15-La forêt
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- Catégorie : Eau et Forêt à Chaumercenne
- Publié le lundi 14 janvier 2019 22:00
- Écrit par THIEBAUT Alain
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La forêt de Chaumercenne
Avant l'Ordonnance des Eaux et Forêts de 1669, la forêt est plus ou moins laissée à la charge des communes qui la gère de façon assez anarchique. On y pratique le furetage depuis le début du 17ème siècle : retirer les vieux arbres en voie de dépérissement et, ça et là de jeunes arbres pour en faire croître d'autres surtout chênes et fruitiers. Mais la forêt est aussi une ressource pour la population qui vient y faire paître le troupeau de la proie communale, les porcs en période de maturité des glands et faînes mais aussi chèvres, moutons et vaches lors de la croissance de jeunes pousses (herbes et feuilles) aux périodes autorisées. Le bois mort est récupéré pour le chauffage de la maison et de la nourriture, quelquefois hors délais ; Les abus sont alors sévèrement réprimés par des gardes forestiers ou seigneuriaux.
Dans les périodes troublées comme celle de la guerre des 10 Ans, la forêt sert de refuge à une population poursuivie de toute part par des brigands et des troupes régulières ou non, qui se livrent au pillage. Elle s'y cache et réussit tant bien que mal à se ravitailler, elle et les bêtes qu'elle a pu guider dans leur fuite.
Le pâturage dans les bois
Il est soumis à de règles contraignantes et les communes conservent précautionneusement leurs accords de pâturage dans leurs bois et ceux avoisinants.Les conflits sont nombreux entre les particuliers et les officiers de justice des bois avoisinants. Les communautés viennent au secours de leurs habitants pour contester les sanctions concernant la vaine et morte pâture. En voici4 de l'an 1544 à 1694.
En 1544
La commune de Chaumercenne en conflit avec celles de Chancey et Motey pour un droit d'usage dans leurs bois respectifs. Pour résoudre ces difficultés, les communes citées demandent un arbitrage par des personnes neutres qu'elles ont elles-même choisies : pour Montagney et Motey ce sont deux abbés d'Acey et un notaire d'Hugier, pour Chaumercenne un habitant de Pagney et un notable de Pesmes. Pour transcrire l'accord, les communautés ont choisi Hylaire Billard scribe de Pesmes.
La sentence arbitrale et amyable rendue le 24 août 1544 accorde aux habitans de Chaumercenne, Mostey et Montaigney, perpétuellement pour eux et leurs successeurs habitans des dits lieux, le droit de parcour tant en commun que particulier, pour le champoy et pasturage de leurs bestiaux tant gros que menus, sur les uns et les aultres en leurs bois, fins, finages et territoires à scavoir : lesdits de Chaumercenne sur ceux de Montaigney et Mostey, et lesdits de Montaigney et Mostey sur ceux de Chaumercenne ; le vif pasturage estre et se debvoir prendre dès le jour de feste Saint Jean Baptiste jusque au jour feste Saint André inclusivement chaque an, et le reste de l 'année estre vain et mort pasturage. En présence de Viennot Mugnier de Velesmes et François Girod de Pomoy tesmoins requis. (AHS E-794) Image (1)
En 1605
La contestation continue avec la communauté de Montagney pour une morte et vaine pâture dans leurs bois. Les habitants de Chaumercenne prétendent avoir la jouissance et possession de faire parcourir et champoyer tous leurs bestiaux, tant gros que menus, singulièrement leurs boucs et chèvres sur le finage de Montagney en ces périodes et même au bois Brullard (es Planey), et en un autre bois dit es Chassagne, dès le lendemain du jour de feste Décolation St Jean Baptiste lesdits jours et le lendemain dudit veille,comme ont touiours iouy par 10, 20, 30,40, 50,et 60 ans, voire par temps excédant la mémoire ds vivants, sans qu'ils soient empeschés...
Le samedy 10ème jour du présent mois de décembre, 12 et 13è et suivants, les particuliers de Chaumersenne auraient été troublé et empesché en leurs susdits jouissance et possession par lesdits eschevins dudit Montagney, et ladite qualité se seraient enhardis et auraient pris et emmenés la proye des chèvres dudit Chaumersenne qu'estaient avec leurs vaches, champoyant et pasturants en ladite vaine et morte pasture rière le territoire de Montagney.
