B32-Le STO de 43 à 44

Le STO 1943-44

 

 

Manque de main d'œuvre en Allemagne

L'Allemagne victorieuse à l'Ouest en 1940 doit assurer une occupation effective de ses conquêtes. Elle le fait grâce à son armée de réserve, des Allemands qui avaient un métier dans les campagnes ou dans l'industrie. Tous ces réservistes allemands qui occupent les villages français manquent cruellement à cette Allemagne vidée de ces derniers. Sa jeunesse poursuit  la guerre dans de nouvelles conquêtes qu'elle espère rapide comme en Pologne ou en France...

 Pour pallier à cette main-d'œuvre qui manque en Allemagne, particulièrement dans les usines d'armement, le IIIème Reich fait appel à la France pour remplacer l'occupant, déjà bien évidemment avec les 1.800.000 prisonniers qu'elle a faits. Ils ont intégré les camps dans ses États les plus à l'est.  

La guerre qu'elle déclare à son ex-allié soviétique n'a pas obtenu les résultats espérés ; elle s'enlise, l'Armée allemande est bien vite freinée et peu préparée à combattre les armées et surtout le rigoureux hiver russe qu'elle n'avait pas spécialement envisagé. La Wehrmacht ne progresse plus et certaines de ses armées sont défaites. La guerre risque de s'éterniser, il faut que les usines d'armement tournent à plein régime.

 

Appel à la jeunesse française

A partir de 1942, le gouvernement nazi lance une vaste politique d'embauche. Décision est prise de faire appel à de la main d'œuvre française ; le gouvernement de Vichy est là pour soutenir cette action. Il lance sa grande opération Relève, 3 français volontaires qui partent travailler en Allemagne permettent le retour d'un prisonnier français chez lui.           Image(01)                                        

 

 

Le résultat est décevant : quel jeune français est volontaire pour aller travailler en Allemagne, même bien rétribué ? Qui a envie de quitter les siens pou un ennemi qui l'a envahi et occupe son territoire ? Pourtant de belles affiches sont placardées dans tout le territoire montrant tout l'intérêt qu'il a à répondre à cette invitation.                                                Image(02)  Image(03)

Alors le Reich durcit sa position pour que le gouvernement de Vichy envoie des jeunes français travailler en Allemagne ; il n'y a plus de volontariat mais une obligation d'y aller, le travail est pourtant rémunéré correctement.
Une loi sur l'utilisation et l'orientation de la main d'œuvre française est promulguée en septembre 1942, elle peut contraindre les hommes de 18 à 50 ans et les femmes célibataires de 21 à 35 ans à effectuer tous travaux que le gouvernement jugera utiles dans l'intérêt supérieur de la nation. En février 1943 est créé officiellement dans toute la France le STO, service du travail obligatoire, les jeunes de plus de 21 ans concernés par cette loi peuvent être requis du jour au lendemain ; la procédure est rapide et simple : réquisition puis visite médicale  et affectation, le tout peut-être accompli en moins d'une semaine….

 Les jeunes français n'ont aucune envie d'aller travailler en Allemagne, la loi les oblige à y aller.

Refusant les injonctions du gouvernement de Pétain, les jeunes sont devenus hors la loi et recherchés par la gendarmerie française, avec plus ou moins de vigueur. Certaines comme  Dole ou Pontailler leur font presque la chasse en collaborant avec la Milice ou la Police allemande, d'autres plus laxistes, comme Pesmes ou Moissey, ne font pas d'effort pour les rechercher voire leur recommande de se sauver avant de venir les prendre...

Les réfractaires se cachent donc dans la famille, d'autres trouvent refuge dans des fermes où ils aident les cultivateurs dans leurs travaux, pour pallier certains membres retenus prisonniers en Allemagne. Les fermiers les nourrissent car, bien sûr ils n'ont pas droit aux cartes d'alimentation et autres. Plus tard, ces jeunes réfractaires viendront grossir les effectifs des maquis quand ceux-ci seront constitués, beaucoup trop parfois pour de modestes maquis peu habilités à recevoir cet afflux de jeunes non armés et n'ayant aucune formation militaire. Ils ont souvent constitués un frein voire une charge paralysante pour leur activité clandestine.

