12-De 1800 à nos jours

Chaumercenne après la Révolution

 

 

Les difficiles et agités moments de la Révolution passés, la communauté de Chaumercenne reprend ses esprits et engagent les premiers travaux qui peuvent ressouder sa population divisée surtout par la question religieuse. On sent la majorité de ses habitants proches de leur ancienne église et de son ex-prêtre le curé Myet et les autres plus attirés par les opinions révolutionnaires même s'ils ne sont nombreux. Le retour à une vie plus normale semble gagner la communauté de Chaumercenne , comme le retour au calendrier grégorien.

Le conseil municipal s'engage donc dans un retour progressif à une vie active conciliant toutes les opinions dans un esprit de réconciliation, car le travail ne manque pas.

Dans ce chapitre ne seront pas traités les actions communales concernant l'eau, ce problème récurant à Chaumercenne et la forêt étudiés ensemble plus loin, tout comme l'église ou l'école qui existait depuis si longtemps, ou encore les 2 guerres qui feront l'objet d'études spécifiques.

 

Acquisition d'un presbytère

 

La première initiative prise par le conseil municipal regroupé autour de son maire Jacques Voilly consiste à trouver un logement pour le desservant de la paroisse de Chaumercenne. En effet la Révolution a vendu tous les biens des nobles mais aussi ceux du clergé et tout particulièrement la maison curiale qui est devenue la propriété du maire.

L'affaire est urgente, l'actuel prêtre desservant la paroisse de Chaumercenne est Henri Courboillet, un ancien habitant du village nommé depuis longtemps à la cure de Saint Hyppolite dans le Doubs, rentré dès les premiers soubresauts de la période révolutionnaire pour retrouver le calme et la sérénité auprès des siens. Il loge depuis le 18 brumaire an 13 (11 novembre 1804 ) chez son frère Pierre Courboillet propriétaire du château ayant appartenu à l'ex noble Richard comte de Villersvaudey...

La place ne manque pas au château, pourtant il est en conflit avec la Municipalité qui ne veut pas lui offrir un logement décent comme le veut le Nouvel Ordre des Choses ; il a donc sollicité son Archevêque afin de faire pression sur le Conseil. Le conflit régnant entre ces deux grosses familles de Chaumercenne, Voilly et Courboillet, n'est guère favorable à un règlement rapide du problème, pas même à un arrangement partiel.

Aussi début 1809 le Conseil Municipal décide d'acquérir un terrain pour y construire un presbytère, aucune maison au village n'est à vendre qui pourrait servir à cet usage. Bien sûr la commune de Résie St Martin est associée à cet achat et doit y participer à hauteur du tiers de l'acquisition et de la construction.

Alors que les démarches sont en cours d'avancement, Mr Poncelin propose de vendre sa propriété à Chaumercenne: maison, jardins et dépendances pour une somme très raisonnable : 6500 frs. Cette propriété est l'actuel bloc de maisons et terres, situé au centre du village. Cette acquisition prochaine doit avoir l'autorisation impériale d'achat, elle est obtenue facilement. Elle doit aussi répondre à certaines conditions : d'abord éviction de tout le mobilier y existant et la commune n'en sera propriétaire que 3 mois après le versement de ladite somme de 6500 frs. L'affaire est conclue le 11 septembre 1809.

Malgré les populations de 408 habitants de Chaumercenne et les 140 de Résie, la répartition financière de l'opération : 2 tiers et 1 tiers entre les deux communes est conservée. La commune de Résie n'ayant pas les fonds nécessaires, celle de Chaumercenne en fera les avances.

Après les travaux de remise en état des bâtiments, la commune de Chaumercenne peut décemment loger le prêtre succursaliste de la paroisse ; le logement du prêtre revient à 72 frs par an pour Chaumercenne et 24 frs pour la Résie.

Ce prêtre est bien connu audit lieu, il s'agit d'Henri Courboillet né en 1750 à Chaumercenne, nommé prêtre succursaliste à l'Hôpital du Gros Bois (dans le Doubs), puis prêtre constitutionnel en 1803 à Chaumercenne jusqu'à sa mort en 1823.

La commune de Chaumercenne en profite, de concert avec celle de Résie, pour établir un clerc afin d 'assister le prêtre dans ses fonctions ecclésiastiques mais aussi pour servir de marguillier, au salaire de 100 frs répartis ainsi : 66,66 frs pour Chaumercenne et 33,33 pour Résie. Elle aurait bien voulu regrouper tous ses fonctionnaires en un seul lieu: prêtre et instituteur, et disposer d'un local pour ses réunions de conseil municipal. Les finances manquant et le Conseil Municipal de la Résie traîne les pieds pour ne plus participer financièrement à ces travaux, arguant le fait qu'elle n'en a pas été prévenue et n'a donc pas donné son autorisation. Le préfecture de la Haute Saône entrera dans ce conflit pour obliger cette commune à y participer, Il faudra attendra 1835 pour voir se réaliser totalement ce grand dessein.

Mais une anomalie historique s'est glissée dans cet achat : cette maison acquise par la commune n'est autre que la demeure de la noble famille Poncelin de Gray. Sa caractéristique principale est de posséder à l'avant du bâtiment, deux hautes tours féodales à base carrée à chaque coin.… . Que la Commune achète un ancien bien féodal avec ses attributs ostentatoires en façade relève du contresens quand on sait que la Révolution voulait mettre à bas toute trace de féodalité, et c'est une commune qui y loge ses fonctionnaires...

Sur le plan de la place de Chaumercenne de 1840, on distingue ces 2 tours féodales carrées à chaque extrémité du presbytère, celle au Nord étant plus grosse. Image (1)

L'une des tours est montée avec le mur principal de la façade, sa destruction risquerait de mettre à bas le mur. Aussi le Conseil décide le 9 mai 1841d'araser cette tour jusqu'à hauteur du toit de la maison, l'autre tour indépendante des murs principaux sera totalement démontée. Faute de finances, la partie supérieure de la tour restera visible jusqu'en 1850… On trouve trace de cette tour, à gauche, en entant dans l'ex-presbytère. Image (2)

La garde nationale et le tirage du milicien

La révolution avait mis en place dans chaque commune une garde nationale chargée d'y maintenir l'ordre et susceptible d'être intégrée dans les armées de la Nation. Cette garde n'a pas été supprimée après la Révolution et chaque année doit être nommé un milicien et son remplaçant, partant pour cette Armée française.