Les habitants de Montagney, par leurs échevins exigent donc que la Communauté de Chaumercenne leurs présentent les titres par lesquels ils prétendent avoir sur le territoire de Montagney ; la jouissance et possession de temps immémorial ne leur suffit plus. (AHS E-794) Image (2)
En 1671
Un autre conflit oppose dès 1671pour un droit de parcours dans leurs bois respectifs la communauté de Chaumercenne à celle de Valay. Par deux fois la proye commune de Chaumercenne a été arrestée sur le territoire de Valay puis conduite audit lieu, pour estre finalement renvoyée par les officiers et admodiateurs seigneuriaux sur avis d'anciens de Valay qui trouvent juste de ne point prendre le bétail de Chaumercenne. Le motif : une réciprocité existe depuis plus de 30 ans concernant le droit de parcours entre les habitants des deux territoires. Ceux de Chaumercenne en ont conclu que ce droit de parcours leur appartenait tant en général qu'en particulier dans les bois et forêts de Valay.
Les habitants de Valay répliquent qu'il faut pour preuves un temps immémorial pour servir de titres puisqu'ils n'en présentent pas.
Une sentence rendue au baillage de Gray en 1677 déboute la communauté de Chaumercenne malgré la jouissance accordée par le lieutenant général de ce même baillage en 1675.
En 1695, les habitants de Chaumercenne ont fait appel de cette sentence auprès du Parlement de Besançon, ils ont retrouvé un acte mentionnant leurs droits de parcours vérifiés depuis plus de 55 ans. Le procès s'éternisant, les deux communautés ont trouvé qu'il était plus avantageux pour elles de traiter et convenir à l'amiable, par une transaction ferme et durable pour apaiser et terminer les difficultés et procès coûteux.
Le 4 avril 1695 les deux communautés signent à Valay devant Jean Pernot d'Ouge notaire royal demeurant au château de Chaumercenne, un traité définissant les droits de parcours dans leurs bois, scavoir :
Les habitants de Chaumercenne auront à perpétuité le droit de parcours tant pour tous et chacun leurs bétails gros et menus, de quelques espèces et leurs proyes communes que pour chacun d'eux en particulier, en tout temps et toute saison de l'année, en morte et vaine pasturemesme en vaine et morte paisson pour les cochons dès le 1er jour de l'année jusqu'à la St Michel inclusivement dans certains bois et terres du finage de Valay (après les fruits bien sûr), dans les planches et buissons joignant La Petite Résie jusqu'à la fontaine de Ste Cécile.
Ils auront aussi comme ceux de Valay le droit de mener et faire boire leur bétail tant commun que'en particulier à la fontaine et ruisseau de Ste CécileIls auront mesme le droit et pouvoir de mettre leurs cochons dans le bois de Valay appelé Riante du jour de l'an jusqu'à Pasques de chaque annéemais pas d'autre bétail.
La réciprocité s'applique aux habitants de Valay, dans les mesmes conditions, dans les bois de Chaumercenne principalement La Bouloye.
Les communautés ont nommé des procureurs spéciaux respectifs, Mre Pierre Jeannot pour Chaumercenne et Mre Estienne Defuzy pour Valay afin de faire cessser le procès au Parlement et condamner les habitants des deux communautés à l'observance dudit traité. Image (3)
Le pâturage des cochons à la glandée
La visite des bois du village par les échevins et les habitants préoccupe chaque année, la population lorsqu'arrive le mois mois d'octobre : Y a t-il suffisamment de glands sur les chênes pour emboucher, nourrir et engraisser les cochons de chaque particulier ?.Lorsque la réponse est positive, les échevins convoquent les habitants au son de la cloche à la manière ordinaire, pour la nomination d'un pâtre pour conduire lesdits cochons dans les bois communaux. La désignation se fait à l'issue de la monte au rabais.
Ce10 octobre 1762, Gaspard Oudille le jeune et Antoine Jarrot ont signé le contrat avec les échevins Pierre Courboillet et Jean Guyotte Milan, pour faire pâturer les cochons à la glandée.
Ils se sont obligés à conduire les 87 porcs de la Communauté, chaque jour les mener au bois, les ramener au village, tant qu'il y aura du gland dans lesdites forêts, à commencer le premier du mois.