 

D'autres jeunes du STO peuvent aussi travailler en France dans des entreprises stratégiques pour les Allemands, celle qui a le plus recruté est l'organisation Todt dans la protection des côtes françaises dans un éventuel débarquement allié sur notre territoire, ils participent d'une certaine manière à la construction du Mur de l'Atlantique.

 

Les exemples de travailleurs concernés par le STO sont nombreux et variés, quelques exemples locaux montrent bien cette collaboration du régime avec l'Allemagne.

 

Ils sont allés travailler en Allemagne

Le cas de mon père semble ordinaire pour un travailleur du STO, je l'évoque car il ne m'a révélé son parcours qu'en 2002, c'est à dire pratiquement 60 ans plus tard quand j'ai commencé mes recherches…

--Robert Thiébaut  travaille depuis l'age de 18 ans comme couvreur dans l'entreprise Dupont de Gray chauffage et zinguerie. En novembre 1942 (il a 19 ans), un feu se déclare aux Casernes de Gray; il est accusé d'en être l'auteur sur ordre des Anglais... Libéré grâce à l'intervention des Pompiers de Gray et de son patron, il est inscrit en rouge  à la Kommandatur de Gray et à la gendarmerie.

Le 3 janvier 43 il reçoit l'ordre de  se rendre en gare de Vesoul le 19 du même mois à 8 heures, à destination de l'Allemagne.Le certificat d'embauche est tenu à sa disposition au bureau de son employeur. Pourtant sa classe n'est pas concernée par le STO. Des menaces sont proférées à l'encontre de sa famille si cet ordre n 'est pas exécuté. Il n'a pas d'autre alternative que de s'y rendre.

Ce 13 janvier 43, tout un train de wagons à bestiaux contenant des jeunes à destination de l'Allemagne quitte bien la gare de Vesoul, il vient de Dijon où d'autres jeunes de Côte d'Or ont été requis pour la même raison. Arrêt à Belfort puis Nuremberg atteint le 23 janvier, but ultime du voyage : l'usine MAN: Maschinenfabrrik- Augsburg-Nurmberg.            Image(04)

 On y construit le char  allemand Panthère puis le Tigre avec un blindage encore plus renforcé, c'est là à cette usine que Robert va y sacrifier toute sa jeunesse...

35 000 ouvriers travaillent à la fabrication des chars, entièrement construits dans cette usine ; un char sort toutes les 6 heures et traîne toute la chaîne qu'il fait avancer. Cette usine est évidemment la cible des bombardements de l'aviation alliée, américaine le jour et anglaise la nuit. Les dégâts sont parfois considérables mais la production n'est jamais arrêtée.L'usine comporte une cinquantaine de bâtiments-ateliers, ceux détruits sont remis en état peu de jours plus tard, alors que d'autres intacts permettent la poursuite de la production ; les ouvriers sont protégés lors de ces attaques aériennes, réfugiés dans des abris sous la gare de Nuremberg, avec des mètres d'épaisseur de béton au-dessus.

 L'électricité est alors  fournie par une centaine de camions...Des postes de DCA protègent pourtant l'usine mais la ville sera tout de même détruite à plus de 60 %.

Une locomotive s'est un jour retrouvée sur le toit d'un hangar de la gare toute proche de l'usine, balancée là haut par le souffle de l'explosion d'une énorme bombe qu'un avion avait larguée sur l'usine.

