes écritures nécessaires, à charge pour les habitants de les rembourser de tous leurs frais et avances qu'ils seront obligés de faire.

L'acte est passé devant Claude Antoine Guillaume notaire royal à Pesmes, en présence de François Dronzy recteur d'école à Chaumercenne et Pierre Constantin domestique demeurant aussi au dit lieu. 36 habitants y ont apposé leurs signatures, combien d'autres ne l'ont pas fait, ne sachant ni écrire, ni signer.

 

La suite de l'été 1789 est connue au niveau du royaume de France : Assemblée Nationale, Serment du Jeu de Paume, Assemblée Constituante, … conclue par la fameuse nuit du 5 août 1789 où les nobles abandonnent, dans un moment d'euphorie non contrôlée, les corvées, la dîme ecclésiastique, les droits féodaux (mais 10 jours après l'épisode de Valay)…Revenue à la réalité, la noblesse fait marche arrière en posant certaines restrictions.

Cependant le 15 mars 1790, le régime féodal est définitivement détruit à l'égard des droits féodaux ou censuels, ceux touchant à la main-morte ou à la servitude sont abolis mais les autres droits sont maintenus et rachetables par ceux qui veulent s'en affranchir.

Après la chute de la Monarchie, l'abolition de tout ce qui reste du régime féodal sans aucune contrepartie est décrétée le 25 août 1792, l'homme de la terre est devenu citoyen, il est l'égal en droits d'un ex-noble ou d'un prêtre, l'argent en moins…

 

Les nouveautés administratives

 

Le premier maire de Chaumercenne

 

En exécution des décrets du 2 décembre 1789 votés par l'Assemblée Nationale, la Communauté de Chaumercenne doit se doter d'une municipalité avec à sa tête son premier maire. L'élection a lieu le 4 février 1790 en la maison du sieur Pierrecy , lieutenant au baillage de Pesmes (maison dont il ne reste que la cave et quelques murs, sur la route de Bard), faute de maison commune. Ne peuvent être électeurs que les résidents payant une contribution de plus de 3 livres. 41 chefs de famille désignés citoyens actifs de Chaumercenne sont convoqués par les anciens échevins Claude Henriet et Claude Malgérard afin de procéder à la constitution de cette municipalité.

Après l'élection du président de l'assemblée Henri Oudille et du secrétaire Jean Claude Guyotte Mourot, au 3ème tour est élu maire de Chaumercenne le citoyen Claude Oudille.

La séance se termine à midi, le reste des nominations reprend à 2 heures par l'élection du procureur de la commune, Claude Voilly, d'Antoine Dessans comme 1er officier municipal et de Claude Henriet second officier. 6 notables du village constituant la municipalité sont encore élus.

Ces 9 citoyens prêtent ensuite le serment de maintenir de toutes leurs pouvoirs la Constitution du Royaume, d'être fidèle à la Nation, à la Loy et au Roy, et de bien remplir leurs fonctions.

Avant de se quitter, ils nomment d'une voie unanime, une personne intelligente pour faire les fonctions de secrétaire greffier François Deronzi le recteur d'école.

 

Les premières mesures

 

Le simple et ordinaire salut

 

La première mesure qui a du mal à rentrer dans les mœurs locales est la dénomination que chaque particulier doit prendre envers son voisin, son prêtre, son ex-seigneur ; tout le monde s'appelle Citoyen, Citoyenne.. . Plus de monsieur ni de monseigneur, mais du citoyen. Le simple manouvrier a du mal à appeler citoyen toute personne qu'il côtoie couramment, lui qui s'est si souvent incliné au passage de ceux-ci.

 

Application des lois de la Convention Nationale

 

La Convention Nationale très active, établit des lois que chaque secrétaire de commune doit transcrire sur le registre des délibérations afin de mieux informer les citoyens des décisions qu'elle a prises, dans tous les domaines. François Deronzi ne chôme pas à Chaumercenne. Ainsi pour la loi du Maximum qui concerne chaque cultivateur, ce dernier doit déclarer la quantité de grains qu'il a, qu'il ne peut vendre que sur le marché et s'oblige à recevoir les officiers municipaux pour des réquisitions à faire chez tous ces possesseurs de biens.

Le 29 septembre, il transcrit la loi dite du Maximum Général qui réglemente le prix des denrées et fixe les salaires des ouvriers de la campagne, mais aussi le prix de la voiture de fumier sur Chaumercenne à 15 sols, faite sur Rézie ou Pesmes à 1 liv. (1 liv.=20 sols)

La culture d'un journal de terre pour un coup ( de pioche) à 5 liv. Une journée de charron à 1liv. 10 sols comme celle d'un tailleur de pierre, d'un masson, d'un couvreur en été si nourri, mais seulement 1liv en hiver si nourri, une journée de femme et nourrie 9 sols.

Une serpe à tailler la vigne 18 sols, une faucille neuve 1 liv. 5 sols , un chapeau de laine du pays 4 liv. 10 sols, pour filer une livre de laine de première qualité 1 liv. 10 sols mais pour une qualité moyenne1 liv. et 13 sols pour droguet, et pour la journée d'une fileuse de laine et nourrie 6 sols…

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La Milice Nationale de Chaumercenne

 

Est constituée dans chaque village une milice destinée à protéger les biens et les habitants de toute intervention étrangère de quelque nature que ce soit. Tous les hommes de 18 à 60 ans doivent s'inscrire. 84 personnes composent cette milice, à leur tête Mr Pierrecy nommé Commandant.

A raison de 6 % de ses effectifs, 5 de ses membres élus doivent se retrouver à Gray le 27 juin, afin de participer à la grande fête de la Fédération à Paris pour le 14 juillet 1790. Jean Claude Lambert, Jacques Voilly, Antoine Voilly, Jean Oudille le viel et Claude Malgérard feront le voyage…

Le comité de Salut Public et de Surveillance de Chaumercenne

 

La commune de Chaumercenne se dote le 12 octobre 1793, en exécution des décrets de mars 1793, d'un comité de Salut Public et de Surveillance, 12 citoyens le composent avec à leur tête Jean Claude Lambert élu président. Un registre consigne les faits particuliers qui peuvent troubler la vie normale du village, ainsi que les déclarations des étrangers (ceux qui n'habitent pas le village) pour vérifier leur laisser-passer.