Sa nomination relève du tirage au sol. Le9 septembre 1809 veille du tirage, tous les hommes de la commune de 20 à 60 ans inscrits sur le tableau de la Garde Nationalesont rassemblés chez Mr Fery l'instituteur à 7 h du matin précises pour : obtempérer du tirage, décider du mode de tirage et donner sa contribution aux partants. Pour ceux qui manquent au rendez-vous, le maire est chargé de tirer leurs billets, personne ne doit y échapper sauf peut-être, si elle est décidée par la Garde, l'exemption des jeunes mariés.

Tous les gardes convoqués par écrit le sont ensuite au son de la caisse ( tambour) et sont rassemblés ce 10 septembre à 9 h en l'église paroissiale de Chaumercenne, en présence de Mr Charles chirurgien à Montagney. pour y décider d'abord du mode de tirage. Le maire demande d'abord aux participants si un d'entre eux est volontaire pour s'enrôler, personne… . Au vote fait sans aucune réclamation, il est décidé que les hommes mariés sont exemptés mais qu'ils concourent, chacun suivant ses moyens, à financer une somme aux partants. La souscription ouverte, il s'est trouvé une somme de 113frs 10 cts ajoutés à celle de 100 frs que la Commune s'engage à verser pour gratifier les partants.

Pour le tirage, il s'est trouvé 22 garçons (non mariés) qui ont passé la visite médicale devant le chirurgien de Montagney : Charles Courboillet (1,448 cm) est réformé faute de taille, Jacques François Guyotte souffrant d'ankylosie au bras, 2 autres atteints d'insinuité (?) et Jean ClaudeTerrier (49 ans auquel il manque trop de dents) le sont aussi. Aprè élimination, le tirage a sorti le sieur Claude François Gauthier (21 ans, 1.759 cm)propre au service, et pour suppléant Antoine Guyotte le jeune (30ans,1.742 cm).

Le tirage terminé, l'Assemblée s'est dissoute après procès verbal dressé et envoyé au Préfet. C'était juste une petite parenthèse avant les sérieuses menaces causées par les Armées napoléoniennes, l'invasion du territoire de la Haute Saône.

Les invasions de 1814-1815

Les villages comtois ont fourni beaucoup de leurs habitants pour défendre le territoire nationale pendant l'époque révolutionnaire. Les guerres d' Empire de Napoléon prennent une toute autre tournure après la succession de défaites de 1813. La coalition contre l'Empereur menace maintenant le territoire français ; la Grande Armée ou plus exactement ce qu'il en reste, doit repousser les troupes autrichiennes, russes, prussiennes, suédoises..

En effet aux derniers jours de 1813 les premiers corps de l'Armée de Bohême arrivent en Franche Comté après avoir franchi le Rhin au sud de Bâle, on voit même les chefs des pays coalisés contre Napoléon prendre leurs quartiers à Vesoul : l'Empereur de Russie Alexandre 1er le 19 janvier 1814, Frédéric-Guillaume lII le Roi de Prusse le 21 et François II l'Empereur d'Autriche (le neveu de Marie Antoinette...) les 23 et 24 janvier.

Chaumercenne comme tous les autres villages de l'Est doit subvenir aux réquisitions militaires pour les troupes napoléoniennes. Ces réquisitions de 1814 rappellent celles satisfaites par la Communauté pour les Armées du Rhin 20 ans plus tôt pendant la période révolutionnaire.

La 1ère de celles-ci en date du 4 janvier 1814 oblige la communauté à approvisionner le siège de Besançon, lui fournir et livrer : 30quintaux de froment, 8 q de seigle, 40 q de paille et autant en foins, 3q de haricots ainsi que 4 litres d'eau de vie, 6 bœufs et 4 porcs gras.La répartition se fera sur tous les propriétaires de la commune proportionnellement à leur contribution foncière, il y en a 80 à Chaumercenne. Voilà du travail pour l'instituteur du village Jean Baptiste Fery natif de Cugney : confectionner le rôle au plus juste... et les réquisitions vont s'enchaîner. Le maire Jean Huvier doit assurer et la fourniture et le respect des dates, les menaces d'arrestation le guettent au moindre retard.

L'armée française malmenée par les troupes coalisées reculent, l'ennemi occupe le territoire et maintenant les réquisitions sont formulées par l'étranger, la population n'a plus qu'à obtempérer et y répondre. Le maire Jean Huvier doit assurer et la fourniture et le respect des dates ; les menaces d'arrestation le guettent au moindre retard.

Le 9 janvier, c'est le Major Général de l'armée des puissances alliées qui détaille la seconde réquisition, elle concerne l'alimentation des troupes étrangères : il faut livrer à Combeaufontaine 400 rations de chacune 1/10 l d'eau de vie et 400 rations de 4/10 l de vin, et à Vesoul : 1688 rations d'eau de vie et autant de rations en vin ainsi que 3028 rations de 2 livres de farine. On constate que cette réquisition doit surtout abreuver la soldatesque !.

Le 16 janvier, le Baron Wimpfen en personne, général de division commandant les troupes alliées , impose la livraison à Gray de fournitures d'habillements et de chaussures : 28 chemises, 28 caleçons en toile, 24 paires de souliers,, 7 capotes militaires, 14 pantalons en drap bleu ou gris, 14 paires de guêtres de drap noir, 1 paire de bottes et 56 fers à cheval...

La 4ème réquisition (du 19 janvier) concerne les troupes étrangères stationnées à Chevigney. Il faut leur livrer 4 pièces de vin, 64 mesures d'avoine et 4 bœufs.

Toutes ses réquisitions conduisent la communauté à établir d'interminables listes de répartition, certaines denrées peuvent être fournies par certains propriétaires, d'autres sont achetées ; toutes sont inscrites sur un registre pour déclaration, la communauté garantissant le remboursement équitable de ces denrées dans la limite de ses fonds propres, on verra qu'elle ne pourra satisfaire cette exigence.

