B56-Les allemands se révoltent les 8,9 et 10 septembre 1944

Les Allemands se révoltent 8-9-10 septembre 1944

 

Préparation contre l'arrivée américaine

La progression rapide des troupes américaines constitue, aux yeux des Allemands, une menace contre leur retraite organisée vers la frontière. Aussi,  mettent-t-ils à contribution les populations pour freiner cette avancée ; dès le mois de juin les jeunes des villages sont invités à construire des fossés antichar.

Ainsi à Vielverge, ils sont rassemblés tôt le matin devant le Monument aux Morts. En colonne par 4 ils doivent se rendre au pont aux 4 piles, sur la route de Lamarche, sous la surveillance de 2 sentinelles fusil à l'épaule.

Des jeunes d'autres villages sont ramassés en camions venus d'Auxonne pour effectuer ces travaux de défense. Le fossé de 1,50 m de de profondeur sur 5m de large doit être creusé de part et d'autre du pont, côté Lamarche et doit bloquer le char voulant le traverser, le char ne pouvant prendre le pont qui aurait sauté peu avant.

Les travaux durèrent tant que les Allemands purent mobiliser du personnel pour  les surveiller.Tous les matins de 8 heures et demie à midi, jamais l'après-midi, les requis emportent le casse-croûte dans leurs musettes. Ils ne forcent pas trop sur le travail, la motivation fait défaut surtout que les sentinelles n'imposent pas de cadence soutenue. Ils en profitent pour prendre du temps à manger, qu'ils ont déjà entamé au cours de la matinée, sur le coup de 10 heures. -- Franciouses, beaucoup mangé et pas beaucoup travail--, ne cessent de répéter les surveillants du chantier.

Lorsque la retraite se fait de plus en plus pressante, les sentinelles ne pensent plus qu'à se préparer à quitter les lieux et en oublie de réunir les jeunes. Ces travailleurs de force venus d'Auxonne, de Soissons ou de Vielverge auront tout de même réussi à creuser, en presque 4 mois, un fossé antichar de 100 m de long, fossé dont on voit encore quelques traces actuellement.

Ce fossé antichar ne servit à rien, puisque les troupes américaines arrivèrent bien dans le secteur, mais par Auxonne, puis gagnèrent les Vosges…

Ils eurent aussi à construire un emplacement de canons à Vonges en allant sur Flammerans, une plaque circulaire bétonnée fidèle aux instructions de personnes dépendant de l'organisation Todt,  ces hommes arboraient le brassard jaune caractéristique.  Autre réquisition allemande : dans le secteur de Soissons, les jeunes sont requis pour garder  les voies de la ligne ferrovière Gray-Auxonne continuellement attaquée par les maquis locaux. En vélos (les Allemands leur ont spécialement attribué un pneu à cet usage…) pour rejoindre leur lieu de travail, ils doivent effectuer leurs patrouilles le long des voies, à pied bien évidemment. Une paire de galoches leur est allouée par l'occupant. Les départs toutes les 20 minutes, les actions des  deux patrouilles sont consignés dans un cahier déposé dans une salle infecte et pleine de puces, d'Athée. Les patrouilles se croisent, chacune une petite lanterne à la main, ce qui permettait aussi aux sentinelles allemandes de surveiller au loin leur travail.

Les trois journées des 8-9-10 septembre qui ont vu la Libération du canton sont riches en actions militaires et dures pour la population pleine d'espoir mais inquiète de la tournure prise par les événements.

 

Vendredi 8 septembre 44

 

Thervay en flammes

La journée s'annonce belle, un chaud soleil présent dès le matin même si un l'on peut craindre un orage en soirée. En début d'après-midi, Orchamps fête sa Libération à l'arrivée massive de compagnies de FFI ayant traversé le Doubs. Les Allemands ont quitté les lieux. Pourtant des groupes plus ou moins hétéroclites ou importants circulent sur la nationale 459.

