B52-L'attentat du 28 Août 1944 à Pesmes
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- Catégorie : B5- La fin de la guerre
- Publié le mardi 19 mars 2019 20:14
- Écrit par Super User
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L'attentat du 28 août 1944 à Pesmes
Situation à la mi-août.
Un peu plus de deux mois après le débarquement en Normandie, les Alliés sous le commandement du général Patch ouvrent une seconde brèche en France, en débarquant en Provence ; y participe un fort contingent français ou colonial autour du général de Lattre de Tassigny.
Les troupes allemandes reçoivent l'ordre de remonter dans le nord-est de la France pour arrêter la progression alliée vers l'Allemagne. Après la vallée du Rhône leur trajet passe par Dole puis Besançon ou Gray ou Vesoul. Les unités ennemies stationnées sur ce parcours doivent concentrer leurs efforts pour faciliter leurs passages, sont visés les maquis actifs depuis quelques mois que les Allemands cherchent à détruire ; celui de Saligney y a perdu la moitié de ses effectifs : 22 des 40 maquisards sont massacrés par des hordes de Cosaques et d'Allemands les encadrant.
Un maquis est particulièrement concerné dans le secteur de Pesmes : celui de Pontailler sur Saône. Menacé de liquidation, son chef Louis Chételat dit Commandant Noel l'a transféré le 20 août à Perrigny sur l'Ognon. L'arrivée à Gray de Klaus Worne au poste de Standortkommandant pose de sérieux problèmes ; officier allemand parlant très bien anglais, il avait infiltré un réseau de résistants avec l'identité d'un officier anglais dont il avait récupéré ses papiers. Cet individu devait être mis hors circuit, c'est l'objectif que s'est imposé le commandant Noël.
L'arrivée au camp de Perrigny de Maurice B.refusée au maquis de Pesmes (non encore installé dans le Gros Bois à Sauvigney, il ne le sera que le 1er septembre) semble l'occasion d'éliminer le chef de la Kommandatur de Gray. Maurice B, un jeune parisien dont la famille est originaire de Pesmes promet d'attirer l'officier allemand par la venue d'une belle réfugiée parisienne dont il est épris ; le lieu de la capture : le Bar du Centre à Pesmes.
Noël informe le maquis de Pesmes de ses intentions, opération risquée dont les conséquences pour le bourg pourraient être catastrophiques. Mais Noël passe outre de ces recommandations. L'arrestation est fixée au lundi 28 août vers les 2 heures de l'après-midi et curieusement beaucoup trop de Pesmois sont informés d'une opération dangereuse menée au Bar du Centre tenu par la famille Ferrut. Le mari tient le garage attenant au bistrot. Ainsi le jeune Michel F. rencontre Jacky R. « Comme tes grands-parents habitent derrière chez nous, à deux heures tu vas entendre une fusillade... ». Jacky refuse de le croire, Michel insiste : « les résistants vont tendre un guet-apens au boche qui commande la place de Gray, c'est sûr il va y avoir du grabuge ».
La jeune F. a peur de ce qui va arriver et en parle à Mlle Julien présente sur son balcon : « Il y a celui de la Gestapo qui vient presque tous les jours avant d'aller à Besançon, il va se passer des choses... ».
Les jeunes Roger L. et Pierre C. sont aussi au courant du coup de force qui doit avoir lieu chez Ferrut. Ils ont osé se présenter peu avant l'heure dite devant l'Aigle d'Or, pour assister au spectacle, ils quitteront les lieux à l'arrivée du véhicule des Allemands suivant le conseil d'Emile Prudhon le lieutenant des pompiers. Mr Mandret le percepteur est avisé lui aussi de l'opération,il faut dire qu'il est aussi un responsable du maquis de Pesmes. De son bureau situé dans un local des écoles, à côté de l'Aigle d'Or, il est aux premières loges.
L'opération
Ce 28 août, bien avant les 14 heures, deux véhicules déversent 6 maquisards de BDU3, nom de code du maquis de Perrigny dont les deux principaux chefs, Noël et Berger. Ils investissent le garage qui communique avec le bar , l'entrée principale du garage s'ouvre sur la route. A l'heure convenue une traction conduite par un chauffeur à casquette, un très jeune allemand (et non pas un espagnol), répondant au nom de Josef Krasser s'arrête devant le Bar du Centre. Klaus Worne et son chauffeur pénètrent dans le bistrot pendant qu'un 3ème homme, Maurice B. qui les accompagne reprend la voiture soit disant pour aller chercher Marie Louise la jolie réfugiée parisienne, mais plutôt pour ne pas à avoir participer au rapt ; il s'en va voir sa famille résidant dans le bas de Pesmes.
Les deux Allemands se rendent à une table ; visiblement tout est normal, ils déposent leurs armes à côté d'eux. La barmaid leur sert à boire puis se rend au garage et informe les maquisards de l'emplacement des deux hommes puis regagne la salle. Irruption des résistants qui mitraillent en direction des personnes attablées. La glace du bar vole en éclats, le chauffeur légèrement blessé lève les bras en l'air alors que l'officier essaye de prendre la fuite. Klaus Worne réussit à gagner le parterre mais le commandant Noël l'attend. Au lieu de le maintenir en joug pour l'arrêter, il l'abat froidement à bout portant.
Le jeune Feldgendarme blessé est soigné au maquis et participera pleinement à l'activité matérielle du camp, il se disait l'interprète de l'officier.
Si l'essentiel est fait à savoir l'élimination du commandant de la ville de Gray, il faut penser aux conséquences qui risquent d'être sérieuses pour le bourg de Pesmes et ses habitants. Le commandant allemand non rentré à Gray, la Gestapo va enquêter et se diriger immanquablement au Café du Centre à Pesmes.