Il en est de même quand un habitant de Chaumercenne veut se rendre dans un autre endroit distant de plusieurs lieues. Il doit se faire un laisser-passer par le secrétaire de la commune mentionnant son identité, sa taille, la couleur de ses yeux, la forme de son visage… Image (3)

Nicolas Fraumont le jeune en est le secrétaire-greffier. Commencé ce 12 octobre, ce registre est délaissé au 18 messidor an 2, n'ayant guère d'utilité pour le comité, plus une charge qu'une nécessité. Tous les 15 jours, président et secrétaire doivent être renouvelés

Voici la relation de ce comité le 24 nivose an 2 : ilest fréquemment signalé des troubles, disputes le plus souvent de nuit occasionnés par la boisson du vin qu'il conviendrait de réprimer…

Pourtant le 3 mai 1790, le maire fait savoir aux deux cabaretiers du village, Daniel Oudille et Sébastien Chevanne, les décisions prises par la Constituante concernant la taxation du pain et vin, scavoir la pinte de vin vieux sera vendue 10 sols, celle de vin nouveau 6 sols, et la livre de pain blanc à 5 sols. deffense est faite d'en exiger davantage. La taxation oui, mais pas la quantité...

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Et le calendrier révolutionnaire ?

 

La grande nouveauté pour les agents du conseil municipal, puis ensuite de toute la population de Chaumercenne est l'instauration d'un nouveau calendrier pour toute la Nation française, fini le calendrier grégorien et ses fêtes de saints, bienvenu au calendrier révolutionnaire avec ses jours consacrés à l'agriculture et aux saisons (plantes, fleurs , animaux, outils agricoles,…).

Le 1er jour de la 1ère année révolutionnaire fut fixé au 20 septembre 1793 de l'ère vulgaire abolie .

Ainsi le 2 vendémiaire an 1 est l'ex 21 septembre 1793 ; la conversion entre les 2 calendriers fut longue à venir, comme pour les changements de monnaies lors du rattachement de la Comté à la France… Le calendrier révolutionnaire cessa le 10 nivôse an 14, le lendemain était le 1er janvier 1806.

Les mois d'automne sont Vendémiaire, brumaire et frimaire ; ceux d'hiver nivôse, pluviôse et ventôse ; ceux de printemps germinal,floréal et prairial ; enfin pour l'été messidor, thermidor et fructidor.

Les actes d'état civil remplis dorénavant par un officier public et non plus par le prêtre, sont donc rédigés avec tous ses mois révolutionnaires suivis de : an 4 de la République par exemple. Il en est bien sûr des actes notariés et du registre des délibérations de la communauté.

Il n'y a plus de dimanche, au contraire on essaie de travailler ce jour là pour ne pas rappeler le repos dominical recommandé par le prêtre de la paroisse…

Ainsile jour épinard du 16 ventôse an 4correspond au lundi 6 mars 1796 ...

La mise en application de ce calendrier révolutionnaire constitue pour la majorité des habitants une charge imposante et une entrave à leur liberté, surtout la disparition du dimanche dans cette communauté de Chaumercenne très attachée à la religion catholique.

 

Autre innovation révolutionnaire : l'assignat

 

La Nation, aux caisses vides, recherche un moyen de les renflouer grâce à la confiscation des biens du Clergé faite sans aucune indemnité. Leur vente doit rapporter des sommes considérables mais pas immédiate. La Nation émet alors des bons gagés sur cette vente de biens, les fameux assignats que tout acheteur de biens nationaux doit acquérir. La spéculation menée contre ces billets va bon train, la valeur de ces assignats baisse et la Nation en émet davantage ; cette dépréciation n'empêche nullement le succès des ventes de biens nationaux acquis par les plus aisés, le prix de vente dépassant largement le prix d'estimation.

La disparition de l'assignat en l'an 4 marque l'échec de cet espoir de recettes. Certains foyers de Chaumercenne ont conservé des assignats de petites valeurs émises mais aussi de plus importantes comme ces billets de 500 livres, à l'image de ces Emprunts Russes un siècle plus tard… . Les premiers assignats émis l'ont été en l'an 1er, d'autres en l'an 2 portaient la mention : payable au porteur, d'autres émis plus tardivement en grande quantité avec des sommes plus importantes portent une autre mention : hypothéqué sur les domaines nationaux.

Les assignats ont tout de même servi à payer partiellement l'effort de guerre contre les armées étrangères.

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Vente des biens du Clergé

 

Elles débutent par devant le district de Gray, par celles appartenant à des associations religieuses

-D'abord le 14 février 1793 par 2 ouvrées de vignes sur le territoire de Chaumercenne appartenant à la Confrérie de Ste Barbe de Valay adjugées à Henri Guyotte pour 265 livres.

-Le 18 avril 1793 le domaine provenant de la chapelle St Antoine à Daniel Oudille pour 3.075 liv. À qui sont aussi adjugées les 4 ouvrées de vignes de la Cure pour 1275 liv.

Pour la vente des autres biens de la Cure de Chaumercenne, 3 lots sont faits :

- 3 journaux 1/2 de terre le 4 mai 1793 à Claude Henriet pour 1575 liv.

-32 journaux de terre et 45 ouvrées de vignes : un lot considérable adjugés à Jean Claude Lambert et Antoine Guyotte pour la somme de 9.576 liv. le 14 mai 1793, ainsi que le lot de 5 derniers journaux de terre pour les mêmes à 1575 liv.

 

Et la Cure de Chaumercenne ?

 

Le curé est déclarée requise à la Nation par la loi du 2 novembre 1789. Dans l'inventaire établi pour son estimation, on la décrit comme la ci-devant maison curiale, grangeage, jardins et dépendances, composée d'une cuisine, 2 cabinets, 6 petites chambres au rez-de-chaussée, cave en dessous et grenier au-dessus avec jardins d'1/3 d'arpent au couchant, couverts en thuiles.

2 petits bâtiments de chaque côté et la cour ; l'un consistant en une grange, 2 écuries et grenier au-dessus, et l'autre d'une chambre à four et d'une cuverie..

Ces mêmes biens sont évalués scavoir :

-le corps de logis, granges et bâtiments en dépendant à un revenu annuel du loyer de 80 liv. donc à un capital (X 18) de 1440 liv.

-le jardin clos a un revenu annuel de 20 liv donc à un capital (X22) de 440 liv.

L'estimation de la ci-devant cure se monte à la somme de 1880 liv.

 

La vente de la cure de Chaumercenne n'a pas lieu en même temps que les terres et vignes, elle s'effectue le 18 messidor an 4 (6 juillet 1796) avant midy. Les administrateurs l'ont adjugée à Charles Dupuy demeurant à Barre les Pesmes tant en son nom que celui de son frère François communier, je n'ai pas retrouvé le montant de l'adjudication.