Dès 14 heures 30 une traction noire venant d'Orchamps s'arrête précipitamment dans la cour de Mr Gravelle. Quatre maquisards dont un lieutenant en tenue en sortent, provoquant un remue-ménage phénoménal dans le coin. Un  soldat allemand s'enfuit d'une maison,  poursuivi par de jeunes intrépides du village voulant aider les FFI à retrouver l'individu. Il est abattu dans les roseaux près du ruisseau, il est alors dépouillé de toutes ses affaires.

Dans le restaurant Genestier, un officier allemand arrivé en Simca 5 et un autre en side-car  abandonnent leur plat de pâtes et s'enfuient par l'arrière ? Les deux  finissent par se rendre .  Délestés de leurs armes, ils sont chargés, mains libres, dans la traction pour être conduits à Orchamps. Au moment du départ ils s'échappent en ouvrant les portières arrière. L'officier est tué par une rafale de mitraillette, mais l'autre a réussi à s'enfuir. Livré à la population après le départ des quatre FFI, on ne lui laisse que ses habits de corps, même son alliance lui est retiré, puis de peur, on le cache sous un tas de fumier, tellement à la hâte que les pieds dépassent.

Vers les 15 heures 30, au carrefour avec la route de Saligney arrivent deux camions gazogène  venant d'Orchamps avec une quarantaine de maquisards à bord qui investissent le village. A peine arrivés ils tendent une embuscade à trois voitures et un camion. L'une prise sous le mitraillage des résistants va au fossé. L'officier se rend mais le chauffeur agonise au volant. Pour ne pas le faire souffrir davantage, le lieutenant français lui tire une balle dans la tête.

Dans le camion aussi immobilisé, trois Allemands sont tués, les autres ont pris la fuite.

A quatre heures une cérémonie est organisée au Monument aux Morts de Thervay en la présence de l'aumônier de la compagnie de Dole : l'abbé Boillon (futur évêque de Verdun). La Marseillaise est entonnée par tous, les filles du village offrent des fleurs aux libérateurs, le vin coule à flots ; Sauf que des jeunes arrivent en hurlant qu'aux moins six Allemands à pied, armés circulent sur la nationale. La chasse reprend, un Allemand est tué dans le village le long du ruisseau.

Vers les 18 heures 30 deux side-car font leur apparition venant de Montrambert. Deux maquisards postés vers la croix les alignent, un officier est encore tué mais les side-car font demi tour sur la route et repartent.

Des maquisards venus observer la situation sur Malans constate une effervescence anormale et décide de quitter les lieux. Une demi heure plus tard, des bruits de chars et de camions se font entendre sur la N459. Les habitants de Thervay ont depuis longtemps déserté les rues, pour beaucoup quitté le village pour se réfugier ailleurs enfermant leurs bêtes dans les écuries ; d'autres se cachent dans les caves de certaines habitations. La peur de représailles est  manifeste, on craint le pire. Les derniers maquisards à quitter Thervay le font sous le mitraillage d'un char qui les aperçoit trop tardivement. Le blindé fait demi tour et rejoint les deux autres chars rentrés dans le village et les deux camions de soldats. Une quinzaine de FFI n'ayant pu rejoindre les camions durent faire le retour à Orchamps dans la nuit noire et à pied.

Un blindé suivi d'une dizaine de soldats, les uns munis de mitraillettes, les autres de grenades incendiaires emprunte les deux  rues de la Creuse et des Aigeottes. Le feu d'artifice peut commencer. 24 maisons sont la proie des flammes, la plupart dont celles proches de la place sont totalement incendiées, les bêtes enfermées ont péri d'abord asphyxiées puis brûlées .  Images(01) : Thervay incendiée    Un récit plus détaillé et explicatif est donné, voir sur le site dans Menu   Image(02) : Thervay incendié             Image(03) : Thervay incendié                                                                                       

Au matin tout est désolation, Des maisons se dégagent encore des flammes ou des fumées noires, une odeur pestilentielle se dégage due essentiellement aux carcasses de bêtes qui se consument. Les gens sont abattus, marchant hagards dans les rues sans but, ou restant prostrés sur le devant de leur maison. Toute une vie pour rien…

Pire encore, on découvre le long de la nationale le corps sans vie d'un jeune du hameau de Balançon : Pierre Geley tué d'une balle en pleine tête. Pourquoi ?

