B53-Le Maquis de Pesmes

Le maquis de Pesmes

 

Les premiers Résistants

Au lendemain de la défaite française, la grande majorité de la population accepte la décision prise par son chef le maréchal Pétain de collaborer avec  les Allemands vainqueurs d'une guerre trop rapidement perdue. Pourtant quelques hommes refusent cette situation  et travaillent dans l'ombre. Résister leur semble une nécessité.

Leurs premiers actes consistent dès la défaite à faire passer la ligne de démarcation à des réfugiés qui veulent rentrer dans leurs villages, à des soldats de ne pas être repris par les Allemands. Des filières d'évasion sont ainsi créées à l'insu de la population, tissant des liens secrets entre des résistants de la première heure.

 

Marcel Magnin

Dans le secteur de Pesmes on doit évoquer le garagiste Marcel Magnin et Alice son épouse fille de Xavier Guichard l'ancien directeur de la PJ de Paris qui résident à Pesmes même si l'activité du couple reste à Dole. Capitaine de réserve, il est contacté par un officier français du Contre Espionnage le 20juillet 1940 pour  créer un réseau d'agents dans le Jura occupé et le Doubs, chargés de collecter des renseignements sur les activités allemandes dans le secteur. Son métier l'oblige à se déplacer : deux fois par semaine il franchit la ligne de démarcation pour transmettre ces renseignements à un officier du PC de Poligny, le lieu de rendez-vous est tout un programme : Le Restaurant des Messageries.  Image(01) Marcel MAGNIN

Le 26 juin 1941, on le charge de retrouver le drapeau du 310ème RI enterré en forêt de Toul, en zone occupée par les Allemands. C'est le premier  qui réintégrera l'Armée. Jusqu'à octobre, 5 autres drapeaux ou étendards ainsi que les archives de la 8ème Armée et des papiers secrets seront remis à l’État Major.

Marcel Magnin favorise l'évasion de quelques centaines de prisonniers. De 1940 à 1942 une activité de sabotage depuis son garage de Dole va mettre hors service 15 camions et deux chars garés dans son établissement.

Mis à l'écart par le gouvernement de Vichy, sa situation se complique , elle finit par être dangereuse voire catastrophique ; il est recherché par la police française et par les Allemands, traqué par la Gestapo.

En septembre 1942 lui et sont fils sont obligés de quitter le domicile en urgence : un agent de la Gestapo s'est infiltré dans son réseau, cinq de ses hommes ont été arrêtés. Le 3 octobre il quitte la zone occupée par le train de nuit en direction de Lyon, caché sur le toit d'un wagon pour passer la ligne de démarcation, rejoint par son fils caché dans le coffre d'une camionnette. Son épouse et sa secrétaire Suzanne Goizet auront moins de chance : arrêtées le 6 octobre 1942, elles seront déportées à Ravensbruck et libérées par les soins de la Croix Rouge le 27 avril 1945.

Fin 1942 il apprend qu'il est condamné à mort, ainsi que son fils Jean, par le Tribunal Allemand de Dijon. 

 Sans le sous, il trouve encore quelques personnalités qui lui ont fait confiance dès le début de sa mission, et lui obtiennent de  fausses cartes d'identité . Il réussit à obtenir un emploi au Service du Ravitaillement Général du Cantal le 1er avril 1943 et engage son fils comme employé à l'Hôtel du Parc sous une fausse identité. Il prend contact avec la Résistance  à Murat où il monte une officine de fausses cartes d'identité et de cartes d'alimentation en particulier à des réfractaires, 200 à 300 cartes de pain et autres denrées destinées aux maquis de la région.

Le 12 juin 1944,il assiste impuissant à l'attaque par un des maquis du coin de sa ville de Murat, le chef de la Gestapo de la zone sud est tué à ses cotés. 120 otages sont arrêtés, c'est par miracle qu'il réussit à sortir indemne de cette échauffourée.

 Après la Libération du Cantal, il est autorisé le 5 septembre 44 à rejoindre la 1ère Armée commandée par son ami le lieutenant-colonel Georges Bouvet  pour continuer la lutte. Il arrive avec son fils à Pesmes le 11 septembre, jour même de la libération du bourg. Puis les Vosges, Belfort, la Campagne d'Alsace et enfin la For^t Noire. Blessé le 29 avril 1945 à Stauffen, l'armistice signé le 8 mai, il part avec son fils pour Ravensbruck retrouver son épouse et sa secrétaire internées dans le camp.