L'administrateur de Pesmes dans ses violents discours contre le sieur Myet, faisait remarquer qu'en réalité la vente s'était faite pour l'ex-curé de Chaumercenne. Une preuve parmi tant d'autres, le sieur curé Myet propose au conseil municipal de prendre une des pièces de sa maison pour lieu de réunion, la commune ne disposant pas de salle à cet effet…

Elle sera acquise plus tard par Jacques Voilly le maire de Chaumercenne.

 

Et les biens de l'Abbaye d'Acey ?

 

Ces biens nombreux ont bien évidemment été confisqués au profit de la Nation, mes recherches n'ont pas encore permis de trouver les actes de ventes de ces biens ; mais je ne désespère pas...

 

La défense de la Patrie 

 

Dès le début de la Révolution s'est posé le problème de la sécurité locale d'abord par la création d'un comité de surveillance dans chaque commune, puis nationale : l'Etat français menacé par la Coalition européenne.

Dès 1791 des volontaires de Chaumercenne partent pour défendre la Patrie, 5 le 14 octobre puis 4 le 15 juillet 92 et 9 autres le 29 du même mois.

Lorsque la levée en masse de 300 000 hommes sur le territoire est décidée, dont 1 000 pour la Haute Saône, 2 habitants de Chaumercenne partent encore le 27 mars 1793 : Nicolas Tabourot un tailleur de pierre de 30 ans, natif de Courtezon et Jean Baptiste Lambert vigneron âgé de 37 ans. Fin 1793 ce sont 28 volontaires du village qui ont abandonné leurs famille pour s'opposer aux invasions étrangères. La commune se trouve obligée d'emprunter à des particuliers les sommes nécessaires pour les habiller et les armer.

Le 25 août 1792 a lieu sur la place publique la présentation de toutes les armes existant au village pour servir à la Compagnie de Chaumercenne, 26 fusils tant de munitions que de chasse, de différents calibres et 12 pistolets de poche, tous sont reconnus en état de service que chaque particulier doit maintenir en usage. Le restant de la compagnie est armé de piques, baionnettes, fourches et autres armes de toutes espèces.

Jean Voilly canonnier de la 1ère levée de volontaires aura fait toutes les campagnes de la Révolution. Il reçoit à Belle Isle le 30 ventôse an 10 (21 mars 1802) son congé absolu, il a alors 34 ans ; de même pour Antoine Fuin qui a servi depuis le 29 juillet 1792 a droit aussi à son congé absolu, cité à Bayeux. Claude Vagneau fusilier à la 2è compagnie de la 36è demie-brigade d'infanterie de ligne de l'Armée du Rhin parti en l'an 7 est cité à Grunenbach en Souabe, en ventôse an 9, il a 19 ans.

Antoine Voilly meurt à 25 ans pendant la campagne de Moselle le 12 décembre 1794, il faut dire que les conditions étaient des plus difficiles, un froid glacial , la crasse puis la vermine sans compter le manque de ravitaillement, les soldats en étaient arrivés à se nourrir de racines et parfois de navets...

Antoine Lambert fusilier du 1er bataillon de la Haute Saône, intégré dans l'Armée du Rhin, rejoint l'Armée de Moselle, entré à l'hôpital sédentaire de Strasbourg le 24 brumaire an 2, meurt d'épuisement le 18 frimaire, il n'avait pas encore 21 ans.

La liste des volontaires nationaux partis à la guerre est fournie en documents joints. Sur les 28 paris à la guerre, 14 ne sont pas rentrés dont 2 avaient assuré un remplacement de particuliers moyennant compensation financière : Jean Bardi en remplacement de Claude Malgérard a reçu 100 liv. et Jean Denehaut pour Jean Guyotte a perçu 120liv. Un 3ème volontaire a encaissé 100 liv. mais n'est pas parti à la guerre n'ayant pas été tiré pour partir… Image(6)

 

Les réquisitions pour les Armées

Pour entretenir les troupes parties en guerre, l'arrière devait assurer leur ravitaillement. Les réquisitions furent de tous les instants. Commencées le 18 septembre 1793 après les récoltes, elles se poursuivirent sans discontinuer jusqu'en juillet de l'année 1794. La grande difficulté n'est pas trop la quantité que doit fournir la communauté, mais la livraison de cette marchandise.

 

Les premières réquisitions consistent à fournir et livrer à Vesoul : 32 mesures de blé à celle de Vesoul (10 quintaux), à Belfort 89 mesures d'avoine à celles de Gray, à Vesoul encore 28 sacs de blé de 202 livres chacun et 5 mesures de farine de blé pour les 5 premiers partants de Chaumercenne à la 1ére réquisition de volontaires. La répartition des diverses denrées entre les habitants du village ne pose guère de problème, mais pour leur acheminement, il en est tout autre.

Le 17 germinal an 2 (6 avril 1794), la commune est interpellée par les commissaires du département sur le retard mis dans ses réquisitions. Depuis le mois d'août 1793, la commune a toujours eu des voitures en route pour conduire les subsistances aux armées, mais n'ayant point de chevaux au dit lieu, elle se voit dans l'obligation de le faire avec du bétail rouge qui allant au loin se trouve singulièrement fatigué et hors d'état de travailler avant 2 décades (20 jours). Les semailles de Carême s'avançant, le conseil va s'occuper sans relâche à préparer les voitures, à mettre en sacs les grains, en conduire autant qu'il est possible de même pour les pailles, jusqu'à leur destination.

 

Le 22 frimaire an 2 (le 12 décembre 1793), les administrateurs du directoire du district de Gray enjoignent la commune de Chaumercenne de fournir aux magasins de Gray, la quantité de 60 sacs de blé du poids de 202 livres pour les subsistances des Armées des Alpes et du Rhin, à celui de Vesoul, 2 sacs du poids de 180 livres chacun et autant pour celui de Luxeuil ; ce qui fait au total le poids de 12840 livres formant 401 mesures à celles de 32 livres en usage dans la commune. Cette quantité excède le pouvoir des individus pour cette livraison.

Ayant toujours fourni les blés, farines et avoines requis, avec zèle et empressement, et se soumettant toujours à l'entière exécution des lois, le conseil de la commune de Chaumercenne a délibéré qu'il était indispensable de faire un recensement général chez tous les habitants, de toutes les espèces de denrées en grains nécessaires aux subsistances, en présence du conseil et des membres du comité de surveillance.

Il reste dans les différents greniers du village :1782 mesures de blé dont 274 de farine, 166 mesures de seigle,1295 de méteil, 1551 d'orge et orgie, 419 d'avoine, 84 de turquis (mais) et 170 de pomme de terre, dont il faut distraire 750 mesures tant en orge qu'en orgie pour les semences de printemps.