Le camp  pour les travailleurs du STO est totalement différent d'un camp de prisonniers, pas de barbelés, ni de gardes, pas plus que d'appels le matin.Ils sont munis d'un passeport et peuvent circuler librement, au moins dans le camp et les environs.                       Image(05)

d'Altenfurth près de Nuremberg se trouve à 12 km de l'usine, des rangées de baraquements sur des centaines de mètres, mais pas de barbelés. A l'intérieur, des dortoirs pour une quarantaine de personnes, 3 lits superposés; une moitié travaille le jour, l'autre moitié la nuit, de 18 heures à 6 heures du matin, les horaires alternant toutes les semaines.

La popote est quelconque, une soupe sans goût avec des patates à la peau dont les épluchures déposées dans des bouteillons constituent un mets de choix pour les prisonniers russes, qui eux ne travaillent pas à l'usine, mais sont au nettoyage.

Le courrier est quasiment libre même si certains colis sont parfois contrôlés.     Image(06)

L'usine cesse définitivement sa production de chars à l'arrivée des Américains. 8 jours d'attente au camp avant de quitter l'Allemagne en raison des formalités administratives et surtout de la remise en circulation des voies ferrées. Le retour se fait en trains à bestiaux comme à l'aller. Déporté en Allemagne comme travailleur en umsine le 18 janvier 1943, mon père sera rapatrié le 13 mai 1945, il avait alors 22 ans. Il aura laissé 28 mois de sa jeunesse en Allemagne…   Image(07)

 

--Le cas d'André Asdrubal est similaire à celui de mon père, mais diffère dans son origine et sa conclusion. André demeure à Talmay où ses parents tiennent la ferme du château, il est de la classe 42, il doit rejoindre l'Allemagne comme ouvrier du STO dans le cadre de la relève : le retour d'un prisonnier français contre le départ de 3 ouvriers en Allemagne.

La date de son départ connue, en juin 43, la valise est prête, mais pense échapper au STO comme beaucoup d'autres l'ont fait avant lui. Problème, la gendarmerie de Pontailler est trop zélée voire collaborationniste, elle demeure  méfiante lorsqu'un départ pour le STO est annoncé. Deux de ses gendarmes viennent rechercher André chez lui trois jours avant la date .-- S'il se sauve, on prend deux de ses frères et son père--...
 André est alors conduit en car, assisté de trois Allemands en armes, quai Gaillot à Dijon où il subit visite médicale et autres formalités indispensables pour un départ vers l'Allemagne. Quatre jours plus tard un train complet quitte la gare de Dijon chargé de 300 autres jeunes de la même classe, dans les traditionnels wagons à bestiaux.

Dans ses papiers, une destination : Vienne en Autriche. Premier arrêt à Mulhouse pour un casse-croûte, il leur est accordé un peu d'argent allemand: 5 Marks et quelques Pfennigs. Second arrêt à Stuttgart vers les minuit, tout le monde descend pour reprendre un autre train. Le lendemain matin après avoir traversé la grande plaine munichoise, le train atteint Linz à 180 km de leur but. On leur attribue leur affectation : pour André au numéro matricule 44169, c'est Eisenwerk. Son métier, contrôleur-ajusteur, il participe à la fabrication de la plaque avant du plus gros char allemand :  « le Tigre 22 », 22  pour 22 cm d'acier...

Pour un travail de 12 heures d'affilée à partir de 6 heures du matin ou du soir, 6 jours sur 7, André touche une solde de 69 Pf de l'heure. S'y ajoute quelques Marks du marché noir qu'il fait avec son chef, avec lequel il entretient de bonnes relations…

Il peut se vanter d'avoir côtoyé le Maréchal Goering en personne lors de sa visite de  l'usine ; il est désigné pour faire briller le Tigre, à sa sortie de la chaîne, pas une poussière ne doit ternir l'éclat du char lorsque le Maréchal s'en  approche.

Au bout de 10 mois d'activité, il sollicite de ses supérieurs l'autorisation de rentrer en France, suite à la maladie de sa mère. Un certificat du Dr Hugard mentionnant l'état alarmant de sa mère qui réclame la présence de son fils avant de mourir, reçoit l'approbation du commandant du camp qui lui accorde une permission exceptionnelle d'une semaine, avec cette félicitation spéciale formulée dans un excellent français : Vous êtes le premier Français à formuler une telle demande, vous avez ce sens de la famille que les autres n'ont pas...