Ce n'est que le 12 juin 1945 qu'il les retrouve, non pas à Ravensbruck car elles furent évacuées par la Croix Rouge suédoise ainsi que 300 autres femmes internées du camp mais à Malmoe. Leur expédition se termine le 18 juin 1945 à Paris .

Marcel Magnin  a été fait chevalier de la Légion d'honneur, décoré le 21 mai 1945 par le Général De Gaulle à Constance(en Allemagne) de la Croix de guerre : 4 citations à l'ordre de l'Armée. Il est titulaire de la médaille de la Résistance.

Son épouse Alice  a reçu la Croix de guerre à l'ordre de l'Armée et la médaille de la Résistance, sa fille Suzanne la Croix de guerre à l'ordre de la Division, son fils Jean : la Croix de guerre à l'ordre du Régiment avec 2 citations et la médaille de la Résistance.

 

Henri Mengel

Un homme de l'ombre doit être mentionné dans ce secteur de Pesmes. Tout le monde le connaît bien et le côtoie à Montagney où il réside, et dans les environs, mais personne ne sait son activité de résistant et de meneur d'hommes, pas même après la guerre. Il s'agit d'Henri Mengel, beau-frère du laitier Ambacher. Professeur de dessin, il peint la nature, les oiseaux et les animaux. On lui doit le renard sur la boite de camembert de son beau- frère :Au fin renard. Il prend souvent le car pour Vesoul. Comme il le dit si bien , je vais voir mes Julie.

Capitaine d'armée, il est démobilisé en février 1941, sans emploi. Son temps, il  le consacre à la recherche du renseignement pour lequel il effectue de nombreux voyages en zone interdite, franchissant de nombreuses fois la ligne de démarcation. Il contacte des hommes sûrs pour son réseau tels Marcel Magnin le garagiste de Dole, Pierre Thevenon le maire de Chaumercenne,….

Ses déplacements le conduisent  à Poligny où il se rend régulièrement mais aussi à Dole, Besançon ou Belfort. Les objectifs principaux qu'on lui conseille de surveiller concernent les mouvements de troupes allemandes,  les activités de la Gestapo dans le secteur franc-comtois, la surveillance des gares centres névralgiques des armées d'occupation ...et bien sûr les personnes françaises collaborant avec l'ennemi.

Nommé chef de district au Ravitaillement Général de la Haute Saône, il a connaissance de tout ce qui se passe à Vesoul et au-delà, il peut ainsi monter un réseau d'agents et recruter des personnes sûres pour obtenir les renseignements indispensables. C'est lui qui recrute Marcel Magnin de Pesmes, acquéreur du garage Peugeot à Dole dont on vient de parler précédemment.

En 1942 sa zone de renseignements s'étend plus au nord, il est nommé pour regrouper les fiches de renseignements des agents sur le secteur de Langres et Chaumont et les transmettre à Troyes.

Son intense activité ne sera jamais connu des gens de Montagney, ni des environs. Elle se fera au détriment de sa vie familiale, sa femme Marie née Millot sera retrouvée noyée à Vesoul.

 

André Lamboley

Une autre personne du secteur constitue le pilier de la Résistance, André Lamboley de Pesmes

Ingénieur TPE, Chef des Ponts et Chaussées pour le secteur de Pesmes, Marnay et Gy, il voyage beaucoup.

Réformé après sa visite passée  pour le conseil de révision, il réussit pourtant à intégrer l' Armée française, par un engagement en mai 1940 au 6ème régiment du génie à Angers. Démobilisé, il refuse la collaboration avec l'occupant prôné par le gouvernement de Pétain, entrant dans le-- Réseau Kléber-- en décembre 40, sûrement par l'intermédiaire de Marcel Magnin, sous le nom de guerre : François Joseph. Plus tard quand il embauche François Guillemot comme cantonnier-chef aux Ponts et Chaussées, puis  le nomme chef du maquis de Pesmes, ce pseudonyme soulèvera quelques problèmes entre les deux hommes puisque François et Joseph sont les prénoms dans le bon ordre de Guillemot, plutôt risqué pour ce dernier….