A Pesmes, on craint le pire
Mr Mandret et le père Coindre nettoient le parterre à la grande eau pour faire disparaître les taches de sang. On charge Emile Prudhon de remplacer la glace brisée du café. Le maire de Pesmes Bourgeois arrivé sur place, conseille aux maquisards avant de quitter les lieux, de détruire quelques poteaux téléphoniques, ainsi il lui sera impossible d'avertir les Allemands de l'incident arrivé à Pesmes, Le café est fermé et on appose sur la devanture un carton avec la mention : fermé pour congés de vacances...
Le corps de l'officier allemand est ensuite enterré dans le bois de de Perrigny après qu'on lui ait enlevé ses habits militaires, pour une opération quelque peu étrange.
En effet une idée un peu folle trotte dans la tête du commandant Noel afin d'éviter d'éventuelles représailles au village : simuler le retour du Standortkommandant allemand à Gray…
Maurice B. revenu de chez ses parents prendra la place de l'officier allemand tué et portera ses habits, le Felgendarme blessé acceptant de conduire à nouveau la Traction de son patron. La voiture fera quelques passages à Gray devant la Kommandatur pour être bien vue des gardes allemands, Le faux commandant s'engageant à agiter la main devant ceux-ci…
La mascarade a bien lieu devant la Kommandatur de Gray, tout se passe comme convenu mais pas le résultat espéré…
La peur s'installe dans Pesmes
Pratiquement tous les hommes hormis le curé Bourdin et le maire Bourgeois, ont quitté le bourg dans la soirée, certains cachés dans les cabanes des jardins du bas de Pesmes, d'autres dans les villages environnants.
Le lendemain vers les 11h du matin, deux voitures légères s'arrêtent précisément devant le café du centre, des hommes de la Gestapo s'introduisent dans le bistrot alors que deux camions de soldats allemands sont préalablement déversés aux entrées de Pesmes. Ces hommes auraient déposé des grenades incendiaires dans les coins de rue...L'enquête piétine malgré la rudesse et les menaces proférées à l'encontre de la population. Aucun homme du bourg ne peut être interrogé ; un nom est cependant livré aux Allemands : celui d'un certain B. qu'on pense avoir reconnu...
Les Allemands sont alors amenés à se rendre chez Mr Vieille responsable de l'Hôtel de France qui a hébergé le fameux B. comme client de son hôtel. Questionné sur place puis conduit à la Kommandatur de Gray, Mr Vieille sera mis en arrestation puis à nouveau interrogé pour être finalement libéré, il fera le retour à Pesmes à pied…
L'enquête n'avance pas, les Allemands sont obligés de faire une impasse sur la disparition de leur commandant, heureusement pour Pesmes, aucun habitant ne sera pris en otage, de même qu'aucune habitation ne sera brûlée ; diverses interventions comme celles de Mme Croiset de nationalité allemande, ou la trop fameuse Mme Debacker qui accueillit les Allemands en 40, s'afficha publiquement aux bras d'officiers allemands pendant l'Occupation et quitta Pesmes en1945 sans jamais avoir été inquiétée par les maquisards (elle aurait travaillé pour l'I.S. (Services de renseignements anglais...)
Le commandant Noël
L'arrestation du Standortkommandant de la place de Gray constituait une menace certes sérieuse pour les maquis des environs , mais aussi pour le chef de BDU3, le fameux commandant Noël. Ce dernier pouvait facilement l'arrêter sans avoir à le tuer de deux balles dans la nuque. Mais ce chef de maquis à l'approche de la libération avait à éliminer beaucoup de ses anciens contacts surtout gestapistes.
Passeur de la ligne de démarcation en 1940 ce qui lui a permis de s'enrichir… et agent du 2è Bureau, mais aussi informateur de la Gestapo, il est surtout le responsable du démantèlement du maquis Louis Moquet de Larnod près de Besançon, qui coûta la vie à 17 résistants : 14 furent fusillés à la Citadelle de Besançon le 26 septembre 1943 dont le jeune Henri Fertet âgé de 18 ans.
Depuis le mois de juin 1944, il est le commandant Noël, l'incontestable chef du maquis du secteur de Pontailler sur Saône, apprécié de ses hommes pour son autorité et ses actions spectaculaires.
Arrêté fin septembre 1944 dans sa maison de Dijon, Louis Chételat alias le commandant Noël et autres, sera traduit devant la justice de Besançon, reconnu coupable et condamné fin mars 1946 aux travaux forcés à perpétuité.
Pesmes a failli brûler une seconde fois, au début de septembre 44, suite à l'attaque par le maquis de Sauvigney d'un convoi allemand qui demeura plusieurs jours à Pesmes. L'amiral commandant le convoi, en guise de représailles voulut brûler le bourg, ce qui décida certains du maquis à l'enlever.
Le guet-apens tendu par quelques résistants toujours au bar du centre, tourna vite à la farce ; ces derniers consommèrent au bar en attendant l'officier qui n'arrivait pas, la barmaid offrant toujours les boissons (sûrement pour ne pas revivre l'épisode du mois d'août) , nos braves hommes après réflexion, décidèrent de reporter cet enlèvement à une date ultérieure.
Pendant ce temps, Mr Bourgeois maire de Pesmes essaya de convaincre l'amiral que les responsables de cette attaque n'était pas du bourg, il s'attacha à le convaincre ; le déblocage de tickets d'alimentation arrosé de bonnes bouteilles de vin offert par quelques bonnes caves pesmoises, permis à l'officier de faire un excellent festin. Toute idée de vengeance l'avait quitté.
Le rapt fut finalement abandonné, d'ailleurs le convoi avait déjà quitté les lieux, l'amiral allemand aussi...