B11-De 1939 à Mai 1940

 1939-mai 1940

 

L'attitude expansionniste d'Hitler commencée dès le mois de mars 1938 par l'annexion de l'Autriche, puis l'année d'après par l'occupation de la Tchécoslovaquie, préoccupe beaucoup les gouvernements français et anglais. Des accords sont signés avec la Pologne suite au pacte germano-soviétique d'août 1940. La France déclare la mobilisation partielle de son armée.

 

La drôle de guerre

Ainsi ce 25 août 1939, arrive à midi, par le train, à la gare de Gray le 4è Régiment d'Infanterie basé à Auxerre. Sitôt débarqués les troupes franchissent la Saône par le pont suspendu, puis sont réparties dans les villages avoisinants dont Venère, Cugney et Onay. Beaucoup de ces hommes mobilisés sont de jeunes, qui viennent parfaire leur instruction militaire, et en majorité des agriculteurs ou des commis de culture. Ils sont logés par la population. On leur fait creuser les traditionnelles tranchées si utiles au cas où les Allemands passent par là... Ils donnent le coup de main dans les fermes (c'est la période des regains) et le soir ils sont libres. Les autres, après leurs activités militaires, surtout des manœuvres, s'ennuient. Ils fréquentent les bistrots des villages et s'enivrent ; le commandant du régiment les fait fermer. Mais en cachette, les gens leurs vendent directement aux soldats leur propre production.

Heureusement que leur stage ne dure qu'une semaine, dans la nuit de vendredi à samedi, branle-bas de combat. La mobilisation générale est déclarée, la France va déclarer la guerre à l'Allemagne, comme l'a fait l'Angleterre quelques heures plus tôt. Image(01)

Les militaires sont embarqués cette nuit dans les bois, transportés par des autobus parisiens ; ce devait être des camions de transport de troupes de la 15è DI, la soi-disant division de fer. Ils quittent la Haute Saône pour la ligne Maginot à Bitche où ils ont pris position devant, un mois de front puis repli dans le secteur de St Quentin. Ils vont y passer l'hiver jusqu'au 10 mai 1940. On a appelé ces 9 mois d'attente: la drôle de guerre.

L'invasion de la Pologne par l'Armée allemande le 1er septembre 1939 déclenche automatiquement la déclaration de guerre de l'Angleterre et de la France le lendemain et l'ordre de mobilisation général des soldats français est affiché dans toutes les communes du territoire.

 

A la Résie Saint Martin, les soldats qui y stationnent sont des chauffeurs parisiens de la RATP, la vie pourrait sembler belle même loin de leurs familles, ils sont tous réunis autour de la roulante pour la popotte quotidienne. On distingue à l'arrière les bus qui serviront à transporter les troupes vers le frontquand l'ordre de départ à la guerre sera donné. image(02)

Une autre photo de ces chauffeurs parisiens à La Résie St Martin les montre sereins, devant l'appentis des parents de Paulette Poinsard Image(03)

Voici une autre popotte des soldats, celle du groupe de reconnaissance de Lucien Viey de Bonboillon prise dans une forêt près de Maubeuge. Image(04)

 

A Chaumercenne stationne un groupe d'une vingtaine de soldats qui a pris position au carrefour des routes, dans le jardin Couboillet. L'inquiétude ne se lit pas sur leurs visages. Image(05)

En revanche, une bonne vingtaine d'hommes de Chaumercenne mobilisés ont quitté le village, y compris le curé du village l'abbé Crevoisier ancien combattant de 14/18 capitaine de chasseurs à pied.