Passé à-- Défense de la France --, il est un agent qui distribue tracts anti-allemands pour tenter de modifier l'esprit des gens, leur montrer qu'une résistance à l'occupant existe bien ; il fait évidemment passer des prisonniers évadés organisant ainsi des filières dans la Haute Saône, le Jura et le Doubs.

Discrètement il recrute des gens qui pourront lui être utiles plus tard, dans les villages du coin, ils constitueront l'ossature du futur maquis de Pesmes.               image(02) André Lamboley chef à Gray

 En mars 44 il est nommé capitaine FFI et placé à la tête des maquis de l'arrondissement de Gray. Après le débarquement de Normandie, les maquis se montrent alors actifs, il délègue se pouvoirs à François Guillemot pour diriger le maquis de Pesmes.

 

François Guillemot

François Guillemot est un militaire, démobilisé après la défaite française, il est nommé sergent-chef de l'Armée d'Armistice. Appartenant au groupe de résistance –Combat-- à Valence dans la Drôme depuis février 1942, il préfère rentrer dès février 43, en Haute Saône dans le secret espoir de rejoindre l'Angleterre. Il retrouve son épouse à Bard les Pesmes, nièce de l'abbé Sire, curé du village.

 En mars 43 grâce à Joseph Charpillet de Valay, il rencontre Barbier de Vesoul responsable du groupement – Défense de la France – qui le met aussitôt en rapport avec André Lamboley de Pesmes, juste après le départ en avion de Maroselli pour l'Angleterre.

Mr Lamboley le nomme à ses côtés, cantonnier-chef, aux ordres de son second Alphonse Brignon.

Homme d'action, sa première expérience de sabotage n'est pas une réussite mais en aucun cas il n'en est  responsable. Il est chargé de faire sauter l'écluse du –Tremblant -- à Hoeuilley, l'explosif lui est fourni à Chaumercenne par Alphonse Brignon qui est allé le chercher à Vesoul. Après avoir  repéré  les lieux quelques jours plus tôt, il se rend dans la nuit du 23 au 24 octobre 1943 à cette écluse. Il fixe le bidon de plastic à la porte aval de l'écluse du canal latéral  de la Marne à la Saône puis s'éloigne 300 m plus loin pour entendre l'explosion. Rien ne se passe,il rentre déçu à Bard. On saura plus tard que le détonateur ne fonctionnait pas sous l'eau…. Le maquis de Perrigny se chargera en juillet 44 de la faire sauter, sous les yeux des Allemands qui la surveillaient...

Guillemot  se  charge de monter un réseau local, futur maquis de Pesmes.   Image(03) François GUILLEMOT

Il peut compter sur des hommes sûrs : à Pesmes les frères Charles et Albert Gauche , Roger Lafaille à Sauvigney, Georges Thevenard à Chevigney, Marcel Rabasse à Valay, Lucien Ruffy à Bard, Armand Gerbet et Camille Jarrot au Tremblois.

 Ce maquis de Pesmes est officiellement mis en place le 24 août 44 dans le Gros Bois, territoire de Sauvigney les Pesmes mais les premiers résistants y ont pris place depuis le début du mois d'août. A l'arrivée des premiers éléments américains, les maquisards quitteront les bois, et le 15 septembre on ne parle plus du maquis de Pesmes.

Après la libération du secteur de Pesmes, François Guillemot continuera son action militaire en s'engageant avec les troupes constituant le  le Régiment de Haute Saône. La Campagne d'Alsace jusqu'à la libération du territoire, puis l'Allemagne jusqu'à la signature de l'Armistice. Il terminera sa carrière militaire avec le grade de Lieutenant.

 

 

2-L'organisation du maquis de Pesmes

 

 Il s'est implanté dans le Gros Bois à Sauvigney près de l'étang Rabasse. L'emplacement de ce camp et du camp n°2 de repli ont été trouvés par Guillemot assistés de Lafaille, Rabasse et Thévenard. Il en est de même pour les terrains d'atterrissage sur le terrain Cuve à Sauvigney ou sur Vadans.