Thervay sera déclaré village martyr en 1947…., les premières reconstructions démarreront début 1949….

 

Samedi 9 septembre 44 

 

Dole, une ville martyre ?

Il est près de 7 heures quand un imposant convoi de camions tirant des canons, d'automitrailleuses, de chariots camouflés sous des branchages tirés par des chevaux et de véhicules légers se présente au pont de Pesmes. Il représente toute la garnison allemande de Dole qui a vidé les lieux vers les deux heures du matin. Son arrivée au pied de la côte de Chaumercenne est fêtée par un mitraillage très nourri des Spitfire de la RAF obligeant l'arrêt du convoi et la fuite éperdue des Allemands et des Russes vers les bosquets et fruitiers bordant cette route. Mais elle permet la libération tant promise de l'émissaire du Commandant Roger auprès du capitaine allemand de la garnison de Dole. 7 heures 30 pour faire 29 km avec 33 arrêts en cours de route  et 3 mitraillages de la part des avions alliés….

Ils ne sont pourtant pas les derniers soldats allemands  à quitter le territoire du Jura avant d'entrer en Haute Saône.

Dole est donc libérée puisqu'il n'y a plus d'Allemands dans la ville. A 8 heures, la ville est en fête mais le danger qui la menace est d'une ampleur inimaginable. Le ciel est couvert d'un nuage de bombardiers énormes, une centaine au moins, encadrés par des avions chasseurs pour les protéger, le bruit est infernal. Ils volent à vitesse modérée, ils virent au dernier moment avant de survoler Dole. Des informations parvenues au dernier moment, par radio (ou par des fusées lancées depuis le sol), évitent à Dole de recevoir un déluge de bombes et sûrement de nombreux morts parmi la population en liesse qui agite des drapeaux tricolores et américains. Dole s'en tire à très bon compte.

A quelques km de là, un autre lieu va endurer la folie vengeresse de soldats assoiffés de sang et de haine. Il s'agit d'Orchamps pourtant libéré la veille par une centaine de maquisard FFI et FTP qui y ont passé la nuit

 

Orchamps aux mains des Allemands

Orchamps en fête le 8 septembre après-midi après l'arrivée de ces libérateurs se réveille au matin du 9 sous la mitraille et dans les flammes. Dès les 7 heures, un convoi de camions remplis de soldats venu de Sermange prend position au-dessus du village, sans rencontrer la moindre résistance ; les maquisards qui gardent l'entrée du village ont quitté leurs positions pour prendre leur petit déjeuner avec les autres au centre du bourg… Ils ont du croire qu'ils n'y avaient plus d'Allemands dans le secteur, Orchamps avait été libéré la veille !.

Dissimulés sous des bâches, les soldats allemands descendent tranquillement les vignes. Les premiers investissent la scierie Vacheret, liquident les frères, ardents maquisards FTP, sous les yeux de leur mère implorant la grâce pour le dernier trop jeune pour mourir, ainsi que deux autres . Ils mettent le feu à la scierie au moyen de grenades incendiaires, refusant qu'on dégage les corps des maquisards tués.                                                                       Image(04) : Stèle à Orchamps

Le feu est mis aussi à quatre fermes du village, celles-là ayant hébergé les quelques 200 maquisards  pour cette nuit...Mais ce n'est pas tout, ils occupent tout le village, faisant 43 otages parmi les hommes, enfermés dans l'après-midi dans la salle d'attente de la gare, chacun porteur d'une botte de paille… Oradour sur Glane est dans la tête  de tous les otages. Surpris par la rapidité et la violence de l'ennemi, les maquisards sont obligés de quitter Orchamps et de se replier de l'autre côté du Doubs.

