B32 La station radar de Poyans
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- Catégorie : B3- De 1943 à juin 1944
- Publié le mercredi 13 mars 2019 20:47
- Écrit par THIEBAUT Alain
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La station-radar de Poyans
Au sud-ouest de Gray
C'est en juin 1942 que débutent les travaux d'une station-radar sur le territoire de Poyans, au nord du village. Pourquoi cette installation ?
Sûrement une décision de l'Etat Major Allemand de quadriller le secteur Nord-est de la France occupé, de petites stations-radar pour renseigner la Luftwaffe de passages aériens ennemis et faire décoller leurs avions des aérodromes du secteur, Tavaux et Dijon. De plus Poyans est désigné comme de centre de formation d'aviateurs.
L'Armée allemande d'Occupation s'approprie les terres au nord de Poyans cultivées par les habitants, plus d'une trentaines d'hectares de terres labourables ou en prés leur sont nécessaires pour installer tous leurs bâtiments militaires dont les 3 radars 2 sont mobiles que les gens du village nomment les paniers à salade et un fixe au nord.
Le camp de Poyans
La construction des bâtiments est confiée à la Société Française Marchand de Gray, pour le logement, les bureaux, la cantine, l'instruction… La protection du camp n'est pas en murs, mais en chevaux de frise, fils de fer barbelés déroulés tout autour du site, surveillée par des feldgendarmes accompagnés de chiens ; 2 miradors sont positionnés pour surveiller le site.
La population est aussi requise pour certaines activités, comme Jules Carteret dont une partie des terres qu'il exploitait a été annexée au camp. Avec son frère Marcel, ils sont embauchés par les Allemands à l'enfouissement des câbles reliant les postes radar au bâtiment central de communications. Jules conduit le tracteur au gazogène, Marcel guide la charrue tandis qu'un soldat allemand pèse de tout son poids pour bien faire entrer les 2 socs dans le sol et bien sûr le guider sur la position du câble. Deux passages sont nécessaires, puis le pic ; l'enfouissement du câble est d'environ 1m30.
Jules est aussi amené à labourer quelques terres à l'intérieur du camp (au sud-ouest) pour les petits jardins que cultivent les Allemands à la main verte.
Réquisition de prisonniers
Dès l'hiver 41, pour les tâches secondaires voire ingrates, les Allemands ont initialement embauché des prisonniers qu'ils ont fait venir à Poyans, une quarantaine Annamites : les petits Jaunes qu'ils les appelaient, peu doués pour le travail : ils chantent pour se motiver mais sans beaucoup de résultats. Leur travail est surtout dans les forêts avoisinantes. Ils doivent couper des arbres (à la hache) ; n'aimant pas se baisser, l'arbre est abattu à 40 ou 50 cm du sol… et il faut de suite se reposer, trop rapidement fatigués.
Les gens du village se sont toujours demandé la raison de l'exploitation de ces bois par les Allemands (la carbonisation du bois permettait l'obtention de carburant indispensable à l'aviation).
Ces prisonniers sont logés dans l'huilerie Carteret. Proches des habitants, ces derniers mettent tout en œuvre pour les faire fuir, leur procurant habits civils et nourriture. Une filière fut spécialement crée pour évacuer ces prisonniers, elle leur permettait de traversé la Saône du côté de Mantoche. Seuls 2 prisonniers n'ont pu fuir les lieux…
Les habitants de Poyans ont gardé en mémoire le souvenir de leur passage, le bois où ils manœuvraient fut appelé le Bois des Annamites.
Ils furent remplacés par des prisonniers français d'autres colonies qu'ils firent évader comme les précédents. Les Allemands abandonnèrent l'idée de confier ces travaux difficiles de bûcheronnage aux prisonniers. Les bois récupérés furent stockés dans le bâtiment, à l'intérieur du camp réservé à cet usage et servirent au chauffage.
Suite et fin des travaux
Pour l'alimentation en eau du camp, les Allemands récupère l'eau de source de Poyans qu'ils conduisent dans un château d'eau construit en avant du camp ; mais son usage n'est pas satisfaisant. Alors ils finissent par construire un énorme puits à l'intérieur même du camp. Il faut préciser que le camp doit recevoir près de 300 personnes dont environ 200 jeunes recrues de la Luftwaffe qui viennent ici en formation mais aussi se reposer.