Bien entendu le retour à Linz n'a jamais été envisagé, pas même la moindre seconde. Par peur des dénonciations il quitta Talmay pour rejoindre ses cousins dans les Vosges.

 

--René Barthoulot de la classe 41 voit arriver au printemps 1943 sa feuille d'engagement pour le STO tomber à la mairie de Marpain, il est le seul du village à devoir travailler en Allemagne. Déclaré apte à sa visite médicale, il est envoyé quelques jours plus tard en Tchécoslovaquie, plus précisément à Reichenberg dans les Sudètes. Chauffeur de camions, il transporte des tôles pour les usines allemandes. Satisfait de son travail qui lui rapporte quatre fois ce qu'il gagne en France, il veut tout de même rentrer en France retrouver sa jeune épouse et sa fille née en mai 43.

 A la mi-juin 43, la lettre certifiant l'état critique de son épouse (la dérogation au retour provisoire  est encore accordée), nécessitant sa présence au plus vite à Montrambert permet ce retour pour une durée de 8 jours. Il lui est même accordé un chèque en valeur de 10 000 frs à toucher à Dole pour le travail accompli, il n'oublie pas d'échanger environ 1200 frs en argent liquide allemand.

Leizig-Paris en train par Poznan puis Pagny sur Moselle près de Metz (en territoire allemand, puisque la Lorraine a été annexée à l'Allemagne par décision d'armistice imposée par Hitler), contrôle de la douane : -- permissionnaire, papiers en règle mais ces marks ne peuvent circuler, vous devez les déposer ici, on va vous faire un reçu ; vous récupérerez votre argent à votre retour de permission --.

Tant pis pour les 1200 frs  car il n'est pas question de retourner dans les Sudètes, la vie en famille vaut bien quelques reichmarks. Un problème se pose pourtant avec l'administration française : pas de papiers concernant René Barthoulot donc pas de cartes d'alimentation, et autres…

Le maire du village lui fait une carte d'identité à son nom mais avec une fausse année de naissance Au lieu d'y inscrire 1921, il fait noter l'année 1920, dont la classe n'est pas concernée pour aller travailler en Allemagne. Domicilié à Pesmes, il trouvera un poste d'ouvrier plâtrier payé 100frs par semaine, bien peu vis à vis de son salaire à Reichenberg…

 

--Un cas presque identique, celui de Roger Mouillot de Pontailler. De la classe 42, il est envoyé comme requis pour le STO, à Waldhof près de Mannheim. Il travaille dans une fonderie qui fabrique des pièces pour l'armement, surtout dans la marine. Il y est bien, son emploi du temps lui convient : 7 h -12 h et 2h-6 h l'après-midi, puis retour au Lag (le camp) après une heure de marche, le reste du temps il est libre. Il dort dans un Lag pouvant contenir 200 hommes, sur des paillasses individuelles, et gagne 1 Mark de l'heure.

Au décès de son grand-père, sa tante le fait passer pour son père et a droit à une « Urlauf » (autorisation) d' »Eine Woche » (une semaine). La Woche écoulée, pas de retour en Allemagne ; recherché par la zélée gendarmerie de Pontailler, dénoncé par un milicien, il n'a pas d'autre solution que de gagner le maquis de Perrrigny sur l'Ognon comme le feront de nombreux réfractaires du STO..