 

La commune s'inquiète pour la nourriture de sa population

 

La population de Chaumercenne étant de 328 individus, à raison de 1mesure ½ (de 32 livres)) par individu et par mois, va consommer 492 mesures par mois, et jusqu'au mois de juillet inclus 3690 mesures. Heureusement, il a été retrouvé par le citoyen Saunier fermier du sieur Richard 2 000 gerbes de blé pouvant produire 240 mesures, et chez Claude Henriet, 9 mesures de blé,100 gerbes pouvant donner 16 mesures, 6 mesures de seigle et 30 gerbes de conseigle pouvant donner 6 mesures ; il faut encore ajouter 70 gerbes d'orge non battue produisant 10 mesures et 1mesure ½ de farine de méteil, le tout à la mesure de Pesmes pesant 32 livres ( la livre ancienne dénomination équivaut à 1 kg). Image (7)

Il faut espérer que les réquisitions soient de moindre ampleur afin de satisfaire les demandes des Armées et la nourriture des habitants...

 

Voici le récépissé des déchargements de grains, foins, pailles faits par la Communauté de Chaumercenne pour ses contingents en différents magasins pour les subsistances des Armées du Rhin du 26 août 1793 jusqu'au 2 prairial an 2 (21 mai 1794) ; 20 réquisitions furent opérées pendant ces 8 mois ½…
La liste de toutes les réquisitions de grains, foins, pailles faites par la Communauté de Chaumercenne,pour ses contingents en différents magasins, pour les Armées du Rhin est donnée en annexe. La valeur des denrées déposées dans les magasins de Gray, Vesoul, Altkirch, Sélestat et Strasbourg s'élève à la somme de 5.393 liv. 5 sols 1/2, le transmarchement des dites denrées pour 3304liv. 10 sols 1/4. Au total la dépense se monte à pratiquement 8.700liv. À la charge de la Commune, donc de sa population ; chacun aura sa quote-part calculée au marc la livre de son imposition ordinaire. Du travail en perspective pour notre brave François Deronzi pour l'établissement des différents rôles…Image (8)

Pour effectuer ces livraisons, la Commune s'est encore endettée par l'achat de 2 chariots pour un montant de 800 livres.

 

Mais que dire de la réquisition du 4 floréal an 2 ? 1.29 q d'orge à livrer à Strasbourg...Combien de temps a duré l'aller-retour ?, et l'état des bêtes rentrées à Chaumercenne ?

Une si petite quantité à livrer pour un trajet dans un lieu inconnu de tout voiturier du village…

D'autres réquisitions imposant de plus sévères restrictions à la population vont finir par exaspérer le conseil général de la commune.

Pourquoi acheminer des réquisitions aux magasins de Strasbourg et Landau qui nécessitent 2 décades de voyage avec un bétail exténué qui consomme une grosse partie de la réquisition, ou qui meure avant le retour à la campagne. On fait subir 60 lieues à des bœufs qui ne peuvent supporter 4 jours de marche. Un voiturier reçoit 4 sols ½ par quintal et par lieue, mais paie 50 sols la botte de foin de 15 livres, son logement et la nourriture. Il fait alors doubler la charge mais éreinte ses bêtes.

La commune aura en 8 mois ½ livré 254 q de blé, 206 q¼ d'avoine, 9 q75 d'orge, 22 q ½ de seigle et méteil, 2 q 78 de légumes secs, 140 q de foin et 28 q40 de foins pour une dépense globale d'environ 10 000 livres dont un tiers uniquement pour le transfert des marchandises.     Image (9)

 

A la veille des moissons de l'an 2, les greniers sont vides mais les contingents livrés ; le cheptel usé impose le rachat de bœufs à fort prix ou suppléer par l'utilisation du cheval, mais il faut en trouver et à quel prix. Pour les foins et les moissons, la récolte serait bonne mais la main d'œuvre va manquer ou demandera très cher...

 

Et le sort réservé a noblesse ?

 

La première exigence de la Révolution étant l'Egalité entre les citoyens, la noblesse perd tous ses titres et ses privilèges. Craignant pour leur vie une grande partie prend le chemin de l'exil ; pour ceux qui n'ont pas émigré, certains laissèrent leurs têtes sur l'échafaud, comme le seigneur de Pesmes Claude Antoine Cléradius comte de Choiseul, lieutenant général des provinces de Brie et Champagne, exécuté à Paris le 15 floréal an 2 (le 4 mai 1794, c'était un dimanche…).

 

Le décret du 26 mars 1793 déclare émigré, tout français sorti de France depuis juillet 1789 qui ne peut justifier son retour avant le 9 mai 1792. Tout émigré non rentré à cette date voit ses biens mis sous séquestre afin d'être saisis, puis vendus comme bien national.

Le seigneur de Chaumercenne, François Thérèse Richard, marquis de Villersvaudey ex-lieutenant des gardes françaises, et son épouse Jeanne Baptiste Marguerite Bonnaventure de Bergeret n'ont pas voulu quitter la région, demeurant chez leur fils au château de Tromarey, ou en leur hôtel de Besançon, déclarés émigrés par les communes qui n'ont pas reçu leur visite, ont été rayés des listes des Emigrés.

 

Emigration des fils Richard

 

Leurs 3 fils dès les premières actions contre les nobles préfèrent quitter le territoire français et émigrent en Suisse peu avant 1792. Les deux plus jeunes Marguerite François Elie, le cadet et Benoist Ignace Thérèse Richard dit de Villersvaudey, capitaine de dragons, rentrés en l'an 3 sont eux aussi rayés des listes par le Directoire Exécutif le 19 prairial an 4 (18 juin 1796).

Quant à l'aîné Pierre François Jean Marie Richard dit de Tromarey, lieutenant colonel d'un régiment de dragons, parti avec sa jeune épouse Louise Jourdain de St Sauveur, native de Valogne en Normandie, il est rejoint par ses frères à Soleure, puis à Constance et enfin à Frankfeld. Il ne veut pas rentrer en France et sait que ses biens vont être vendus au profit de la Nation. Sans ressources, il se découvre des talents de voyageur de commerce… Naîtront 3 enfants aux 3 lieux cités, qui feront avec leur mère un retour clandestin en Normandie province natale qu'elle a quittée pour rejoindre son mari en Franche Comté, avec beaucoup de chance : munis tous de faux papiers, leur nom d'emprunt a failli être découvert au poste de douane de Carouge…

 

Mise en vente des biens du citoyen Pierre François Richard

 

Les biens de Richard dit de Tromarey à Chaumercenne après inventaire consistent en 188 journaux ½ de terres labourables, 242 ouvrées de vignes, le château et une maison proche de celui-ci.