Ils percevront 5 sols par cochon par mois pour la garde d'iceux,de la part des particuliers à qui ils appartiennent, auxquels paiements ils pourront être contraints par les voyes ordinaires.
L'effet de ce rendage est estimé à 21 liv.15 sols. Image (4)
Il faut essayer d'envisager le travail des 2 gardes pour rassembler les cochons chaque matin, les conduire au bois et les surveiller, la rendue de chacun à son propriétaire devait constituer une animation très particulière dans le village...
La gestion des bois de la Communauté
Le dernier juillet 1678, la communauté de Chaumercenne signe très probablement sa dernièreconvention sans l'agrément de l'administration forestière française. Elle traite avec le sieur Longeron marchand résidant au bois de La Grande Résie, pour la vente de la coupe de La Fan.
Les échevins Hilaire Courboillet et Pierre Guyotte Miland ont convoqué les habitants en corps de communauté sur la place publique. Après plusieurs montes, le sieur Longeron s'engage auprès de la habitants à couper le bois de la Fan dans les conditions suivantes.
Fera couper tant gros que petits à des charbonniers sinon la quantité de 6 baliveaux par arpent qu'il devra laisser
Pourra desdits bois faire marin, charbon ou aultres
Pourra distraire par les chemins communaux à peine de l'esmende du seigneur et des intérets, pour le terme de 3 ans.
Profitera de tous bois mort
Pourra faire champoyer tant audit bois qu'es terres vuides dudit finage les bestiaux que lui et ses ouvriers pourront avoir, à peine si mésus se trouve
Pourra si empêchement de couper ou distraire une partie du bois par le moyen de quelque guerre pouvant arriver en ce pays, ce que Dieu ne veuille, prolonger d'autant de temps qu'il en aura manqué.
Accordera aussi aux habitants dudit lieu la vive paisson dudit bois qui lui a ésté demandé
Le présent rendage est fait moyennant le prix et somme de 1034 frs 15 sols monnoye de ce pays et Comté de Bourgogne, pour lesquels il a déjà versé aux échevins et habitants 500 frs comptant, tant en escus blancs que pistolles d'or et de poids au coin d'Espaigne avec un quadruple au mesme coin (détails de la pistolle d'or d'Espagne). Les aultres 534 frs 15 sols, les échevins et habitants confessent les avoir eus et reçus dudit Longeron auparavant acte.
Cette somme était employée au rendage de deux principaux de rentes dues par la Communauté, l'une aux Annonciades de Gray pour 600 frs et l'autre au sieur Cadot prêtre-curé de Gray pour 400 frs. L'acte est passé par devant Claude Maistret notaire de Pesmes en présence de Joseph Menestrey et Pierre Vury illestéré maréchal résidant audit lieu. Image (5)
Les bois de Chaumercenne à la sauce française
L'ordonnance forestière française appliquée dès 1696 apporte la constitution d'une administration avec des règles strictes de gestion de la forêt définies par une maîtrise des Eaux et Forêts, pour notre secteur à Gray, avec officiers, huissiers, arpenteurs, greffiers, procureur du roi, pour conseiller, diriger, surveiller et vendre les bois. Fini le furetage, bienvenue aux coupes réglées et au quart mis en réserve ; la forêt est un bien national qu'il faut gérer savamment pour ne pas le voir dépérir. Les bois de chaque commune sont répartis en deux catégories, les ¾ consacrés au taillis, le dernier quart réservé pour obtenir de belles futaies surtout destinées à la Marine. Le taillis est généralement coupé au bout de 25 ans à la réserve de baliveaux destinés au repeuplement et à la production de gros arbres.
Les 2 et 3 octobre 1703, Claude François Violet advocat en Parlement, Conseiller du Roy et Maître Particulier des Eaux et Forêts de Gray, avisé de la non application de l'ordonnance forestière se voit contraint de venir visiter lui-même les bois de Chaumercenne. Son commis et procureur Anthoine Panssard a constaté que les habitants du lieu ont négligé de faire arpenter et figurer leurs bois, mettre les plans au greffe pour faire choix de leur quart en réserve.
La visite des 5 bois de la commune par les officiers de la Maîtrise de Gray se fait en présence de Pierre Jacquin échevin de la communauté assisté de Gaspard Courboillet, Henry Guyotte, Pierre Oudille et Jean Claude Jarrot représentant les habitants du village. Le constat est sévère : la communauté a entièrement dégradé ses bois par des coupes dont elle a joui sans règle.