Vers 16 heures, des chars américains font leur entrée dans Orchamps, manifestant leur présence par série de canonnades dans le centre du bourg. Les Allemands prennent la fuite par le nord, essayant de rejoindre leurs camions dont certains furent détruits par les avions alliés qui n'avaient pas voulu mitrailler le village occupé par les troupes nazies mais surtout abandonnant leurs représailles envers la population, permettant ainsi aux 43 otages de retrouver la liberté.

La raison du retour des Allemands à Orchamps peut-être invoquée comme des des représailles aux attaques de ces mêmes maquisards contre les Allemands la veille à Thervay. Incendier 24 maisons ne constituait des représailles que contre les habitants, mais leurs auteurs, ils savaient où ils étaient, où ils ont dormi puisqu'ils ne brûlèrent que les maisons les ayant hébergés. On les avaient bien renseignés, ils ne voulaient pas manquer ça….

 

 

Chaumercenne occupé par les Cosaques

Tôt ce matin, le village voit arriver une harde nombreuses de soldats hargneux, vindicatifs qui se dispersent dans les rues du village. Ce ne sont pas des soldats allemands, mais des Cosaques intégrés dans l'armée allemande. Ils sont utilisés pour les basses œuvres, particulièrement contre les maquis qu'ils doivent neutraliser, Saligney en a fait les frais le 27 juillet 44. Leur cruauté est sans pareille ; on les a vus découper une cuisse à un cheval qui était encore en vie...

Ils recherchent les chevaux pour leur faciliter le voyage. Au village certains cultivateurs ont pris les devants, ils les ont mis à l'abri, à la lisière des bois ou dans d'autres villages hors des voies de retraite des Allemands. Mitraillette contre le ventre, certains cèdent leurs chevaux pour sauver leur vie. La réquisition des animaux et des vélos est brutale, des coups de feu d'intimidation se font entendre ; une heure plus tard, tous les chevaux volés dans les fermes sont rassemblés dans une cour.

C'est précisément l'heure à laquelle François Vouillot vient quotidiennement chercher le lait des cultivateurs de Chaumercenne pour l'amener à la laiterie de Montagney. Averti de la présence des Cosaques au village, il laisse son cheval et la voiture à planches au bas de la côte et se rend à pied au point le plus haut de la route pour se rendre compte de la situation. Il assiste au rassemblement des chevaux dans l'affolement général et sous les hurlements de ces soi-disant soldats qui courent dans tous les sens.La situation ne le rassure pas du temps, il fait demi-tour, décharge ses bidons de petit lait, sur place, et rentre à Montagney sans avoir fait sa tournée. Dommage pour les gens du village car tous ces maudits Cosaques débarrassent aussitôt le pays, au grand soulagement de la population, malgré la disparition d'une dizaine de bêtes.

Le calme revient à Chaumercenne jusqu'en fin d'après-midi. A six heures du soir, un groupe d'une dizaine d'Allemands prend position à l'entrée du village. Les hommes installent un canon antichar en plein milieu de la route. L'ont-ils trouvé mal placé, ils le réinstallent au niveau de la maison de Gaston Vagnaux, canon dirigé côté Pesmes.

Les gens habitant le long de la rue de Pesmes prennent peur et partent se réfugient dans les caves des maisons situées à l'écart, comme au château ou chez Thevenon. Ils n'en sortiront que le dimanche matin pour se rendre à l'église assister à l'office dominical.

 

Montmirey le Château : mort du gendarme Michel

Un convoi important fortement armé parti dans la nuit, après la garnison de la place de Dole, rassemble des groupes hétéroclites disséminés dans le secteur, véhicules légers comme chariots attelés à des chevaux, cyclistes side-cars, blindés légers mais aussi des camions tirant des pièces d'artillerie, une bonne centaine d'hommes. Cette colonne circule beaucoup la nuit pour éviter les mitraillages d'avions alliés, empruntant le plus souvent possible les petites routes . Cette colonne venue par le chemin de Champagney fait une halte à Montmirey le Château pour se rendre à Pesmes. Elle est la dernière à quitter le Jura.