 

Ses parents François Thérèse Richard ex lieutenant des gardes françaises et Marguerite Bergeret d'Arbois qui n'ont pas quitté le territoire, domicilié en leur hôtel à Besançon. Ils adressent le 1er décembre 1792 un courrier aux administrateurs du département précisant leur situation : présentement à Luxeuil, ils passent plusieurs mois chaque année dans la maison de leur fils aîné à Tromary, ils y ont des meubles, linges, nippes et hardes, gamelles et autres… (On ressent chez ces citoyens âgés une détresse extrême…), ils demandent donc que ces biens ne soient pas inclus dans l'inventaire des biens situés à Tromarey car ils n'ont quitté le territoire de l'Empire Français... (Visionnaire le citoyen Richard?). Ils attendent la réponse du directoire de Vesoul.

 

C'est le 16 nivôse an 2 (6 janvier 1794) qu'a débuté l'estimation , la division des biens du sieur Pierre François Marie Richard émigré, situés sur le territoire de Chaumercenne, en présence des citoyens maire, officiers municipaux. Le citoyen François Deronzi a été invité et même requis pour la mesure des parcelles à la chaîne d'arpenteur, de 68 principales pièces de terre ; 6 journées ont été nécessaires. Il faut y ajouter 9 ouvrées 1/2 de vignes tenues par ascencement à plusieurs particuliers de Chaumercenne dont 2 parts sur 5 tombent à l'émigré et 5 ouvrées à mi-fruits et 1 journal de terre tenu en ascencement à vie par Pierre Oudille.

Tous ces biens sont répartis en 60 lots dont le dernier est une maison estimée à 600 liv. tenue par ascensement à vie à Sébastien Vincent et Barbe Ytier au dernier survivant des 2.

N'est pas compris le château et les jardins et vergers environnants dont le P.V.de description et d'estimation est déposé au Directoire du district de Gray.

L'estimation des 60 lots se monte à 53.840 liv. La Commune désire la prompte aliénation desdits biens, et juge à propos de mettre le château en vente en premier, vœu qui sera satisfait. (1Q-231)

 

La vente des biens du sieur Richard

 

La vente a lieu à la salle des Séances du district de Gray le 21 thermidor an 3, mais personne ne s'est présentée à cette première séance (les habitants ne sont plus en moissons...).

La deuxième séance organisée le 4 vendémiaire an 3(25 septembre 1795) permet de trouver acquéreur pour chacun des lots.

Constatation faite pour la vente de chacun des lots : un premier feu est allumé, un possible acquéreur fait une enchère et signe ; un second feu allumé lequel s'éteint sans autre enchère, le lot est adjugé à celui qui a fait la seule proposition. Les habitants de Chaumercenne, potentiels acquéreurs des biens de l'émigré Richard se sont bien entendus entre eux pour ne pas faire de la surenchère inutile.

 

Le premier lot adjugé est la maison couverte en thuiles dite le cy-devant château et une autre couverte en pailles et bardeaux servant d'hébergeages, avec cour, jardin, vergers, contenant 1 journal 3/4 de terre et 10 ouvrées de vignes de l'Emigré Richard adjugé à Claude Pierre Courboillet pour la somme de 12.600 liv., estimé au départ à 3 000 liv. Image (10) et Image (11)

 

Les autres lots de plus ou moins grande importance contiennent toutes terres et vignes.

Ainsi le lot n°9 constitué de 4 journaux1/3 de terres et 2 ouvrées de vignes estimé 1030 livres, est adjugé à Jean Huvier pour la somme de 1150 livres.

Chaque adjudicataire de biens doit payer au Receveur des domaines,dans le mois suivant la vente, le dixième du montant de l'acquisition, puis chaque année un dixième du prix total avec les intérêts au taux de 5 % sur le capital restant à payer. Moins d'un an plus tard, Jean Huvier remettait au Receveur des domaines la somme de 993 livres 14 sols 6 deniers solde du capital restant des 1150 livres, montant du lot n° 9, à lui attribué le 4 vendémiaire an 3. Image (12) et Image (13)

 

Remarques concernant les acheteurs

On constate que 36 propriétaires ont acquis des biens de l'émigré Richard, tous sont des habitants de Chaumercenne. Les plus imposés de la commune ont acquis plusieurs lots à l'image de Claude Pierre Courboillet acquéreur de 4 lots pour un montant toral de 23.250 liv, sa belle sœur Claudine Courboillet épouse de son frère Antoine, 3 pour 7.800 liv. , Pierre Courboillet un autre frère, 4 pour 6.850 liv. , Antoine Guyotte, 4 pour 7.375 liv. et Daniel Oudille, 3 pour 6.450 liv.

Tous les lots ont été adjugés pour une somme supérieure à 1.000 liv sauf le lot 58 à 325 liv.

Mais la vente des biens de l'émigré Richard n'en est pas terminée

 

Une vente à part, qui aurait du se faire le même jour que celles des lots précédents, est adjugée à Simon et Daniel Oudille, ils ont acquis la maison jouxtant celle de Barbe Itier pour 2.725 liv : c'est le vieux château appartenant autrefois à Dame Geneviève de la Baume ; la partie occupée par Barbe Ythier qui lui était ascensée à vie, elle en conserve la jouissance sa vie naturelle durant.

 

Le montant total des ventes de l'émigré Richard à Chaumercenne s'élève à la somme de 115.625 livres pour une estimation globale de 56 840 livres (environ le double).Mais l'émigré Richard possédait des biens dans d'autres villages, il était seul seigneur à Tromarey, Chancey, Chancevigney, Bonboillon, Renaucourt, Tartécourt, Villers Vaudey, possédait des biens à Cugney, Sornay, Motey, Fleurey, Charmes St Valbert, Combeaufontaine, Arbois…

Son propre château de Tromarey fut vendu 3 semaines plus tard à 8 personnes du lieu (dont Jean Sautenet pour la moitié, et bonne chance pour les partages…), pour une somme de 173.000 liv. Et la maison avec dépendances pour 66.000 liv. ...

Une estimation de tous ses biens vendus se monterait à plus de 1 500 000 livres.

 

Suite et fin de l'émigré Richard

 

Le 6 août 1802, Pierre François Jean Marie Richard est amnistié malgré son émigration en Suisse, pour ne pas avoir porté les armes contre son pays. Sa fortune foncière s'est trouvée dispersée lors des multiples ventes effectuées.