 

--A Pagney deux jeunes René Guillaume et son copain Robert, sont requis pour aller travailler en Allemagne. Robert se présente comme ouvrier agricole, il est envoyé pour travailler dans une grosse ferme allemande, René le voit tristement partir dans une bétaillère. Quant à René institué bûcheron, il est déclaré ouvrier spécial, il ne va pas en Allemagne et reste  dans le secteur !.. Les Allemands l'embauche dans l'entreprise Dubuc de Dole spécialisée dans la distillation du charbon de bois pour en faire de l'alcool méthylique utilisé comme carburant pour leurs avions. Il coupe du bois sans grande conviction. Le rendement demeure faible, car le bûcheronnage n'est pas sa spécialité, mais il lui demeure en France…

 

Les Réfractaires au STO

 

Il y a bien sûr, et ils sont majoritaires tous ceux qui refusent de partir travailler en Allemagne. Les motifs sont variés.

--A Pontailler tous les jeunes de la classe 42 sont convoqués par le maire Mr Boitteux pour la réquisition du STO. Pour leur éviter de se rendre en vélos à Dijon, lieu de la rencontre avec les autorités concernées, le  maire affrète un car pour leur transport. Après les discours d'usage,les modalités de départ : visite médicale, signature d'engagement, délivrance d'une prime de 1 000 frs, paire de godasses offerte.

Mais pour ces jeunes le refus d' aller est manifeste,  même avisés des risques encourus. Sur les 71 jeunes du canton requis, un seul se présente au car, les autres rentrent chez eux ou vont se cacher. Le lendemain même du rassemblent, les side-cars allemands sillonnent le secteur pour rechercher les volontaires, pour le moment sans succès...

 

 --Georges Brun de la classe 42 passe bien sa visite au centre de Vesoul, il est déclaré apte pour son départ en Allemagne. Le directeur des Services Agricoles de Vesoul passe ses vacances à Malans ; une bonne occasion pour Mr Brun père, d'aller le voir. Résultat : Georges est inscrit à l'Ecole d'Agriculture d'Andelarre, nouvellement ré-ouverte, sous une fausse identité bien sûr, du printemps 43 à la fin de la saison. Il revient à Bard chaque semaine pour le dimanche, le ballot de linge sale dans le dos. Il est arrêté, en même temps que son copain Beck de Valay, par des Allemands en auto qui les prennent pour des Terroristes : linges ? Maquis ? Papiers…

Les Soldats allemands les laissèrent repartir si bien que Georges ne fut plus autorisé à rentrer à Bard pour le dimanche. Peu importe à Granvelle, à quelques coups de pédale de l'école, il fait la connaissance d'Irène qui devint plus tard son épouse. Plus tard, il sut se faire oublier et ne se montra jamais quand les Allemands firent leur apparition à Bard.

 

--André Lheureux, fils du maire de Venère est lui aussi requis pour le STO ; Les gendarmes de Gray l'avertissent : --planques-toi, tu es recherché --. Pendant plus de deux mois, André se réfugie dans les bois, ne descendant à Venère que pour le ravitaillement. Il va vivre ensuite chez ses oncles, quelques centaines de mètres plus bas, sans avoir vraiment été inquiété par les gendarmes ou les Allemands de passage.

--A Montagney le sort de Félix, l'ouvrier de la famille Bœuf à la coopérative laitière, est entre lesœ mains de son patron. Pour qu'il ne parte pas en Allemagne, Mr Boeuf fait engager son fils Michel comme ouvrier à la boucherie de Pierre Morel et prend Félix comme employé à la fromagerie. Ainsi, en raison de cet emploi Félix peut rester à Montagney, et fabriquer de nombreuses meules d'emmental.

 

--A Rouffange, la famille d'Emile Jouffroy a une connaissance au secrétariat de la Kommandatur de Dole. Son dossier est simplement retiré du contingent des requis pour le STO. Il n'a jamais été inquiété et a toujours conservé sa convocation pour sa visite au centre de Dole...