Aussitôt des soldats allemands mettent en place des défenses contre une possible agression;ils installent trois mitrailleuses aux entrées et sorties de Monmirey, piquent des billes de bois chez des habitants qu'ils disposent deux en long et une en travers, la mitrailleuse dessus. Arrive de Dole  un motard  avec un drapeau tricolore fixé sur le guidon. C'est le gendarme Lucien Michel (de l'ex- brigade de Moissey). Arrêté par un villageois dès le bas de la côte, celui-ci l'informe de l'importante présence allemande en haut. Négligeant ses conseils, Michel remonte sur sa Terrot et profitant de l'effet de surprise, évite de justesse les tirs de la première mitrailleuse. Mais un peu plus loin un soldat placé devant la maison du menuisier l'ajuste avec son fusil alors qu'il roule sur la partie droite de la route . Il meurt sur le coup, un des Allemands venus voir le motard jette une grenade sur la moto qui s'enflamme immédiatement. Il est un peu plus de 10 heures.        Image(05) : Stèle Michel à Montmirey

 

Massacre de Jouhe

Les Allemands décident peu après de reprendre la route. A peine sont-ils sortis du village, qu'une estafette signale au commandant de cette colonne qu'il a repéré à la jumelle un groupe de « Terroristes »arrêté sur une colline à quelques km en arrière ; deux camions et deux voitures légères devant, et au moins une trentaine d'hommes. Décision est prise de faire demi-tour pour les combattre.

Ces maquisards venus de Biarne ont été appelés en renfort à Orchamps. La section est commandée par l'adjudant-chef Yve. La Simca 5 tombe en panne à la sortie de Jouhe, à deux cents mètres de la  nationale, elle bloque le premier camion de maquisards dans une situation périlleuse, trop exposée à flanc de colline et face à la route.

Une partie de la colonne allemande s'en retourne sur Dole. Elle comprend une jeep américaine munie d'une mitrailleuse (prise lors d'un accrochage à Bourg en Bresse) mise volontairement en tête pour tromper l'adversaire, suivie de deux cars Mielley (de Dole) réquisitionnés tirant un canon, remplis de soldats allemands et des Russes, puis une automitrailleuse.

 Il n'est pas encore midi quand les premiers tirs allemands se déclenchent. L'effet de surprise est total. L'emplacement malheureux des véhicules des maquisards et l'éparpillement de ceux-ci dans l'attente de repartir, constituent pour ces soldats allemands défaits et fatigués, une agréable « récréation » . Sans protection, comme seules armes des mitraillette Sten ou des fusils, les deux FM et le bazooka, ils n'ont pas eu le temps e les utiliser ; ces braves résistants ne peuvent rien contre l'ennemi puissamment armé. Le petit canon et le mortier positionnés en haut de la route, face à la colline où le groupe de FFI est bloqué, ne leur laissent aucune chance. La moitié de la section est anéantie, 15 morts sont laissés sur le terrain dont leur chef et un soldat russe volontaire.  Image(06) : Place où les allemands cachés derrière les arbres avaient pris en otages six civils à Perrigny.

La victoire trop facilement obtenue, le convoi reprend la direction de Pesmes.

 

La vengeance des maquisards

La veille,  une vingtaine de soldats allemands  cantonnaient au château Gaillardot de Jouhe ; ils gardaient un dépôt de bombes. Par surprise, un groupe de maquisards les fait prisonniers sans avoir recours à leurs armes, les enferment dans une cave gardée par des gens du village. Informés du massacre de leurs de leurs camarades d'armes,ces maquisards les vengeront en les exécutant tous dans un bois situé un peu plus haut que le lieu où leurs camarades furent tués…Les Allemands fusillés seront enterrés dans une cuvette à l'intérieur de ce bois, sans ménagements, personne ne s'étant occupé de leurs identités gravées sur leurs plaques….