En vertu de la loi dit du milliard des émigrés, il émargeait à une indemnité considérable de 141 721 frs, perçue en 1805.

Par anticipation, il rachète le 10 avril 1804 pour la somme de 14 222 frs, 3 bois à Motey-Besuche et Chancey (environ 200 ha) vendus nationalement en brumaire an 6 (novembre 1797). Le dernier seigneur de Chaumercenne jouissait tout de même en 1811 de 10 000 frs de revenus. Mr le Marquis Pierre François Richard s'éteignait à Morey le 7 janvier 1839 à l'âge de 75 ans.

 

Vente des biens des 2 frères émigrés Guelle

 

A Chaumercenne les 2 frères Estienne Henry et Cléradius Victor Guelle qui ont émigré disposent de biens dont une maison occupée par Denis Marie et Gabrielle Guelle leur frère et sœur célibataires ignorant de leurs âges… rejoints depuis quelque temps par leur oncle Charles Emmanuel Guelle dit frère Gabriel ex-prêtre familier de Pesmes. Ces frères émigrés demeurent à Saint Amour et leurs frère et sœur profitent de leurs biens.

Le 1er nivôse an 2 (19 février 1794), une estimation est faite de leurs biens consistant en cette maison indivise avec jardin et verger et des terres et vignes. Bien sûr dans la maison, il ne faut estimer que les meubles appartenant aux 2 émigrés.

11 lots sont constitués dont le 1er est la maison l’indivise avec jardin, verger, adjugée à Claude Pierre Courboillet pour 2.225 liv, ainsi que 3 ouvrées de vignes y joignant, constituant le lot n° 2 pour 630 liv. C'est ce citoyen qui fera l'acquisition, entre autres, du château de Chaumercenne…

Le montant total de ces ventes s'élève à la somme de 12.785 liv. auquel il faut ajouter la vente des meubles pour 518 liv, la vente des 43 mesures de blé représentant les cens dus par 4 particuliers qui cultivaient ces biens, 1.125 liv pour la vente des fruits des vignes et 5 liv pour celles des 7 mesures de pommes récoltées dans le verger avant d'être pillées… Rien ne doit être perdu quand il s'agit de la Nation… Elle a ainsi chez les émigrés Guelle, récolté la somme de près de 14.000 liv.

 

Le cas très spécial du curé de Chaumercenne Antoine Myet surnommé : le caméléon

 

On ne peut évoquer la question religieuse sous la Révolution sans parler du prêtre-curé de Chaumercenne Antoine Myet qui résista, tant qu'il le put à cette nouvelle religion imposée par les Révolutionnaires, lui qui voulait vivre et montrer sa foi en son église de Rome, parfois au péril de sa vie ; à cette époque les têtes tombaient facilement dans le panier de la guillotine...

 

La question religieuse

 

Depuis le 2 novembre 1789, tous les biens ecclésiastiques ont été mis à la disposition de la Nation pour être vendus aux particuliers, voire aux communes à titre temporaire.. Les monastères et autres lieux sont donc vidés de leurs occupants comme aussi les cures des villages. Les dîmes supprimées, terres et vignes prêts d'être offerts à la vente, les prêtres et autres moines ou religieuses sont à la rue, sans aucun revenus.

La nation veut en faire des fonctionnaires à condition de signer un serment d'adhésion à la Constitution Civile du Clergé (C.C.C.) votée par décret de l'Assemblée Nationale le 12 juillet 1790.

Les curés sont nommés par les électeurs du district et touchent pour les activités religieuses un salaire de 1200 livres, les évêques ne relèvent plus du pape mais des élus du peuple, ce qui va provoquer de gros problèmes de conscience pour les curés de paroisse et un vrai schisme avec l’Église de Rome.

Pour toucher salaire, les curés ont obligation de prononcer un serment à l'issue de leur messe paroissiale (décret de décembre 1790), en présence du conseil municipal, serment qui doit être porté par écrit dans les deux jours au registre des délibérations.

 

Le curé Myet et le(s) serment(s) d'adhésion à la C.C.C.

 

Antoine Myet est né à Apremont en 1748. Il est institué les 3 des nones de janvier 1780 à la cure de Chaumercenne, et promulgué le 20 juin 1781. Ayant officié pendant 11 ans à cette cure, la Nation le soumet à la prestation de serment de la C.C.C.

C'est le 30 janvier 1791 que le sieur Antoine Myet, curé de Chaumercenne satisfait, semble-t-il, aux obligations du fonctionnaire qu'il est. Son serment qui suit, est transcrit par François Deronzy le recteur d'école et secrétaire-greffier de la commune, en présence de Claude Oudille maire de Chaumercenne.

 

Je jure de tout mon cœur d'être fidèle à la Nation, à la Loy et au Roi, de faire mes fonctions en honneur et conscience, de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse qui m'est confiée, de travailler au salut leurs âmes et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée Nationale et acceptée par le roi, conformément à la Religion Catholique, Apostolique et Romaine que cette auguste et religieuse assemblée adopte, révère et professe, et dans laquelle religion j'espère vivre et mourir.

Ce serment n'est évidemment pas conforme au décret qui ne tolère aucun préambule, ni commentaire, explication ou restriction, il doit être déclaré nul par les membres du district. Antoine Myet s'est engagé dans la voie de la contestation, son parcours va être semé d'embûches, de difficultés, voire de menaces à sa vie qu'il n'avait sûrement pas envisagées initialement.

 

Bien sûr le Pape Pie VI condamne cette Constitution civile du Clergé en avril 1791 en ordonnant aux prêtres qui l'avaient signée purement et simplement, de se rétracter dans les 40 jours. Ce soutien du Pape va confirmer Antoine Myet dans la position qu'il a toujours prise.

Le 29 juin 1791, il renouvelle sa foi religieuse au service du pape :

Je déclare que je pense et penserai toujours comme sa Sainteté Pie VI ; sur le serment de la C C C et surtout ce qui y a rapport, je me soumets à la décision du chef de l'église, et que je la suivrai exactement sans jamais m'en écarter.

Le 4 novembre 1791 (il est toujours en fonction en la cure de Chaumercenne), il émet des craintes sur ce qu'on peut lui exiger de faire, il précise alors sa position nette et claire :

Je soussigné, déclare que tout ce que je dirai, ferai, écrirai et signerai pendant toute ma vie et principalement pendant la Révolution, sera toujours sous cette réserve et condition qu'il ne blessera point la religion C,A, R soit qu'il en soit fait mention ou non, désavouant tout ce qui pourrait y être contraire.