--Gilbert Thielley de Pagney passe la visite à Dole auprès de toubibs français qui le déclarent inapte : palpitations cardiaques mais le docteur allemand le réexamine après les 15 jours de repos exigés, au dispensaire cette fois, il n'y a que des docteurs et des militaires allemands armés de mitraillettes. Tout a bien changé, même le diagnostic final : André est déclaré apte pour le STO. Le paquetage dans le dos, comme pour tous les autres jurassiens, ils remontent la Grande Rue à Dole, en rang par 4. Une petite ruelle, les Allemands regardent ailleurs, la fuite à travers Dole sans avoir été repéré. Caché chez lui quelques jours, il reprend la vie d'avant mais 3 semaines plus tard, il est repris par des gendarmes de Moissey, venus rendre visite à ses parents : -- J'ai un avis de remise immédiate aux Autorités Allemandes pour votre fils André, je ne l'ai pas vu, qu'il ne se montre plus --. Ce sera le dernier conseil du gendarme Michel qu'il leur donnera ; il sera tué au guidon de sa moto décorée d'un superbe drapeau tricolore, à l'entrée de Montmirey le Château, aligné par un collier de chien, le 9 septembre 44. Il venait annoncer la Libération de Dole.

 

La mission de Restauration Paysanne de Joseph Fimbel

Les réfractaires au STO  venus de toute part, des gens qui ont fui les régions occupées, se retrouvent dans les fermes où ils aident à l'exploitation remplaçant ici un père, là un fils prisonnier en Allemagne. Un homme va les aider, au péril de sa vie, il s'agit de Joseph Fimbel.

Dans le cadre de la – Mission de Restauration Paysanne --, Joseph Fimbel devenu maire de Gray détourne l'objectif de développement de l'agriculture pour en faire un rouage essentiel dans le placement de réfractaires dans les fermes du secteur de Gray.

--Ainsi à Chaumercenne pas moins de 9 jeunes servent de commis dans les exploitations agricoles. La famille Straub en emploie 4 : Bernard Passard d'Arc, André Bermont, André Vatelier et N. Lamblin, chez Gaston Vagnaux on trouve Marcel Girardey, Louis Mourand dispose de Maurice Meyer de Belfort pour l'assister à la ferme, Joseph Lambert de Raymond Monny, Edmond Voilly de Pierre Petaize de Belfort, Louis Fraumont dont ses deux fils sont prisonniers de Albert Bresson, un grand frisé.                                                                                                       Image(08)

 Une telle arrivée de jeunes dans un village suscite des conflits, des jalousies dont hélas certains en seront victimes. Il en est de même dans les villages environnants, trop petits pour accueillir ces nombreux nouveaux venus. Il ne faut pas oublier que ces réfractaires, s'ils bénéficient du gîte et de la nourriture en échange de leur travail, ils sont tous recherchés par les Allemands directement ou par l'intermédiaire des gendarmes français. Leur sort comporte une part de danger permanent pour eux bien sûr mais aussi pour ceux qui les accueillent.

--Edouard Bari ne regagne pas son poste à la brasserie de Sochaux après l'autorisation donnée par les Allemands, pour voir son père gravement malade. Il prend le car depuis Besançon pour rejoindre Chaumercenne, puis gagne La Résie St Martin où il retrouve quatre autres réfractaires de Nommay (dans le Doubs), dirigés comme lui dans les fermes des environs de Gray. C'est toujours la filière conduite par Joseph Fimbel qui rapproche ( et concentre) ici les réfractaires venus d'endroits rapprochés, mais éloignés de leurs familles. Edouard n'aura pas fait le voyage pour rien, peu après la guerre,  il épousera Renée Bullot, la fille du fermier qui l'embaucha...

 

 

Déconsidérés aux yeux de la population française pour avoir aidé l'Occupant dans sa lutte contre la France, pourtant les ouvriers du STO ont bien été  envoyés outre-Rhin par le gouvernement français. Les responsables de cette absurde situation ne sont pas ces jeunes travailleurs, ils n'étaient pas volontaires, on les a bien forcés à y aller, au nom d'une certaine loi promulguée par Vichy ; le STO. Ils ne seront jamais considérés comme ayant participé à cette guerre ; aucune indemnité financière ne leur sera versée, à quelque titre que ce soit...