Une 5ème réquisition exige par ordre des puissances alliées daté du 23 février de livrer à Pesmes 50 mesures d'avoine et un millier de foin.Le 22 février puis le 10 mars, la communauté doit pourvoir au logement de troupes ennemies ; 80 chevaux et autant d'hommes, puis 20 chevaux et autant d'hommes. Ces hommes sont ainsi logées chez l'habitant qui doit les nourrir.Le 23 février une autre exigence doit être satisfaite: la livraison à Pouilley de 30 sacs d'avoine et 45 bottes de foin, suivie le27 février de celle de 10 sacs d'avoine puis de 15 autres sacs d'avoine le 8 mars avec 600 livres de pain, un bœuf ou 1 vache.

Le 17 mars c'est l'hôpital de Gray qui réclame la réquisition de denrées diverses: beurre,viande, vin, eau de vie, huile, chandelles, orge , pomme de terre, paillasse, matelas, traversin, couvertures, draps, chemises, serviettes, bonnets, bas et toiles.Une dernière réquisition pour la communauté de Chaumercenne débordée de toute part, datée du 8 avril est la fourniture et livraison à Besançon de 80 mesures de froment (1108 kg), 25 mesures de seigle (320 kg), 3 mesures de légumes secs (42 kg), 84 kg de lard salé, 640 livres de foin, 440 livres de paille, 2 pintes de vin (388 l), 56 pintes d'eau de vie (112 l), 17 pintes de vinaigre(35 l).

Après l'abdication de Napoléon le 8 avril 1814, les troupes étrangères quittent le territoire français au début de juin. Mais le retour de l'île d'Elbe par Napoléon engendre aussi le retour des armées autrichiennes en France et revoici les réquisitions à nouveau à l'ordre du jour de la communauté.

En cette année 1814 les nouvelles mesures de poids et d'argent ne sont pas encore très bien maîtrisées, on utilise toujours les mesures d'avant la Révolution. Ainsi pour les poids, le quintal et le kg sont encore délaissés au profit des mesures qui sont différentes suivant la nature des denrées agricoles et les lieux ; pour les espèces sonnantes, le franc n'a pas complètement remplacé la livre avec ses unités inférieures, le sol et le denier. (1 livre =20 sols, 1 sol=12 deniers)

Voici deux petits tableaux donnant les prix et poids de certaines fournitures ainsi que leurs conversions.

1er tableau

Fournitures agricoles poids en kg prix

1 mesure de froment 13,85 3 livres 10 sols

1 - d'orge 2 -

1 - seigle 12,8 2 - 10

1 - légumes secs 14 3 -

1 - pommes de terre - 12

1 millier de foin 12 - 10

2ème tableau

denrées diverses

beurre 12 sols la livre l'eau de vie 30 sols la pinte (½ l) le matelas en paille 9 livres

viande 5 sols la livre le vin 5 sols la pinte (½ l) le matelas en laine 20 livres

huile 50 sols la pinte le lard salé 3 livres 13 sols la chandelle 18 sols la livre

le traversin en paille 2 livres 10 sols le traversin en son 5 livres

le drap 6 livres la couverture en laine 12 livres 10 sols la paillasse 9 livres

la chemise 3 livres la serviette 1 livre 1 bas 3 livres la toile 25 sols à 30 sols l'aune

Les réquisitions militaires pour motif de guerre se renouvelleront hélas, 56 ans plus tard, pour celle de 1870.

Les prestations de serments des maires

La commune de Chaumercenne doit aussi satisfaire aux différents régimes qui se succèdent en France, ainsi les prestations de serment des maires et adjoints s'inscrivent sans commentaires particuliers, sur les feuilles du registre de délibérations.

Le 9 octobre 1814, l'ancien conseil est invité à prêter serment pour le nouveau gouvernant de la France après l'abdication de Napoléon 1er, le roi Louis XVIII : Je jure et promets à Dieu de garder obéissance et fidélité au Roi, de n'avoir aucune intelligence, de n'assister à aucun conseil, de n'entretenir aucune ligue qui serait contraire à son autorité, et si dans le ressort de mes fonctions ou ailleurs j'apprends qu'il se trame quelque chose à son préjudice, je le ferais connaître au Roi.

Le 18 mai 1815 : Suite à son installation comme maire de la Commune Jacques Voilly prête le serment à l'Empereur Napoléon Ier de retour (nous sommes à la période des 100 Jours) :  Je jure obéissance aux constitutions civiles de l'Empire et fidélité à l'Empire, moins d'an après c'est à nouveau à Louis XVIII qu'il déclare son serment de fidélité, c'est le même qu'il y a 9 mois...

Le 21 septembre 1830les fonctionnaires de l'ordre administratif, le maire (Jacques Voilly pour la 3ème fois ...) et ses conseillers doivent jurer fidélité à Louis Philippe 1er : Je jure fidélité au Roi des Français, et obéissance à la Charte Constitutionnelle et aux lois du royaume .

Le28 août 1852 le nouveau maire Pierre François Guyotte fait un premier serment : Je jure obéissance à la Constitution et fidélité au Président  (Louis Napoléon président de la Seconde République) et peu de temps aussi après, le 18 février 1853, il en renouvelle un autre mais à l'Empire : Je jure obéissance à la Constitution et fidélité à l'Empereur (Napoléon III)…

Pour conclure ce paragraphe, on peut rappeler la célèbre formulation du serment que Maître Talleyrand prononça : Je n'ai jamais donné mon serment, je l'ai simplement prêté...

Le choléra de l'été 1854

En cette année 1854, rien ne permettait de deviner la catastrophe qui allait endeuiller le village de Chaumercenne. Certes une épidémie de choléra avait touché Gray en 1832 faisant près de 200 morts. une autre en juin1854 semblait se limiter à la région parisienne. Puis soudain l'épidémie vient directement s'abattre sur la Haute Saône et la Haute Marne dès le début du mois d'août. Elle va toucher notre village tout particulièrement, il est le 3ème le plus concerné dans le canton par cette « peur bleue », autre nom donné au choléra qui rendait le visage cyanosé aux malades atteints, couleur causée par la déshydratation.

Pourtant le Conseil Municipal à sa séance extraordinaire du 13 décembre 1853 avait anticipé des mesures pour combattre ce fléau, surtout en matière de salubrité et d'hygiène, mesures prescrites par le Conseil de Paris en vue d'endiguer la propagation du choléra qui régnait dans les pays voisins de la France. L'objectif de ces mesures : faire disparaître les eaux croupissantes des rues et placer dans l'intérieur des communes une rigole pavée qui les transportent.