 

Un jeune maquisard malmené

Un jeune d'Arbois, André Fortier, blessé trois fois lors de l'attaque de Jouhe ne doit la vie sauve qu'à quelques mots d'allemand resurgis de sa mémoire, mots appris au lycée, par lesquels il exhorte l'officier allemand de ne pas l'achever. Il rallie Pesmes à bord  de la voiture de cet officier. Les interventions du curé Bourdin et du pharmacien Girardot permettent de le transférer, sous la garde d'un soldat allemand, jusqu'à la maison du Dr Girardot qui peut enfin lui donner les premiers soins. Son état nécessite de le conduire à l'hôpital de Besançon. Sa mère venue voir son fils blessé très sérieusement aura une peur supplémentaire, le passage de la passerelle rapidement jetée sut l'Ognon à Marnay par le génie américain, après l'explosion du pont le 8 septembre au matin.

 

Pesmes envahi de troupes allemandes

Dans cette colonne se dirigeant sur Pesmes, il faut y rajouter 33 camions contenant les troupes allemandes et les russes, soldats serrés comme des sardines, l'ensemble estimé à plus d'un millier de combattants. Ce seront les derniers allemands à pénétrer dans Pesmes. Le bourg est envahi d'Allemands de toutes unités. Certains appartiennent à l'organisation Todt  remarqués par cette inscription sur leurs brassards, d'autres de la marine, les derniers arrivés sont des parachutistes en tenue régulière de la 10ème division blindée allemande, sans oublier le fort contingent de soldats russes intégrés à ces unités.                                                        

Ce sont des éléments de cette colonne qui, vers les cinq heures du soir, préparent l'explosion du pont de Pesmes en disposant six torpilles marines sur le tablier du pont. Couvre-feu oblige, les Pesmois demeurent dans leurs maisons ou ont trouvé refuge dans les caves de certains particuliers qui leur offrent abri et sécurité pour la nuit. Il n'y a plus qu'à attendre….

 

L'escarmouche du Tremblois

Un gros convoi allemand composé de voitures attelées tirant pour certaines des petits canons, des véhicules légers, sides-car et motos, et en queue une longue colonne de 200 à 300 cyclistes, a quitté Pesmes au matin pour rejoindre la gare des trains à Gray puis la frontière allemande. En début d'après-midi, il est en vue du Tremblois, sans avoir été harcelé par des groupes de maquisards ; la consigne est qu' aujourd'hui aucune sortie n'est autorisée pour les FFI du secteur.

Un groupe de résistants vient de terminer de déjeuner dans une maison du Tremblois, sur la route de Lieucourt. Deux hommes en sortent, Germain Lambert et Armand Gerbet de La Loge qui reprennent leur Traction, direction la route nationale menant à Gray. Au lieu de s'arrêter pour laisser passer la colonne allemande, son chauffeur force le passage tandis que le passager tire à la mitraillette sur le side-car. La voiture réussit à gagner le chemin de Germigney mais se plante dans le fossé, la réaction allemande ne s'étant pas fait attendre longtemps. Les cyclistes au bruit du mitraillage se jettent dans les fossés. Les Allemands arrêtés au dessus de la côte sortent un FM d'un camion et arrosent le terrain où se trouve les fuyards qui ont abandonné la Traction. Les noisetiers des environs sont littéralement sciés à la base, un Allemand est tué, un des maquisard est blessé pendant que l'autre resté caché dans une cabane de wc de chez Millot, prend la fuite vers Germigney après la fin de l'altercation. Le convoi arrêté, les Allemands occupent le village ;son commandant interpelle le « Burgmeister », Ernest Lambert : le village doit être mis à feu en guise de représailles. Les hommes se sont enfuis dans les plantations plus haut, avec les chevaux. Le soldat allemand tué est dignement enterré au cimetière du village, le commandant de la colonne apprécie le geste et se montre moins virulent.