Des coupes faites dans le bois et des planches récupérés çà et là permettent de monter des tables  et des bancs pour les repas. Les couchettes sont rudimentaires (tentes) ou souvent, on dort à même le sol. Le mois de septembre pluvieux oblige les responsables à fournir des abris plus améliorés : on achète des bâches en plastic pour se protéger de la pluie, on fait appel aux cultivateurs pour obtenir des toiles solides et rigides (avec battes) utilisées sur leurs lieuses en échange de bons garantis par l'intendance du maquis. Celle-ci est assurée par Marcel Rabasse Virgile depuis son garage de Valay.

Pour la cuisine, des marmites, gamelles sont récupérées dans les villages. Celle-ci est assurée par René Thiebaut de Sauvigney assistée plus tard d'un prisonnier allemand à qui l'on  confie les taches ménagères et de préparation : au menu pommes de terre et viandes  distribuées et payées contre bons par Paul Jeandey et quelques agriculteurs, le pain par le boulanger Maréchal de Valay. Les artisans boulanger, boucher, meunier et autres sont sollicités pour la fourniture de pains, viandes, farines.… les agriculteurs pour les bêtes et les bâches. Toute ses marchandises sont acquises régulièrement, des bons sont délivrés à leur propriétaires.

 

Le transport s'effectue au moyen de véhicules particuliers à qui les Allemands ont accordé des droits de circulation. Ainsi Louis Bonnaventure de Brans convoie son patron André Lamboley avec le véhicule de fonction des Pont et Chaussées, une voiture camionnette Berliet gazo au bois qui rend l'âme lors de la fameuse équipée de Loulans les Forges, opération fatale aux deux frères Hollinger, ils reviendront avec leur voiture une 402  gazo charbon.

De même Charles Melou utilise le camion des frères Gauche pour des déplacement très spéciaux...Sinon les maquisards réquisitionnent les véhicules de particuliers pour lesquels ces derniers se trouvent hélas responsables de leur mauvais usage, aux yeux des  Allemands. Ainsi deux propriétaires de Valay Hippolyte Hug pour sa « Licorne » et Gaston Tardy pour sa Citroen « Rosalie »seront victimes de ces emprunts forcés qui auraient leur être fatales.

Jean Pellégrinelli chauffeur des Mont-Jura fera mieux. C'est son propre car qu'il amènera au bois de Lieucourt, il rendra service quand le maquis changera de camp le 8 septembre 1944 pour le transfert des prisonniers, ainsi qu'en d'autres occasions.

Pour leur toilette, les maquisards profitent de l'étang, l'eau ne manque pas surtout en ce mois de septembre pluvieux. S l'eau ne manque pas, le vin non plus ; les jeunes comme les vieux ont droit à de bonnes rasades de vin du cru, tiré directement d'une feuillette bien installée dans le camp.

Ils ne possèdent pas de tenue militaire seulement leurs habits civils et portent un brassard seul signe de leur appartenance au maquis.

Ces brassards sont confectionnés par Mme Colette Gauche et d'autres femmes de maquisards, celles-ci encourent de gros risques pour leur familles, en cas d' opérations de contrôles effectuées par les Allemands.

Pour les lettres D  et les croix de Lorraine à accrocher à leurs brassards, Charles Gauche contacte Marcel Vergon contremaître aux Forges de Pesmes pour la fabrication d' emporte-pièces nécessaires au découpage de celles-ci ; ce recrutement d'un civil et d'employés de l'usine  lorsqu'il est connu, provoque de vives réactions des responsables militaires du camp.

Les futurs maquisards doivent arriver avec une musette bien garnie en nourriture, et en principe munis d'une arme et de munitions.

Les jeunes réfractaires arrivés au camp  n'ont évidemment pas d'armement, c'est avec des armes factices, en bois, qu'ils apprendront la pratique militaire.

 Côté santé, l'infirmier Christian Gaunel fils du percepteur de Gray, assure les soins des blessés français comme allemands, assisté au camp par sa sœur Mireille nommée infirmière alors qu'elle vient juste de terminer ses études de bactériologie….         Image(04) Défilé infirmier Gaunel à Gray

 Sur cette image prise lors du défilé des maquisard à Gray, le lendemain de la libération de la ville, on reconnaît derrière les chefs Guillemot et Jarrot des maquis respectifs de Pesmes et de Cugney, Mireille Gaunel et son frère Christian infirmiers du camp.

Le docteur Girardot de Pesmes complète l'effectif médical du maquis.                        