 

Mesures préventives

A cet effet, des T.U.C (travaux d'utilité communale) ont été créés pour occuper exclusivement les indigents de la commune et leur fournir des salaires pendant la morte saison (de décembre à mars). Ces derniers doivent construire cette rigole pavée dans la Grand-Rue (route de Valay), puis encaisser le ruisseau servant de déchargeoir au creux situé au centre du village afin d'assainir la rue du Vieux Château. Placés sous la surveillance du maire Pierre-François Guyotte (dit Mourot), ils sont dirigés par Mr l'Agent Voyer et un piqueur nommé par le Préfet. Une subvention de 400 frs est accordée pour conduire ces travaux d'utilité communale, ainsi que 250 frs destinés à rendre praticable le chemin rural de Corroy conduisant au cimetière. Cette dernière subvention préfectorale aura toute son utilité même si l'on sait que le choléra à Chaumercenne emportera 55 personnes,

Gray 550 et Pesmes 250. Vesoul fut épargné et la promesse faite par la ville à la Vierge Marie de construire un édifice religieux si elle n'était pas touchée par le choléra, sera exaucée : Notre Dame de la Motte fut érigée peu de temps après.

 

Les victimes du choléra

Le malade du choléra souffre de vomissements, a des selles fréquentes et une soif intense. La maladie se transmet par la sueur du contagieux qu'il faut éponger, le contact de mains sales… Le manque d'hygiène et les eaux croupissantes accroissent le risque d'extension de l'épidémie. Aucun vaccin n'est encore trouvé pour lutter contre le choléra, il faudra attendre 1884 pour voir Robert Koch découvrir et isoler l'agent microbien du choléra et mettre en évidence le rôle de l'eau dans la transmission de la maladie, bien trop tard pour les malades de Chaumercenne...

Le premier décès cholérique au village intervient le 2 août, un jeune de 18 ans fils de feu Etienne Féry le charron ; le second le 10 Jeanne Oudille 41 ans, la veuve de Jean-Baptiste Auguste Dessant vigneron. Les décès vont aller en s'accélérant : 4 morts le 19 août dont celle de la jeune institutrice de 28 ans Suzanne Courcol, autant le 24 août, et même 5 morts le 29 août.

Du 21 au 31 août ce sont 18 nouvelles victimes du choléra qu'il faut conduire au cimetière du village, il faut préciser que les chaleurs de l'été sont propices à son développement.

Hélas, le mois de septembre n'est pas moins catastrophique, 22 personnes y laissent leur vie avant qu l'épidémie ne régresse ; on ne déplore plus que 2 décès cholériques en octobre dont celui de Barbe Lambert (à 56 ans), l'épouse du maire du village.

Commencée le 2 août l'épidémie est déclarée terminée le 10 octobre 1854, elle aura duré 3 mois, atteignant son paroxysme la seconde quinzaine d'août. Le taux de décès cholériques par rapport à la population atteint les 12 %, pratiquement une personne sur 8 est morte du choléra…

 

Le registre de la commune de Chaumercenne pour l'année 1854 mentionne décès dont 65 reconnus cholériques, la liste de ces décès est donnée en annexe. Image (3)

Répartition des décès cholériques

Par famille

Les Henriet sont les plus touchés par le choléra, on y relève 15 décès directs (grands-parents, parents, gendres ou belles-filles, enfants), il est nécessaire de préciser que cette famille était composée d'une douzaines de ménages.

Les Jacquin, famille très ancienne du village, s'est éteinte avec le décès des 4 membres restants, les Malgérard constituent une famille quasiment décimée, elle enregistre les décès de 6 personnes : 2 frères et leurs épouses et 2 jeunes garçons célibataires d'environ 35 ans. La dernière des Malgérard décédera en 1938.

3 décès sont relevés dans la famille Vagnaux : le grand-père, un fils (le même jour) et son épouse. La famille Dessant verra disparaître le père, 2 belles-filles et un enfant .

Finalement 49 ménages du village sur 111 ont été touchés par ces décès dus au choléra.

 

Par âge et sexe

 

 

 

de 0 à 10 ans de 10 à 20 ans de 20 à 40 ans de 40 à 60 ans plus de 60 ans totaux

Hommes 4 4 8 3 10 29

Femmes 2 0 5 8 11 26

Totaux 6 4 13 11 21 55

 

La répartition par tranches d'âge montre que les personnes de plus de 60 ans constituentla majorité des décès dus au choléra(38%), les moins de 20 n'ont été que partiellement touchés (19%), les femmes un peu moins que les hommes.

 

Par profession

Le choléra a privé la communauté de Chaumercenne de son berger, son institutrice, son blatier (petit acheteur de blé qui le revendait aux particuliers), son garde champêtre et son garde forestier, 3 manouvriers sur 19, 4 cultivateurs sur 40, 4 propriétaires sur 8 et 3 vignerons sur 8, 1 couturière sur 2. Ainsi tous les métiers sont concernés par ces décès. Enfin 29 sont déclarés sans profession, essentiellement les femmes et 3 enfants de plus de14 ans qui ne travaillaient pas encore. Toutes les professions, le choléra ne fait ces différences...

 

Importance du désastre causé par le choléra

Si l'on veut bien montrer l'ampleur de la catastrophe causée dans la population de Chaumercenne par le choléra , il suffit de présenter les 2 tableaux suivants, le premier concerne le nombre de décès annuellement avant et après 1854.

 

Années  : 1850 1851 1852 1853 1854 1855 1856 1857 1858

Nombre de décès : 10 12 7 11 65 8 13 10 14

 

l'autre l'évolution de la population du village,croissante avant l'épidémie puis décroissante jusqu'en 1900.

 

Années  : 1801 1817 1846 1851 1856 1872 1891 1911

Population : 395 424 460 451 385 321 304 199

La chute de population entre 1891 et 1911 est due essentiellement à la crise causée par le phylloxéra dans les vignobles de Chaumercenne, occasionnant le départ vers la région parisienne de nombreux familles vigneronnes du village.

 

Actions de la Commune de Chaumercenne

Bien sûr la commune de Chaumercenne a fait tout ce qu'elle a pu pour endiguer la progression de cette épidémie : visites des malades par des médecins venus d'un peu partout, achats par la Commune de médicaments auprès de pharmaciens, demandes de conseils auprès des services sanitaires de la préfecture… Rien n'y fit.