Voici les plans des 5 bois de Chaumercenne
Le Deffoy d'environ 29 arpents est peuplé de quelques chênes de 15 ans d'âge, les autres sont ruinés pour avoir été coupé sans ordre et sans règle ; de la Bouloye de 154 arpents il ne reste qu'un tailly non défensable dans sa plus grande partie pour avoir été champoyé de toute part, la Fand de 45 arpents est tellement dégradé qu'il paraît être plutôt une broussaille qu'un bois, pour avoir été champoyé et broutté puis coupé sans lui donner le temps de renaîstre, le Coutot de 9 arpents et la Sablière de 2 arpents sont dans le même estat. Ces bois occupent une surface de 240 arpents, le quart à mettre en réserve doit donc faire 60 arpents à prendre dans les bois du Deffoy et de la Bouloy les moins dégradés.
Deux gardes sont désignés pour la conservation des bois : Gaspard Courboillet et Jean Claude Jarrot qui ont presté serment entre les mains du sieur Violet. Deux journées ont été nécessaires pour la visite des bois en question et la délimitation du quart en réserve. Image (6)
Une seconde visite des bois de Chaumercenne a lieu en décembre 1726 en présence de Pierre Rousseau arpenteur juré en la Maîtrise de Gray, le Courtot est réduit en broussailles et la Sablière ne contient plus aucun bois.
Voici les plans de ces 5 bois de Chaumercenne en document établi à cette occasion. Image (7)
Le bois de Laffant est exploité pour le chauffage par coupes réglées d'environ 8 arpents ¾ par an, faisant la vingtième partie du restant de leurs bois, le quart de réserve prélevé auparavant. Le 27 juillet 1727 les habitants de Chaumercenne obtiennent du Conseil du Roy que leur quart en réserve ramené à 58 arpents soit apposé dans le seul canton de la Bouloye, pour une plus grande facilité de surveillance contre le mésus d'habitants qui voudraient chaparder du bois vert ou mort. Les habitants de Chaumercenne devront se plier au vingtième forestier.
La vente du quart mis en réserve
C'est l'occasion pour la communauté villageoise de procéder à de grands travaux : construction ou réparation de fontaines, de presbytère, d'église… Mais il faut d'abord avoir l'agrément royal pour la vente de cette réserve. Tous les 25 à 30 ans la communauté fait valoir une demande de vente de son quart en réserve qui a atteint un âge raisonnable pour être coupé.
Ce 9 décembre 1952 la Communauté de Chaumercenne reçoit enfin une réponse positive du Chevalier Claude-François de Renouard Grand Maître des Eaux et Forêts des duché et comté de Bourgogne suite à sa requête formulée auprès de Sa Majesté.Il faut dire que la délibération pris epar la communauté pour solliciter la vente de sa réserve forestière date du 9 janvier 1750 ( attente proche des 3 ans ..).Le Conseil d’État informe les officiers de la Maîtrise de Gray de l'autorisation donnée à la vente de 58 arpents de bois en réserve dans ceux de Chaumercenne, à la charge d'y réserver 25 baliveaux par arpent, de l'âge du recrû, de brin et essence de chêne autant qu'il sera possible, dont la marque sera faite du marteau du Roy, le plus rapidement possible afin d'être représentée lors de la future adjudication. Image (8)
L'enregistrement est fait à Gray le 12 mars 1753 ; les plans et devis de Claude François Devosges pour la reconstruction de la maison curiale, de la fontaine de La Martine et des réparations à l'église de Chaumercenne sont prêts depuis le18 avril 1751 et validés le 29 juin 1753 par le Grand Maître des Eaux et Forêts de Gray. L'adjudicataire de ces travaux est Jean Guyotte Milan de Chaumercenne.Le devis s'élève à 11 000 livres, la commune de Résie est tenue de payer la somme de 2290 livres correspondant au tiers des travaux la concernant, c'est à dire la maison curiale et l'église. Les grands travaux peuvent démarrer.
Pareille démarche est faite en 1778 suite à la vente de son quart en réserve. Les travaux engagés par la commune en 1780 concernent surtout l'église dont le beffroi et plancher du clocher, la fonte d'une cloche, les vitraux et l'horloge… ainsi que des réparations à la fontaine du village. Le devis premier proposé par le sieur Amoudru se monte à la somme de 10995 livres et les travaux adjugés au sieur Belligond n'auront pas été totalement exécutés à la rendue de ceux-ci le 4 juillet 1781.