Un vieil homme du Tremblois, Joseph Robert employé à labourer son champ avec deux mulets est arrêté. Vêtu d'une capote militaire sur le dos, les cheveux ébouriffés, les Allemands le considèrent comme un « terroriste ». Il est mis en joue contre les portes du château. Malgré les protestations légitimes de sa bonne polonaise (elle a quitté la Pologne au début de la guerre et trouvé chez ce vieux paysan), le commandant lui aussi polonais ne revient pas sur sa décision, mais s'engage à ce qu'aucune action de représailles ne soit menée contre le village.

Rien ne se passe, les villageois demeurent pourtant inquiets. Pourquoi les Allemands ne s'en vont-ils pas ? Le village pousse un ouf de soulagement quand vers les 10 heures du soir, le rassemblement est décidé pour un départ imminent. Surprise le convoi ne prend plus la direction de Gray mais celle de Lieucourt par les bois. La longue colonne quitte enfin Le Tremblois, tout à l'arrière le pauvre Joseph Robert, les mains liés, quitte lui aussi le pays, attaché par une corde à un chariot. Servant d'otage en cas d'attaque du convoi, il sera libéré sain et sauf dimanche matin  quand la colonne atteindra Valay.

Pour l'armada de cyclistes dans la colonne, les Allemands piquent les vélos dans les villages qu'ils traversent et les abandonnent à la gare de Gray, ils s'enfuient ensuite par le train, au risque d'être mitraillés par les avions alliés, maîtres du ciel déjà au début de 1944.

 

Dimanche 10 septembre 1944

 

Les P47 en action entre Chancey et Bonboillon

Les derniers Allemands se regroupent sur la route de Pesmes à Vesoul, y compris l'impressionnant convoi attaqué la veille au Tremblois et qui a gagné Valay dans la nuit.

Chancey, quant à lui, a hébergé la veille une trentaine de camions, dont beaucoup contenaient de l'essence pour le ravitaillement de leurs véhicules, des Lancia essentiellement, garés dans des cours et des granges des habitants, et deux pièces d'artillerie de gros calibre qui ont fait sensation auprès des jeunes du pays : des canons longs de 105 mm, tirées chacune par un tracteur, un Renault et un Feun allemand. Elles se sont installées le soir puis mises en batterie sur la nationale à chaque extrémité. Heureusement que les avions alliés n'ont pas attaqué le convoi à l'intérieur du village, sinon le village n'aurait été plus qu'un ardent brasier.

Vers les onze heures du matin, le convoi de camions quitte Chancey et se dirige sur Bonboillon. A la limite entre les deux territoires, il est pris en enfilade par deux avions Thunderbolt, des P47 qui exécutent ensuite un demi-tour au-dessus de Chancey, à basse altitude, avant de mitrailler une seconde fois le convoi et de disparaître du secteur.

Cette nationale très rectiligne constitue un met de choix pour l'aviation alliée malgré qu'elle soit bordée d'arbres fruitiers pouvant servir d'abris temporaires pour les véhicules qui l'empruntent. Un tracteur détruit et des camions ont pris feu ; pour ne pas qu'elles soient réutilisées par l'armée américaine,  les Allemands ont rempli d'explosifs les tubes des pièces et fait exploser les canons. Les obus laissés sur place ont constitué, après le mitraillage des P47, un grandiose feu d'artifice ; les éléments détruits brûlaient encore quatre jours plus tard. Ce lieu fut  longtemps appelé « Aux Camions Brûlés »avant de reprendre son nom originel « Aux Poiriers ».

Ce qui restait du convoi, pour ne pas se faire mitrailler à nouveau, a gagné le bois entre Hugier et Bonboillon, puis a repris la route dans la soirée.

 

Dimanche 10 septembre 1944.

 Le pont de Pesmes a sauté vers les une heure et demie du matin. Les premiers Pesmois courageux se dirigent vers leur pont. Curieusement il a bien résisté, seul un trou d'environ un mètre de diamètre est visible dans