L'épidémie de choléra passé, la facture à payer par la Commune est trop lourde pour ses maigres ressources, les sommes votées par le Conseil ne suffisent pas à rembourser les dépenses ; il faut y ajouter les frais de voyages et honoraires des médecins venus de Gray ou de Besançon, ainsi que leur nourriture auprès des aubergistes du village.

En mai 1855, la Commune vote encore un crédit de 348 frs pour médicaments et dépenses relatives au choléra, afin de clore les sommes dues à Hannard élève en médecine envoyé par le préfet pour son séjour du 3 au 12 septembre (60 frs), à Guilleminot docteur en médecine à Pesmes pour un voyage et visites des malades (25 frs), à Planty officier de santé à Montagney pour 60 voyages et traitement de 44 malades (300frs) et à Kolb élève en médecine à Besançon pour 10 voyages et visite de 44 malades (43 frs).

Il est encore du des frais au sieur curé Etey pour des malheureux. Il n'est pas mentionné de détails concernant les menuisiers qui ont fabriqué 55 cercueils dans l'intervalle de 3 mois ; appel fut-il fait dans d'autres communes épargnées par l'épidémie ?

Ce n'est que le 11 novembre 1856 ( 2 ans après…) qu'un crédit est accordé à l'instituteur du village Jean Claude Lavaux, à titre de reconnaissance pour les bons services qu'il a rendus lors de cette terrible épidémie qui a enlevé 1/8 de la population de Chaumercenne, regrettant que la position financière de la Commune ne lui ait permis de le faire plus tôt…

 

Et les autres villages du canton

4 autres communes du canton sont touchées aussi sévèrement que Chaumercenne. D'abord Pesmes compte 250 décès cholériques sur une population de 1637 habitants, soit un taux de 14,5 % avec un pic moyen de 19 décès par jour, du 17 au 19 août. Puis viennent Malans où 70 décès cholériques sont recensés représentant un taux de 13,8 %, Chancey avec 40 décès cholériques pour un taux de 11,7 % et Sauvigney (39 pour un taux de11,6%).

Certaines communes sont totalement épargnées comme Montagney, Motey, La Grande Résie, Montseugny. Pourquoi ?

En 1855, la Commune s'attache à réunir des dons patriotiques à l'Armée d'Orient : les troupes françaises sont engagées en Crimée dans une coalition regroupant le Royaume Uni pour combattre l'expansion de l'Empire Russe menaçant l'empire ottoman. Ainsi sont confectionnés 34 chemises, 3 bonnets de coton, 2 paires de bas, 1/2 kg de tabac à fumer, et une somme de 45?25 frs est collectée entre les habitants et jointe à l'envoi qui aura lieu le 11 février 1855.

Arrêtés municipaux sur la sécurité et la tranquillité : 2 sont pris pour la sécurité, l'un pour les hommes et l'autre pour le bétail.

La 1ère de 1860 : en vertu de la loi du 16 août 1790 et du 20 septembre 1791 (il y a 70 ans…) concernant le maintien de l'ordre et de la tranquillité publique, la Commune arrête que les auberges, billards seront fermés à 9 h du soir l'hiver, et 10 h l'été, les jours fériés et les dimanches, et pendant les offices publics cad pendant la messe et les vêpres. Les gens de moins de 18 ans non accompagnés ne seront pas admis en ces lieux.

La seconde en 1891, paraît plus anecdotique (maintenant). Le maire arrête qu'il est interdit de laisser aller les oies dans les fontaines et les mares qui servent d'abreuvoir au bétail de la communauté. D'abord elles salissent l'eau du bétail et leurs plumes qu'elles perdent peuvent causer de graves accidents à ce bétail…

Une foire à Chaumercenne 

Dans sa réunion du 12 mai 1867, le maire Pierre François Guyotte signale à son conseil que Chaumercenne est traversée par le chemin de Grande Communication n° 15 et celui de Moyenne Vicinalité n° 1, il est donc bien placé pour la tenue d'une foire du bétail car elle dispose d'un immense terrain communal. Une première demande étant restée sans effet, elle sollicite à nouveau la création de 2 foires qui se tiendraient, une en automne et l'autre au printemps. Malheureusement cette seconde demande n'aura pas plus de succès que la 1ère, ferait-t elle trop de concurrence avec celle de Pesmes ?

La guerre contre laPrusse en 1870-1871

La déclaration de guerre de la France à la Prusse en juillet 1870 est suivie de défaites en Lorraine tout particulièrement celle de Sedan le 2 septembre. Les Prussiens et leurs alliés de confédération des Etats allemands du Nord et d'autres du Sud envahissent la région ; le pont de Pesmes fera les frais de cette guerre, les Prussiens le feront sauter en 1870 pour ralentir la progression des troupes du Général Bourbaki, une grosse pierre de ce pont propulsée face au portail d'entrée du château constitue une trace de leur passage.

Chaumercenne subit cette invasion prussienne : le registre des délibérations de la commune inscrit à nouveau les réquisitions faites par l'ennemi pour leur ravitaillement.

Le 22 octobre1870, elles consistent en 1 bœuf de 500 livres, 30 miches de pain (chacune de 3 kg), 300 litres de vin, 3 kg de riz et 2 livres de café ; pour les chevaux 500 kg de foin et 60 doubles d'avoine, pour un montant total de 580 fr.

Le 12 novembre, des troupes ennemies du général badois (de l’État de Bade) Werder stationnent à Chaumercenne et repartent le lendemain matin, l'ardoise est plus salée : 650 kg de viande, 775 livres de pain, 100 livres de riz, 600 litres de vin vieux, 25 livres de café et 36 livres de sel et pour les chevaux 825 kg d'avoine. La facture se monte à 844 fr.

10 jours plus tard, le général Schmeling de passage à Gray ordonne la réquisition de 350 kg de viande, 700 livres de pain et 750 livres de pommes de terre ainsi que de 1400 livres d'avoine : Alexandre Gabiot, François Voilly, Toussaint Oudille et Auguste Courboillet sont chargés de la livraison le 25 novembre à Gray.

Une dernière réquisition pour l'armée prussienne en cette année 1870, cette fois cantonnale en date du 11 novembre, elle est faite sur les habitants de Chaumercenne qui doivent se répartir : 6 têtes de bétail, 1625 kg de pain, 610 litres de vin et 1016 kg de lard, il faut y ajouter 4062 kg de foin et autant de paille, et 8125 kg d'avoine. Elle a été payée soit en argent monnayé, soit en billets de banque de 5 et 10 thaller ; la commune garantit à ses habitants la valeur de ces billets dans un délai de 3 mois à partir du 19 décembre.