Pour la transmission d' informations et de documents confidentiels, Suzanne Magnin et Mireille Gaunel  jouent les agents de liaison entre les maquis et leurs responsables, leur moyen de déplacement : la bicyclette, les papiers cachés dans le guidon ou  la selle, d'autres fois dans la pompe du vélo, il y avait toujours  sur le porte-bagages un panier rempli des marchandises ordinaires pour détourner l'attention des Allemands sur celles-ci. 

 Le maquis de Pesmes assure la garde de ses prisonniers. Ils sont parqués dans un enclos formé par quatre arbres reliés par un grillage de deux mètres de haut et des barbelés. Le problème sera tout autre quand le maquis de Perrigny sur l'Ognon leur enverra un contingent de plus de 100 prisonniers allemands, le 4 septembre 44, la majorité des ouvriers de la Banhof (Compagnie des chemins de fer allemande), dont il ne pouvait maîtriser la surveillance tant l'activité de leur maquis était importante.

Les premiers maquisards en poste au Gros Bois dès la mi-août sont tous équipés de leurs armes personnelles, mousquetons ou pistolets pour certains. C'est en groupe qu'ils arrivent au camp. Le groupe de Sornay composé des frères Pierre et Henri Lombardet, de Joseph Quenillet et d'André Courtois, tous disposant d'armes sont convoyés jusqu'à La Résie St Martin, en voiture et par les petites routes par un Mauperrin de Montagney. Ils passent la soirée dans une grange avant d'être accompagnés dans la nuit au camp, à travers bois ; C'est dans la deuxième semaine d'août.

Le groupe de Lieucourt : Charles Gay retrouve dans le bois de la Fresse, entre Chevigney et Vadans, Charles Gautherot et Camille Barberet de Valay. Ils y« barraquent »5 à 6 jours en attendant que le camp soit prêt, hélas sous la pluie. De plus Charles Gay n'ayant pas d'arme, ne rejoint le camp que 10 jours plus tard.

Dès le 15 août, les gendarmes de Pesmes et des environs  délaissent leurs logements et leurs fonctions pour gagner le camp, leurs familles trouvent habitation dans leur entourage. Les Allemands de passage à Pesmes occupent la Gendarmerie, ils la rendront en piteux état, ayant tout cassé, portes, fenêtres et bien sûr le mobilier, et pillé le matériel….

D'autres personnes viendront gonfler les effectifs du maquis, en particulier les jeunes hommes requis pour le STO et qui ne veulent pas aller travailler en Allemagne, certains réfractaires déjà réfugies dans des fermes des environs délaisseront les exploitations et rejoindront le maquis. Prévu pour une quarantaine d'hommes, le camp en comptait plus de 200 à la libération de Pesmes au 11 septembre, mais seulement une cinquantaine d'hommes armés… Guillemot dans son rapport remis au musée de la Résistance de Besançon fait un constat mitigé de cet excès d'hommes dans son maquis,-- cet afflux aspira les bonnes volontés, constituant une masse paralysante néfaste aux actions projetées par le maquis –, conclura-t-il.

 

 

Premières activités du maquis de Pesmes

 

Leurs premières actions contre l'Occupant sont modestes et réalisées par ceux qui disposent d'armes.

 Nuit du13 juillet

Quelques maquisards de Pesmes associé à celui de Cugney sabotent une dizaine de poteaux téléphoniques sur la route de Venère à Gray, la ligne de Berlin, prétendent certains habitants du village. En représailles les Allemands obligent les jeunes du village à assurer une garde toute les nuits de leur ligne jugée prioritaire, obligeant chacun à consigner sur un cahier les heures et jours de leur garde…

Ils en feront de même dans des circonstances plus dramatiques lors de l'assassinat à Pesmes du Standortkommandant de la place de Gray ce 28 août 44, pour interrompre toute communication téléphonique avec Gray.

Le 3 août

 Une manœuvre délicate et dangereuse est conduite chez les frères Albert et Charles Gauche, Des armes ainsi que des munitions sont entreposées dans une cabane de leur jardin, heureusement fermée à clef. Colette l'épouse d'Albert n'est pas au courant de cette cache. Le passage de ces importantes colonnes allemandes remontant de la vallée du Rhône se montre surtout plus fréquentes et menaçantes ; elles s'arrêtent le jour pour se cacher de l'aviation alliée et repartent le soir. Le chantier (la cour des Gauche )se remplit d'Allemands qui cherchent nourriture, soins et endroits pour se reposer.