L'enceinte proprement dite, point névralgique du camp, est située à l'angle des rues de la France et de celle d'Autrey dans le du camp. Il s'y trouve le central de communications dont beaucoup d'opératrices assurent les liaisons téléphoniques (un bâtiment surélevé dont il en existait encore des traces dans le champ), positionné tout près du radar tournant sud, et le centre d'instruction des jeunes recrues de l'aviation allemande ; 2 postes de garde sont installés sur les 2 rues d'accès pour le contrôle des entrées au camp. Jules, pour les tâches qu'il est souvent amené à faire au camp, doit déposer sa carte d'identité au poste et la reprendre en sortant.
Au sud-ouest du camp se trouvent les bâtiments d'intendance : les dortoirs, réfectoire, douches et infirmerie, et la prison... Plus au sud la centrale électrique qui alimente le camp mais aussi le village. Dans le camp, un bâtiment est spécialement réservé au stockage du bois de gazogène indispensable à leurs véhicules, dont profite Jules pour son tracteur quand il exécute des travaux au camp.
Les 3 radars sont disposés dans le camp mais hors l'enceinte, et continuellement surveillés. Ces antennes scrutent le ciel, le fixe est rectangulaire mesure 5 m de haut et autant en longueur, les 2 paniers à salade tournent continuellement, tout mouvement aérien dans le secteur est immédiatement repéré ; Si l'avion est ennemi, l'information est immédiatement transmise à la base de Tavaux ou de Dijon qui envoit ses chasseurs. La ligne téléphonique directe reliant Poyans à Tavaux était paraît-il excellente.
Cette surveillance aérienne est facilité aussi par les postes de guet de Montmirey le Château et d'Apremont qui leurs transmettent les informations. Cette proximité des postes et les antennes radar et la rapidité des informations auraient permis le repérage des avions alliés dans la nuit du 2 au 3 mars 1944, pour un parachutage sur le terrain de Velet, proche de Gray. Est-il resté le seul parachutage effectué dans ce secteur, secteur jugé trop risqué.
Début septembre 44, l'heure de la retraite allemande approche. La veille au soir, les Allemands préviennent les habitants qu'ils seront requis le lendemain pour démonter le camp. Ils songent à quitter les lieux mais les Allemands sont plus rapides qu'eux ; tôt le lendemain matin, ceux-ci se présentent devant les maisons pour conduire les hommes au camp. Les câbles entre le central et les antennes doivent être déterrées, Jules et Marcel sont mis à contribution avec leur charrue et le tracteur gazo, et toujours un Allemand qui les surveille, mais cette fois-ci, c'est pour qu'ils n'endommagent pas ces câbles, ils veulent les récupérer. A midi, ils ont interdiction de rentrer chez eux, les Allemands leur ont préparé à chacun ein Frühstuck...
Le travail reprend avec des Schnell, schnell (plus vite, plus vite)et des langsam, langsam (lentement,…) lorsque la situation est délicate : cela n'empêche pas de crever quelque fois le câble avec le pic, dès qu'on le voit apparaître dans la tranchée… Cette activité se poursuit jusqu'en début de soirée.
Au matin, Marcel Carteret et quelques autres assistent à la mise à feu du camp. Les planchers et plafonds en bois et toits en carton bitumé facilitent l'extension de l'incendie des bâtiments, les éléments stratégiques sont quant à eux dynamités. Les Allemands vidèrent les lieux peu après les explosions.
Et le maquis ?
Il existe déjà en 1943, proche de la station-radar de Poyans, un maquis local dont un habitant l'instituteur Julien Dubois est le responsable pour le secteur Autrey-Champlitte. Ce maquis pourtant actif et entraîné aux sabotages, n'a jamais tenté une seule action contre cette station, peut-être trop proche du village, redoutant aussi de violentes représailles contre les habitants.
Le village a ainsi vécu cette période au contact des militaires qui venaient chercher de la nourriture : œufs, poules et pommes de terre notamment, mais pas le pain, fait directement sur le camp. Pour remercier le ciel de cette vie tranquille, jamais mise en danger, sans aucun dégât aux maisons du village, il fut décidé au niveau du Conseil d'ériger une statue de la Vierge dans un endroit le long de la départementale à quelques mètres de l'ex- antenne fixe du camp. Cette Vierge de la Libération fut inaugurée le dimanche 22 septembre 1946 par Mgr Dubourg, Archevêque de Besançon, accompagné du vicaire général Piroulet, et de l'abbé Simonet curé doyen d'Autrey.
--Cette Vierge se trouve sur l'emplacement du camp de radio-repérage installé par les Allemands, elle prend ainsi la place des instruments de guerre, et continuera de protéger ceux qui l'ont choisi pour gardienne--, peut-on lire sur la Presse de Gray.