Mais elle n'a pas encore enregistrée les pillages et vols commis sur son territoire le 10 décembre 1870, actes perpétrés par des hordes de Uhlans intégrées dans les armées prussiennes qui ne respectent rien, ni la population, ni leurs biens.

Ils ont ainsi volé à main-armée : grains, vin, eau de vie, lard, foin, paille, vêtements, ils ont chargé une dizaine de voitures du produit de leurs pillages, mais au dire des gens, la perte la plus sensible est le vol du bétail : 10 bœufs et 1 cochon pour une somme évaluée à 3520 fr.

 

L'année 1871 n'est pas meilleure pour nos armées. L'armistice signée le 29 janvier 1871 met fin aux combats mais les troupes étrangères vont encore rester 4 à 5 mois sur le territoire et évidemment réclamer encore des réquisitions pour nourrir leurs troupes, hommes et chevaux bien sûr.

Après leur départ, il reste pour les communes à rembourser le prix de toutes les réquisitions et des pillages… La commune de Chaumercenne s'engage en juin 1872 à s'acquitter de ses dettes envers les particuliers qui ont fourni les denrées. Pour les réquisitions la facture s'élève à 4800 fr, les vols et pillages s'élèvent à 8990 fr pour le bétail et 10 000 fr pour la nourriture…

La vente de 3 coupes affouagères permettrait de faire ce remboursement, mais l'administration forestière refuse cette vente globale contraire aux principes mêmes de la gestion des bois communaux.

Suite à la vente annuelle de sa coupe, un acompte de 4554 frs portant sur le tiers des réquisitions officiellement déclarées élevées à la somme de 13664 fr, est versé le 27 août 1872 aux habitants proportionnellement à leurs pertes.

Pour le reste, le conseil municipal assisté des plus imposés du village vote le 3 décembre 1873 un premier emprunt de 7,000 frs dont 6,000 à répartir entre les perdants et 1,000frs versés à la Caisse municipale sur lesquels on paierait les intérêts. Il est encore voté 15 centimes additionnels au principal des 4 contributions pour payer l'intérêt annuel.

Cet emprunt de 7,000 frs est bien sûr destiné à rembourser les charges causées par l'invasion de 1870, mais aussi à soutenir la population suite à la mauvaise récolte de 1873 consécutive à cette invasion.

On est cependant très loin des sommes engagées par les habitants, vols et pillages inclus… Les gros propriétaires du village qui ont avancé les parts les plus importantes de ces réquisitions ont perdu des sommes considérables.

 

Incidence lors de l'invasion de juin1940

On comprend qu'à l'arrivée des Allemands en juin 1940, certaines personnes âgées de nos villages parlaient encore d'eux en les traitant de Prussiens ou de  casques à pointe, qui coupaient la main des enfants ou simplement tuaient, et violaient les femmes : vieilles réminiscences des dires de leurs anciens ayant combattu ces Uhlans (cavaliers légers à la chapska sur la tête et maniant le sabre et la lance reliée au poignet par une dragonne) et disposant depuis peu d'une arme à feu), Uhlans du général De Werder en 1870 / 71. Etaient-elles vraies ou fausses?

Au niveau de la France, cette défaite contre cette coalition prussienne va engendrer la création d'un empire allemand, mais surtout causer la perte de l'Alsace et d'une partie de la Lorraine.

 

Voici diverses acquisitions et travaux effectués par la commune de Chaumercenne

 

A peine sortie des conséquences de cette invasion, la commune se dote de matériels jugés indispensables.

En août 1877, elle procède à une mise en adjudication pour la fourniture d'un taureau communal ; à cet effet elle vote l'ouverture d'un crédit de 200 frs en indemnités d'entretien, le détenteur du taureau touchera 2 frs par saillie.

En février 1878 elle décide l'établissement d'une pompe dans le puits communal de la rue des Fouilles. Le puits en hiver d'accès difficile et dangereux et l'eau gelant autour, ces conditions imposent l'installation d'un grillage en fer qui en ferme l'ouverture. Un crédit de 120 frs est consacré à ces travaux.

En février 1882 elle se décide cette fois ci à l'acquisition d'un bœuf communal sinon primé, du moins recommandé par un comice agricole.

En mai 1882 elle décide la création d'une caisse communale des écoles destinée à encourager et faciliter la fréquentation de l'école, par des récompenses aux élèves assidus et par des secours aux enfants d'indigents.

En juillet 1882 c'est l'achat d'un drapeau pour la maison communale et de lanternes vénitiennes pour son éclairage des rues, pour un montant de 50 frs.

 

Un recensement général de la commune pour les services des Armées, effectué en février 1887 précise quelques données qu'il est bon de retranscrire :

Le bétail de la communauté comporte 28 bœufs, 70 vaches, 84 moutons, 69 veaux et 40 porcs.

La commune dispose de 4 abreuvoirs, 1 fontaine et 1 lavoir. 70 fours de particuliers cuisent 25kg de pain par fournée.

On y recense 25 voitures à 1 cheval, 32 chevaux, 75 écuries pouvant contenir 450 chevaux, 211 animaux y sont logés. On pourrait loger chez l'habitant : 15 officiers, 1.000 soldats et 250 chevaux.

 

La production agricole du village est de 1.8oo hl de blé dont 1.200 consommés par la population

900 hl d'orge 470

1.080 hl d'avoine 430

3.750 q de paille 3.750

800 q de luzerne 800

588 hl de vins 588

900 hl de pommes de terre 900

et 2.990 l d'eau de vie 2.990

 

 

 

 

 

Lentement et inexorablement se profile la seconde catastrophe qui va bouleverser le village de Chaumercenne et sa population. Venu d'ailleurs il se rapprochait insensiblement du village pour mieux l'anéantir : le phylloxéra…

 

Le Phylloxéra de 1888

Ce fléau qui a touché cruellement le village est causé par un insecte qui a détruit tout son vignoble considéré comme la première richesse de Chaumercenne.