L'exploitation de la forêt
La population de Chaumercenne attend avec impatience la vente de son assiette de bois.
La voici prévenue par leurs échevins ce 31 janvier 1768, les habitants désirent en couper les chênes dans le bois de la Bouloye joignant le bois de Valay. L'estimation de l'Administration forestière annonce 360 pieds. Après avoir obtenue la permission de l'insigne conseil de Sa Majesté à Paris, les commis à la répartition desdits établissent un rôle pour imposer chaque pied de chesne, en vue de payer ces Messieurs les Officiers des Eaux et Forêts de Gray et de Pesmes, ainsi que les frais faits et à faire.
Après délibération des habitants chaque pied sera imposé à 15 sols pièce.
Les chesnes ne pourront être délivrés à d'autres personnes qu'aux habitants de Chaumercenne, sous les peines portées aux Ordonnances, sauf à augmenter ladite imposition de 15 sols par pied, ou la diminuer si le cas échet.
Pour leur répartition, il a été convenu que, pour les maisons il ne sera réparti que que les pieds de chesne propres à bastir. Les mauvais seront répartis pour être distribués suivant le marcla livre de la cotte sur les manœuvres qui n'ont point de maison à son propre.
Les particuliers à la répartition ont été nommés de la part de la Communauté scavoir pour :
-les riches Jean Malgérard et Jean Guyotte
-les médiocres Pierre Guyotte Milan et Antoine Dessans
- les pauvres Jean Cabus et Jean Claude Mourey ;
Il leur sera payé à chacun 2 journées de travail pour faire ladite égalisation, à raison de 20 sols par journée.
Voici en document externe la distribution de ces corps de chesnes pour l'année 1792. Image (9)
Les habitants des bois
Les forêts sont beaucoup parcourues par la population et son bétail surtout en période de pâturage ou d'exploitation forestière, mais des familles y résident à demeure toute l'année, surtout dans le bois du Gaty. Des coupeurs de bois y sont présents avec femmes et enfants, comme l'attestent les registres paroissiaux de Chaumercenne. Ces résidents doivent vivre dans des baraques en bois à l'orée des forêts, l'eau fait évidemment défaut. Ils vont la chercher aux fontaines du village, sûrement à celle de Fourney la plus proche pour eux. La vie y est difficile surtout l'hiver ou en période de pluies, mais le bois indispensable pour le chauffage des habitations et des aliments ne manque pas.
Les registres paroissiaux de Chaumercenne ne mentionnent cette population qu'à partir de 1747. Pourtant les bois ont toujours été tenus par des gens occupés à travailler la forêt, qu'ils soient coupeurs, bûcherons, charbonniers ou sabotiers. De part leur métier, certains y vivaient continuellement. Les forges de Pesmes et de Valay engloutissaient annuellement des milliers de stères de bois nécessitant la présence continuelle de coupeurs et de voituriers,même si ces derniers étaient plutôt des habitants des villages avoisinants à cause des bêtes de trait qu'il fallait nourrir.
Pourquoi les prêtres curés de Chaumercenne n'en ont pas fait mention auparavant dans leurs registres ?
Claude François Moussard curé du lieu et de Résie depuis 1727 ne les pas cite comme habitants d'un des deux villages mais comme résident des bois du Gaty, de Pesmes , de Motey ou de Valay. De nombreuses familles sont citées dans les actes avec des destins souvent tragiques. Le prêtre ne se déplace que très rarement au bois pour y administrer le sacrement de baptême. Le risque de mort de l'enfant est si grand qu'on ne veut pas que l'enfant meure sans avoir été baptisé
Aussi pour ces naissances à risques, c'est la sage-femme qui s'en charge. Le 21 juin 1753 est né Vincent fils de Sébastien Delessey coupeur au Gasty et de Pierrette Dubois, il est baptisé le même jour à la maison par la sage-femme et ensuite à l'église par le curé, son parrain est Vincent Chauvelo et sa marraine Jeanne Prunaux. Son frère jumeau Jean baptisé dans les mêmes conditions, survivra alors que Vincent décède au bout de 2 mois.