La présence des armes dans le jardin constitue un réel danger pour les deux familles, il est urgent de les déplacer avant qu'une perquisition allemande ne soit faite pour une raison ou une autre.

Manœuvre dangereuse

Les hommes cachent les armes dans des sacs de bois destinés au gazogène du camion de l'entreprise et discrètement les montent au grenier servant de remise à bois. Les armes, c'est Colette qui s'en charge... Elle les cache au fond de son grand panier recouvert d'herbe, comme pour nourrir ses lapins. Un Allemand très courtois arrive au devant d'elle pour l'aider à porter sa corbeille, il faut dire que Colette doit bientôt accoucher. Le soldat prend une poignée, Colette l'autre et direction les lapinier . L'Allemand se retire avec les chaleureux remerciements de la dame qui en profite pour ramener le panier au grenier avec les munitions à l'intérieur….

Louis Bonnaventure  stationne au chantier avec le camion Berliet des Ponts et Chaussées, les Allemands sont là, eux aussi, quand s'effectue le chargement des sacs de fusils et munitions dans le container vide du gazo. Tout se passe bien, on remet le bouchon de liège comme si celui-ci est en fonction,.  il ne reste plus qu'à quitter les lieux.     Image(05) Camion Berliet avec les frères Gauche

Remarquez le petit sur le Berliet,  il s'agit de Bernard l'enfant dont Colette Gauche était enceinte, voir plus haut.

Pressé et quelque peu nerveux, Louis ne réussit pas à démarrer le gazogène. Albert Gauche avec beaucoup d'opportunité arrache une poignée d'herbe dans la cour et colmate la prise d'air ; le camion peut enfin quitter le chantier avec armes et munitions, à la barbe des allemands très admirateurs de la débrouille à la française mais qui ne contrôlent pas le chargement du camion. Armes et munitions sont conduites alors en un lieu plus sûr, une cache dans le camp qui n'est pas encore totalement installé.

 

Le 8 août 44,

Les responsables Guillemot et Brignon doivent assurer une liaison avec l’État Major de la région D, réuni à Aigney le Duc en Côte d'Or, en la personne du Colonel Monot. Le voyage se fait avec la camionnette des Ponts et Chaussées conduite par Louis Bonnaventure de Brans, chauffeur attitré de Mr Lamboley depuis mars 44.

Au retour le surlendemain, la camionnette est bloquée par deux éléments d'une imposante colonne motorisée allemande, qui roulent en sens inverse et qui stoppent après les avoir encadrés. Grande inquiétude dans la camionnette, surtout qu'ils reviennent d'Aigney avec une grande quantité de tracts,de bonnets et de brassards parachutés dans ce secteur. Louis présente son Ausweiss qui justifie son déplacement, les deux responsables assis sur la banquette arrière font un petit signe approbateur  à l'Allemand qui les contrôle et les fait circuler. Les motorisés font demi-tour et repartent. Un grand ouf de soulagement est poussé dans la camionnette qui regagne Pesmes, sans autres soucis...  

Pour ces deux opérations risquées et périlleuses où Louis Bonnaventure sera présent et efficace, le commandant de la 8ème Région Militaire, le général Olléris lui décernera le 31 octobre 1945 , une citation à l'ordre du Régiment comportant l'attribution de la Croix de Guerre avec étoile de bronze.                                                            Image(06) Citation de Bonnaventure

 

Ce n'est vraiment qu'après le parachutage réussi  le 1er septembre sur Sauvigney que le maquis de Pesmes exerce ses activités d'une façon plus intense, chaque résistant d'un Corps Franc dispose alors d'une arme et de munitions.

Le maquis doit lancer des attaques brèves et efficaces contre les arrières des convois allemands qui font retraite vers la frontière, un harcèlement et surtout pas d'affrontements. Ces convois venant de la vallée du Rhône empruntent depuis Dole deux itinéraires : le premier par Thervay pour se diriger sur Besançon, le second par Pesmes vers Vesoul par la D12 ou Gray par la N475. C'est à ces deux voies de circulation que les maquisards de Pesmes vont devoir concentrer leurs attaques.