Après avoir ravagé les vignobles du sud de la France en 1885, le phylloxéra gagne les régions plus au nord. En septembre1887, le professeur d'agriculture Allard informe la commune de Chaumercenne de l'apparition du phylloxéra dans son vignoble qui risque de l'anéantir complètement. Le conseil municipal réuni autour de son maire Alfred Bérille sollicite alors la Préfecture pour l'introduction de ceps américains afin de parer aux futurs dommages.

Rien n'y fait pour le combattre si ce n'est prier et s'en remettre à Dieu... C'est ce que va faire la communauté du village en érigeant sur la Charme une statue de la Vierge censée protéger les vignes de Chaumercenne de ce implacable fléau .

A cet effet, une souscription lancée par des vignerons du village est ouverte parmi les habitants, le prêtre de la paroisse l'abbé Claude Roussey soutient cette initiative dans ses prêches du dimanche ; chacun est plus ou moins vigneron, même les tailleurs de pierre possèdent un lopin de terre consacré à la vigne. Les sommes prélevées ont-elles été insuffisantes ou auraient-elles trop tardé à venir, ce monument dédié à la Vierge sera construit avec beaucoup de retard. les trois quarts du vignoble du pays ont déjà été détruits par le phylloxéra.

La déception ressentie par le prêtre et ses paroissiens se traduit par l'inscription dans un cartouche du socle de la statue, d'une célèbre phrase latine prononcée par Marie à Jésus lors des Noces de Cana : VINUM NON HABEND (ils n'ont plus de vin).

La Vierge de la Charme

Le monument de la Charme se compose d'un piédestal cylindrique crénelé à sa partie supérieure, une lettre est inscrite sur chaque créneau ; en faisant le tour on peut y lire la mention PRIEZ POUR NOUS. Il est décoré d'éléments rappelant la vigne comme des pèse-moûts ou des sarments de vignes. Il supporte la statue de la Vierge dont le regard protecteur se pose sur le village. Vierge couronnée, elle porte une longue robe plissée, une manche relevée et ses pieds écrasent le serpent du mal.

Son inauguration les 14 et 15 juillet 1887 par Mgr Ducellier archevêque de Besançon fut l'occasion de réjouissances, teintées cependant de beaucoup de tristesse. A ce sujet une anecdote perdure qu'il faut conter parce qu'elle a eu une suite particulièrement inattendue.

Mgr l'Archevêque s'étonna auprès de l'abbé Roussey de l'inscription latine faisant référence au vin, inscription peu appropriée à une statue ; ce dernier retourna gentiment mais avec beaucoup d'à propos, la situation en sa faveur en proposant de la dénommer Notre Dame du Cellier, un brin ironique mais quelque peu irrespectueux envers Mgr Ducellier...

Mais l'histoire de cette Vierge ne s'arrête pas là.

A la signature de l'acte de séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905, les pouvoirs du prêtre dans la paroisse furent limités à sa seule fonction religieuse. Le prêtre en fonction à Chaumercenne, l'abbé Roussey, mécontent de ce nouvel état des choses qui, tout particulièrement le privait de la présence de nombreux hommes en sa messe dominicale, (surtout en période des foins ou des moissons) fit modifier l'inscription VINUM NON HABEND en FIDEM NON HABEND (ils n'ont plus la foi)...

Cette modification portée sur le cartouche de la statue de la Vierge ne gênera pas les autres prêtres en fonction à Chaumercenne, jusqu'à la venue en 1944 des deux frères Schlienger curés de paroisses du secteur de Pesmes, dont Guy l'aîné à celle de Chaumercenne. Image (4)

Ceux-ci poursuivent bien sûr la traditionnelle procession du 15 août à Notre Dame de la Charme. Vignerons eux aussi, ils sont informés par la population de l'inscription portée sur la statue de la Vierge. Défenseurs de la tradition locale, ils s'autorisent à modifier cette inscription et vers 1955, ils chargent le marbrier Charles Lambert de faire graver à nouveau la mention originelle, sur le socle de la statue VINUM NON HABEND plus conforme au passé vigneron des paroissiens de Chaumercenne...

Deux curiositésà l'approche de cette fin de 19è siècle :

Tout d'abord un ordre d'enfermement de volailles de toute nature jusqu'à l'enlèvement des récoltes, est pris pour éviter qu'elles vaquent dans toutes les propriétés emplantées en céréales, vignes, prairies artificielles et autres. L'arrêté concerne les poules, oies, dindes et canards. Toute infraction sera passible d'amendes.

L'autre curiosité : un couple surprenant pour la Communauté, celui de Valentine Henry de Chaumercenne, mariée avec Mr Nicolas Marussopoulos avocat au Caire, né à Nauplie en Grèce en 1854. Le couple a un enfant Irène de 5 ans, de nationalité grecque. Bonne nouvelle annoncée par la mairie le 7 septembre 1891, le couple désire s'installer à Chaumercenne.

Le Monument aux Morts de la Commune

Suite au décès le 9 septembre 1895 à Ankabeka (Madagascar) d'un jeune soldat Etienne Jannot de Chaumercenne, une souscription publique a été ouverte pour l'érection d'un monument aux enfants de la Commune morts pour la patrie, Image (5)

le Conseil municipal dans sa séance du 13 décembre 1895, ouvre un crédit de 30 frs et charge Mr Chappuis l'instituteur de centraliser les offrandes. Deux mois plus tard, un autre crédit est ouvert, de 114,30 pour l'acquisition et la pose d'une grille autour du monument ; Ce dernier a été érigé en avant de l'église ; il sera déplacé 2 fois avant qu'il ne prenne sa position actuelle au centre de la place du village.

Le XX ème siècle

 

Le siècle commence bien

Après avoir pris connaissance du testament olographe de Mme Marguerite Petit cuisinière chez Mme Villette de Terzé à Charoles (Saône et Loire) qui lègue 500 frs à l'église de Chaumercenne pour fondation de messes, le maire Antoine Courboillet et son conseil municipal autorisent le 15 novembre 1900, la Fabrique de l'église à accepter ce legs.

Je n'ai pu retrouver dans les différents registres, des renseignements sur cette généreuse donatrice, sûrement une ex-fille de Chaumercenne…

 

Les cloches de l'église de Chaumercenne

Après la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905, le Conseil municipal décide de mettre à jour une bonne fois pour toutes,la réglementation de leur sonnerie.

Elle constitue une priorité communale, annonciatrice de bonnes nouvelles mais aussi de mauvaises voire alarmantes. Le 15 février 1907 la Commune, par l'intermédiaire de son maire Antoine Courboillet, prend un arrêté réglementant celles-ci.