Les ennuis de Myet avec le district de Pesmes qui réclame du curé de Chaumercenne des éclaircissements sur sa déclaration du 4 novembre 1791, ne vont qu'empirer : Je confesse que toute ma vie je m'en tiendrai à la religion catholique, apostolique et romaine.

 

Le 16 juin 1792, il fait enregistrer une déclaration que les membres du conseil municipal présents doivent trouver violente et dangereuse pour lui, elle fait 6 lignes sur le registre et va poser plus tard de graves problèmes à son auteur :

Je confesse et déclare que je veux suivre la religion de mes pères, la religion C, A et R dans toute sa pureté ; qu'en conséquence de ce principe de mes aïeuls, je ne communiquerai point indivinis avec ceux qui se sont emparés et ceux qui s'empareront dans la suite des évêchés et des cures ou autres élections canoniques du vivant des légitimes évêques et curés, abjurant les hérétiques, les schismatiques, apostats.

Bizarrement cette déclaration est rédigée entre 2 actes datés de l'an 4… Pourquoi cette insertion à cet endroit, alors qu'elle aurait du l'être en l'année 1792 ? Image (14)

Myet aurait-il fait enregistrer ce serment sur une page non encore utilisée du registre des délibérations, pensant qu'elle ne servirait à rien et serait oubliée si la situation s'était apaisée. Il y a entre cette date (du 16 juin 1792) et celle de l'acte précédent le serment (du 2 nivôse an 4), 3 ans et 5 mois d'enregistrement de délibérations, on aurait pu ne plus parler de religion et aurait barrer et rayer ladite déclaration ?

 

Le 3 octobre 1792, malgré le serment précédent, Myet se décide enfin à prêter le serment classique du fonctionnaire lui permettant de toucher son traitement :

Je jure d'être fidèle à la Nation et de maintenir la liberté et l'égalité, ou de mourir en la défendant.

 

L'église de Chaumercenne n'est pas encore fermée au culte, Myet y assure les offices religieux et remplit le registre paroissial de la commune. Il assure même le 17 avril 1792, le mariage religieux de Claude Henriet 38 ans, maire de la commune avec Cécile Oudille 24 ans ; les époux recevant la bénédiction nuptiale du prêtre, curé des deux parties, selon le rite de l'église et des édits royaux

Le registre est clos par Jean Guyotte nouveau maire, assisté par Claude Pierre Courboillet officier public de la commune, et Daniel Oudille procureur. Ce sont eux qui maintenant sont chargés de signaler l'état civil de la commune. l’Église est-elle fermée maintenant ?

 

Après la mort sur l'échafaud le 21 janvier 1793, de Louis Capet ex roi de France le 16ème, le régime de Terreur se manifeste aussi en campagne, de nombreux nobles ont quitté la France, il est procédé à leur recherche dans les villages. Les biens des émigrés non rentrés sont mis sous séquestre pour être saisis, puis vendus, des mesures de sûreté sont prises et le Directoire impose une levée en masse de 300 000 hommes pour la défense du territoire. C'est dans ce contexte de Terreur que le sieur Myet continue de montrer sa foi.

 

Myet défie les administrateurs du canton de Pesmes

 

Le 10 avril 1793, il impose des restrictions à son dernier serment:

Je déclare avoir entendu une liberté sans licence et une égalité sans indécence et avoir l'intention de maintenir l'une et l'autre dégagées de tous abus.

La vague d'arrestation de prêtres réfractaires commence dont celle de Descouvrières curé de Broye et surtout le père Eymeric, capucin de Pesmes qui est guillotiné à Paris. Cette Terreur qui touche des proches ne semble pas l'arrêter, pourtant le danger lui pourrait être aussi fatal.

Le 12 ventôse an 2 (2 mars 1794), il se confie :

Je promets, voue et jure de tenir avec le secours de Dieu, une conduite orthodoxe jusqu'au dernier souffle de ma vie, et d'inspirer les mêmes sentiments autant qu'il sera en mon pouvoir, à tous ceux qui me sont et seront confiés.

Pour se conformer à la loi du 23 brumaire an 2, Antoine Myet devant maire et officiers municipaux déclare ce 1er thermidor an 2 (19 juillet 1794)

La Convention Nationale, au nom de la République, ayant manifesté le vœu pour la cessation des fonctions du culte catholique, j'ai depuis longtemps cessé l'exercice de mes fonctions, comme j le cesserai à l'avenir, pour le temporel qui n'est pas du ressort et de la compétence de la puissance laïque, et je me désiste de mon bénéfice entre les mains des citoyens municipaux de ladite commune, lesquelles déclaration et soumission eussent eu lieu depuis plus d'un mois sans l'absence du secrétaire greffier. Et à l'instant j'ai remis les clefs de l'église et de la sacristie à l'agent national de la commune.

L'église est donc officiellement fermée, la croix du clocher de l'église est descendue par un couvreur, interdiction est faite de sonner l'unique cloche puisque l'autre a été conduite à Gray pour y être fondue ; plus de soutane pour le citoyen Myet dans les rues du village.

Il reste pourtant une dernière tracasserie exigée par le commissaire du district : faire rendre au sieur Myet ce qui lui tient le plus à cœur, ses lettres de prêtrise.

Le 12 thermidor an 2 (30 juillet 1794), il refuse catégoriquement de les rendre, considérant que la remise de mes lettres d'ordre et de prêtrise serait pour moi une apostasie, en conséquence je déclare que je veux les conserver soigneusement jusqu'à la mort.

 

Le 10 thermidor an 2, Robespierre et les siens passés eux aussi à l'échafaud, le régime de la Terreur s'achève enfin, La question religieuse n'est plus de mise. La cy-devant église est devenuele Temple dédié à l’être Suprême, des réunions de la municipalité y ont lieu quelque fois, la commune ne disposant pas de salle de conseil.

Le climat semble s'être apaisé à Chaumercenne ; le citoyen Myet offre même sa maison pour une séance du conseil municipal ce 26 prairial an 3 (14 juin 1795), ce qui n'est déjà pas banal, mais si l'on ajoute que Myet vit dans l'ex maison curiale achetée en 1791 lorsque les biens d'église sont devenus biens nationaux, puis vendus aux enchères publiques, la situation demeure encore plus cocasse.

C'est à Pesmes, au Temple dédié à l’être Suprême qu'a lieu l'épuration de la municipalité et autres autorités constituées dans la commune de Chaumercenne, conduite par le citoyen Crestin commissaire nommé à cet effet. Ce 13 ventôse an 3 (3 mars 1795), après la démission des anciens, une nouvelle municipalité est élue avec à sa tête Jean Baptiste Étienne Oudille juge de paix, le nouveau maire, Claude Pierre Courboillet et Charles Jacquin officiers municipaux et Jean Guyotte agent national.