A Pontailler sur Saône, ce mois de septembre 1939 s'est formé le 81è Régional, un régiment constitué de soldats du secteur, la plupart sont des anciens de 14 / 18 connus de la population. Cette unité se consacre à la garde des ponts sur la Saône : à Pontailler et à Lamarche, mais aussi à la protection du site stratégique représenté par la poudrerie de Vonges et aux six cartoucheries du coin. De la DCA est en fonction devant la poudrerie, 4 à 5 postes qui seront démontés et cachés à l'orée d'un bois, peu avant l'arrivée des Allemands…

Costume kaki, ils sont ravitaillés par la population et bien intégrés. On leur fait creuser des tranchées sous les marronniers (au cas où les Allemands arrivent par la Suisse). Pas de chance, 9 mois plus tard, les Allemands se présenteront à Pontailler venant de Talmay et tout naturellement profiteront, sous ces mêmes marronniers, des tranchées qui leurs sont généreusement offertes…

 

A Cugney comme à Venère stationnent des sections du 4è d'Auxerre composées surtout de jeunes recrues d'infanterie qui font leur instruction. Comme partout, un peu de manœuvre, on leur fait construire des tranchées autour du village. Ils aident un peu à faire les regains pour occuper le temps mais ils sont vite désœuvrés.Alors à Cugney, ces jeunes soldats profitent des bistrots où ils s'enivrent, obligeant leur commandant à les fermer de bonne heure. Mais en cachette, les habitants leurs vendent directement leur production, ce qui ne change guère la situation. Heureusement la semaine d'après, tout le monde a quitté le village en autobus parisiens.

 

Les feuilles de platane

Après la déclaration de guerre de la France à l'Allemagne consécutive à l'invasion de la Pologne, les autorités allemandes espèrent encore que la France va enfin se désolidariser de l'attitude guerrière de l'Angleterre. Pour prouver à la population française les bons sentiments du peuple allemand, l'aviation allemande imagine une propagande aérienne sans précédent. Des avions volant en rase motte larguent dans l'est du pays des tonnes de feuilles de papier affichant l'amitié entre les deux peuples et dénigrant l'Anglais. Ainsi en octobre 39 sont tombées du ciel de superbes imitations de feuilles de platane, nervurées des deux côtés, aux couleurs automnales du moment, avec au recto ce texte écrit sous forme de poème intitulé Automne

 

 

Automne

 

Les feuilles tombent

Nous tomberons comme elles.

Les feuilles meurent parce que Dieu le veut

Mais nous, nous tombons parce que les

Anglais le veulent.

 

Au printemps prochain personne ne se souviendra

plus ni des feuilles mortes ni des poilus tués. La vie

passera sur nos tombes.

 

Au bas de la feuille, un casque sur une tête de mort….

 

Curieusement le survol du territoire par ces avions de propagande correspondra, pour notre secteur à celui qu'emprunteront en juin 1940, les chars allemands de Gudérian : l'axe Gray- Besançon.

 

A cette époque, le jeune Aymé Baussaint de Bonboillon conduit une charrette de fumier avec ses chevaux dans ses champs lorsqu'il voit l'avion allemand volant en rase motte. Lui même pilote d'avion,il assiste avec émerveillement à la scène de largage des feuilles de platane, il en récupère 4 ou 5 qu'il fait voir à sa famille à son retour à la ferme.

Mais que d'enfants ont entendu de leurs parents cette recommandation : ne les ramasser pas ces feuilles, elles sont empoisonnées… Image(06)

Beaucoup de jeunes en cachette en ont récupérées, certains les ont conservées, témoignage criant de l'incompréhension allemande envers le peuple français (pensait-il réellement qu'il voulait devenir allemand?...), mais aussi celui de l'extraordinaire propagande allemande qui avec Goebbels ferahélas merveille plus tard.

Rien ne se passe pendant ces 9 mois si ce n'est pour les soldats mobilisés, des retours à la famille suivis des renvois sur les postes près des frontières. Les autorités militaires françaises sont rassurées par le cordon de sécurité qui protège notre pays : la Ligne Maginot, même si au niveau des Ardennes elle n'est pas continue, mais on sait bien que la Wermacht ne pourra pas les traverser…

Au matin du 10 mai 1940, tout change, c'est la guerre qui est vraiment déclarée, si foudroyante et rapide qu'elle sera appelée la Guerre Eclair.