-Une autorisation est donnée au prêtre desservant la paroisse à faire sonner les cloches pour tous les offices et exercices du culte, baptêmes, mariages et décès.

-Le maire ou son délégué pourra en faire autant pour les fêtes nationales, cérémonies ou réceptions ayant un caractère officiel ou patriotique.

- Le maire pourra les faire sonner afin de prévenir les habitants d'un danger pressant : incendie, invasion, émeute,…

- Le maire pourra les faire sonner à l'aurore, à midi, à la tombée de la nuit conformément à l'usage établi.

-Un sonneur civil nommé par le maire exécutera ses ordres, la durée de chaque sonnerie religieuse ou civile ne pourra excéder 20 minutes sauf le jour des Morts.

 

D'autres nouvelles de la mairie

 

L'éclairage public

La C.E.C., Compagnie électrique comtoise projette d'installer à Chaumercenne un éclairage public alimenté par 4 lampes de 16 bougies, 5 lampes de 10 bougies et 1 lampe pour la salle de mairie. Le devis du contrat est accepté par le conseil le 21 juin 1903.

 

Le pont à bascule

En février 1911 une délibération est prise pour la création d'un pont à bascule d'une puissance de 6.000 kg provenant des usines B. Trayrou à La Mulatière les Lyon. Le sable proviendra de la rivière l'Ognon à Pesmes, la chaux de la thuilerie de Pesmes, elle sera hydrautique ( ?) et conservée à l'abri de la pluie ; la pierre de taille proviendra des carrières du télégraphe à Chaumercenne, choisie dans les meilleurs bancs et dans les lus résistants, non gélive, d'un grain sonore parfaitement sonore. Pour faciliter le passage des chevaux sur le tablier en bois et éviter des glissades, il sera installé sur le milieu du platelage, des tasseaux en bois. Le tout sera exécuté pour un devis maximal de 700 frs, imprévus et honoraires compris.

 

Un nouvel atelier de distillation

La communauté de Chaumercenne s'est toujours doté d'un alambic municipal pour distiller les fruits de ses nombreux arbres fruitiers spécialement pruniers et poiriers, mais surtout les marcs de raisins de ses vignes, on dénombra jusqu'à 90 ha de vignes…

Dans le recensement de 1887, (juste avant l'arrivée du phylloxéra), la production locale d'eau de vie était estimée à 2.990 litres

Leur distillation fut donc une préoccupation pour la Commune qui dut gérer l'organisation des journées de distillation avec le service des Contributions Indirectes, mais aussi l'entretien de ses alambics.

Au vu de la quantité de fruits à distiller, le conseil municipal réuni le 26 août 1917sous la présidence de son maire Emile Lambert, décide la construction d'un nouvel atelier de distillation dans la maison de Maurice Courbollet, celui dans la maison Vagnaux sera insuffisant pour la campagne 1917.

La municipalité n'a t-elle pas suffisant d'argent en caisse pour établir ce nouvel atelier de distillation ?. En effet à sa réunion du 22 janvier 1922, en réponse au courrier des Contributions Indirectes, le conseil précise qu'il n'y a que 2 ateliers de distillation en fonction, pour au moins 30 bouilleurs de cru du village. Chacun distille environ 5 hl de matière ce qui nécessite 2 jours de distillation pour le bouilleur. Le conseil demande donc une période d'ouverture de 40 jours, de préférence du 1er février au 10 mars à cause des travaux agricoles pressants en mars.

Les bouilleurs de cru de Chaumercenne ont tout de même été écouté puisqu'en 1931, le conseil recense 5 alambics de distillation locaux : chez Charles Oudille, Pierre Vagnaux, Jean Baptiste Oudille, Jean Baptiste Bardy et Jules Henriet.

La loi du 25 juin 1935 répartissant le forfait communal entre les bouilleurs de cru, institue 3 catégories de prix : pour la 1ère catégorie 16 frs, la 2è 11frs et la 3è 5 frs. Au total 61 bouilleurs de cru étaient déclarés à Chaumercenne en cette année 1935Cette répartition du forfait sera finalement réduite à 2 catégories au cours de l'année 1939, 15.50 frs pour la 1ère et 6 frs pour la seconde, les contestations seront moindres

Le nombre de bouilleurs diminue rapidement après 1945, moins d'habitants et surtout une population plus jeune. Il n'est donc inutile pour la Commune d'entretenir autant d'ateliers de distillation. Il n'en restera plus qu'un, peu avant le début de la guerre de 39/45.

Le 23 juin 1946, le Conseil rejette la demande d'augmentation de loyer formulée par le propriétaire du local, et accepte le local offert par Joseph Lambert sis à proximité de l'atelier actuel . L'atelier public de distillation sera donc transféré dans ce nouveau local au prix et conditions pratiquées à ce jour.

Pour clore ce dossier alambic communal, un bâtiment sera construit quelques années plus tard, à la sortie du village quelques uniquement à cet effet pour les derniers bouilleurs de cru de Chaumercenne, mais cette fois les chaudières cuisant la matière de fruits fermentés, sont à bain-marie, sans trop de risques de brûler…

 

Utilisation des pierres de carrières

C'est en 1926 que la Commune signe un premier bail pour le concassage de pierres dans les carrières communales de Chaumercenne. Elle le traite le 24 mars avec l'entreprise Beuque de Valayqui doit un installer un concasseur mécanique au lieu-dit en la Charme pour un minimum de 20 ans. L'entreprise s'engage à verser à la Commune une indemnité de 25 cts par m³ de pierre concassée, 25 frs par m³si c'est de la pierre de taille extraite, et 2 frs par m³ de pierre mureuse.

Ce bail est cédé à l'entreprise Barbier de Ryans (Jura) le 12 août 1929 pour 19 ans et l'indemnité fixée à 0,65 fr par m³.

Ce contrat devait donc s'achever en 1948, pourtant Mr Barbier continue d'exploiter la carrière de Chaumercenne malgré l'avis de congé qui lui été donné le 15 novembre 1947. Le 24 janvier 1949, une délibération est finalement prise par le maire Auguste Lepeut pour cesser l'occupation du terrain.

 

Ne sont pas mentionnées dans ce dossier, toutes les décisions communales concernant les sujets : eau, école, forêt,.. traitées à part.