 

Un apaisement de courte durée

 

Pour se conformer à la loi du 11 prairial an 3, Antoine Myet déclare le 24 messidor an 3 (12 juillet 1795) qu'il se propose d'exercer le ministère d'un culte connu sous la dénomination de religion C, A, R dans l'étendue de cette commune et à l'invitation de la municipalité, il a été requis qu'il lui soit décerné acte de sa soumission aux lois de la République, sans entendre par là engager en rien sa conscience, de laquelle déclaration il lui a été décerné acte.

Le 13 nivôse an 4 (3 janvier 1796) les citoyens et citoyennes de Chaumercenne suivant la loi du 7 vendémiaire an 4, déclarent à l'unanimité qu'ils choisiront pour exercer leur culte le local de la ci-devant église du lieu. Fermée pendant 18 mois, l'église va retrouver partiellement sa fonction originelle. Image (15)

Ce même jour Antoine Myet déclare que l'universalité des citoyens est le souverain et promet soumission et obéissance aux lois civiles et fiscales de la République Française. Image (16)

 

Le coup d’État du 18 fructidor an 5 (4 septembre 1797) annule les élections, les agents municipaux favorables à la modération et à la reprise du culte sont destitués.

A Chaumercenne Myet doit signer un serment de haine à la Royauté et à l'Anarchie, d'attachement et de fidélité à la République et à la Constitution de l'an 3 , ce qu'il fait le 23 vendémiaire an 6 (14 septembre 1797).

Ce serment est remis à l'Administration réunie à Pesmes le 23 vendémiaire an 6 : ce n'est que par oubli qu'il a été enregistré 3 mois plus tard…

 

Mais le cas Myet n'est pas encore terminé...

 

N'ayant guère confiance aux responsables dans les municipalités, un commissaire est envoyé dans les districts pour enquêter sur la conduite de ces prêtres réfractaires qui semble très active dans le secteur de Pesmes.

Jean Claude Lambert adjoint de la Commune de Chaumercenne, à la lecture du registre des délibérations, découvre une anomalie d'écriture, 6 lignes biffées et raturées qui pourraient bien être l'écriture du sieur Myet ; il ne porte pas le prêtre dans son cœur. Voici une bonne raison de le signaler au district de Pesmes. Image (17)

Qui a rayé ces 6 lignes pour en devenir illisibles et quand cela s'est-il passé ?.Sans aucun doute, Myet a sollicité de la municipalité alors bienveillante de faire disparaître cette déclaration plutôt antirévolutionnaire. Image (18)

L'adjoint de la commune veut prouver combien Myet s'est montré l'ennemi de la Révolution, prévient Boudot le commissaire envoyé par le département, sans oublier de demander un procès verbal de sa déclaration, pour sa décharge afin que rien ne lui soit imputé...

L'occasion est trop belle pour avertir le Département des agissements des prêtres dans le secteur de Pesmes ; la lettre datée du 16 floréal an 6 (5 mai 1798), envoyée par le citoyen Tourdot, brigadier de la gendarmerie nationale à Pesmes, mérite d'être citée tant elle montre le sentiment de haine envers ces prêtres, peut-être montée à son paroxysme par des fanatiques. Elle décrit aussi tout l'attachement de la population du canton à ses prêtres.

 

Citoyen

L'arbre fanatisé royal, je ne dois pas vous le laisser ignorer, couvre de son ombrage une partie considérable de notre arrondissement, Chansey, Bard les Pesmes, Chaumercenne, Chevigney, La Grande Résie, Mothey Besuche, Montagney et Sauvagney en connaissent journellement les dangereuses influences des prêtres, déportées et émigrées.

Bard de Vallay que l'on dit sexagénaire, le nommé Bornibus ex-curé de Venère perdent entièrement l'esprit public et propagent sourdement, d'une manière très active les principes antirépublicains, dénoncent tous les amis du Nouvel Ordre des choses surtout les acquéreurs de biens nationaux.

Myet ex-curé de Chaumercenne devenu acquéreur de la maison cy-devant curiale, entretient avec les prêtres une correspondance très active, des liaisons très étroites, des tête-à-tête.. Il a prêté et rétracté à plusieurs reprises : les procès verbaux de Boudot, un commissaire de l'administration centrale envoyé dans le canton de Pesmes, vous fourniront des renseignements sur le compte de ce caméléon, homme sans caractère comme sans droiture.

Je vous fais ce détail qu'après la rumeur publique et de renseignements solides ; vous voudrez bien en donner connaissance à l'administration et me faire part aussitôt qu'elle aura prise quelque détermination à cet égard, des mesures à prendre de mon côté pour en assurer l'exécution, je crois que la colonne mobile prise ailleurs que dans le canton de Marnay, figurerait assez bien dans cette expédition.

Salut et Fraternité signé Tourdot (AHS 45L-36)      Image (19)

 

Myet, il faut partir...

 

Myet doit quitter Chaumercenne pour se réfugier dans sa famille à Germigney ou ailleurs. Il a tout de même pris le temps de vendre l'ex maison curiale à Jacques Voilly avant que le district ne lui prenne ce bien pour son attitude antirévolutionnaire, comme l'avaient envisagé ses opposants quelques années plus tôt… .

L'église de Chaumercenne ré-ouverte au culte est administrée par un ancien Carme, Alexis Lavayte qui décède le 17 ventôse an 11.

La nomination du sieur Charles desservant à Chaumercenne va réactiver le feu qui couvait dans la communauté ; Charles se plaint d'insultes proférées par une partie des habitants, les carreaux de l'habitation Pierrecy où il loge sont la cible de nombreuses dégradations, on y a même coupé des arbres, des cailloux sont mis dans la serrure de la sacristie, et ceci sans que le maire ni l'adjoint ne fassent cesser ces désordres. La plainte déposée auprès de l'Archevêque, mentionne des prêtres qui pervertissent l'opinion et détourne la confiance due à Mr Charles.

Antoine Myet, ancien curé de Chaumercenne, à présent desservant Apremont dément les accusations qui lui sont faites, et émet le vœu que l'union et la paix soient rétablies à Chaumercenne.

Un arrêté de la Préfecture démet les maire et adjoint, et nomme provisoirement Jean Oudille et Pierre Courboillet à leurs places. Si de nouveaux troubles survenaient, une garnison militaire serait établie à Chaumercenne…

Pas de trace de gens d'armes à Chaumercenne, la question religieuse est enfin close dans la commune… .