De 1748 à 1757, 12 actes sont relevés dans le registre concernant 8 familles de coupeurs de bois, familles liées entre elles (frère et sœur ou parrain et marraine d'un nouveau né), les plus couramment cités en cette période : Mignerot, Grandprez, Simonet, Faivre et Faibvret…
Au bois de Valay naît le 24 aôut 1757 Dimanche cad Dominique fils de Claude Simonet et de Marie Faibvret, son parrain est Dimanche Faivre.
On se marie entre familles de coupeurs de bois ; ainsi le 22 novembre 1767 Clément Bergeret coupeur au Gaty veuf de Françoise Goillot épouse Claudine Jacquemain veuve de Joseph Lavier , Pierre, François et Jean Claude Lavier sont présents.
Le 30 mars 1786 Anne Joppois épouse de Claude Henry coupeur au Gaty, décède sans avertissement et sans sacrements à l'âge de 53 ans. Elle est inhumée le lendemain au cimetière de Chaumercenne après le consentement de Mr le curé de Pesmes, en présence d'Etienne Laurençot son cousin, de Pierre Joppois son frère, de Jean Goyot son beau-frère et de Jean Henry son fils, tous coupeurs de bois et illétérés …
Mais certaines filles du village ne sont pas insensibles au charme de ces coupeurs de bois, ainsi le 30 juin 1755, Marie fille de Daniel Faibvret vigneron de Chaumercenne et de Jeanne Antoine Lambert épouse Jean Claude Simonet coupeur au bois du Gaty.
Ces résidents des bois sont de première importance pour les directeurs des fourneaux de Valay et Pesmes. Cette attention toute particulière se retrouve dans le baptême de Charles fils de Pierre Joppois coupeur au bois de Résie, et de Françoise Miquet sa femme ; son parrain n'est autre que Charles Gagnemaille le propre directeur du fourneau de Valay.
Il n'y a pas que des coupeurs de bois dans ces résidents ; Jean Claude Simonet en 1784 est cité comme charbonnier au bois du Gaty, lors de la sépulture d'un de ses enfants.
La forêt est bien à cette époque un rassemblement constitué d'une population à part du village certes, mais diverse et suffisamment nombreuse qu'il fallait évoquer dans cette étude, dommage que les registre paroissiaux ne l'évoquent qu'à cette date...
Plusieurs familles y vivent ; en 1748 les registres mentionnent la famille de Toussaint Faibre coupeur de bois de 32 ans, puis 2 jumeaux nés et morts au Gasty dans le couple formé par Pierre Mignerot et Françoise Grandfrez, la mère décède peu après à l'âge de 22 ans, Claudine Lavier femme de Etienne Breton coupeur au gasty à l'âge de 54 ans.
L'année suivante les jumeaux Jeanne et Jeannette décèdent au bois du Gasty, au foyer de la famille Rat.
Sans s'étendre davantage, on peut considérer la misère de ces gens des bois et leur détresse, tant la mortalité dans leur corporation est importante.
La forêt à la Révolution
Le gouvernement révolutionnaire s'attaqua aussi aux bois que certains nobles détenaient dans les villages. Le 29 ventôse an 2 (17 mars 1794), le Directoire du département de la Haute Saône envoie aux administrés de son ressort, une sévère diatribe envers les ci-devants possesseurs de bois qui les avaient usurpés sur les communes.
La Révolution a rendu aux communes de revendiquer leurs bois, aux particuliers d'en partager également le produit et déclarer publiques les forêts nationales pour l'utilité publique. Mais que deviendraient ces propriétés si essentielles pour l'établissement de la République pour les générations présentes et futures si ceux qui dans les commencements de la Révolution ont cru marquer leur haine,en dégradant la forêt et continuent de la dévaster. Les municipalités sont responsables des délits, certaines ont même favorisé ces espèces de vols et ont continué de conduire le bétail aux parcours dans les jeunes revenus ; le désordre est à son comble par négligences des fonctionnaires chargés de faire punir les délinquans.
Ceux qui dévastent les forêts nationales sont des contre révolutionnaires qui travaillent à l'anéantissement de la marine française, ce sont des voleurs qui brisent les biens de la société ;
En attendant le nouveau code forestier que la Convention Nationale décrétera, le régime actuel suffit pour contenir l'impiété et l'injustice des dévastateurs des forêts.
Que tous surveillent, que la peine suive le délit et que la Terreur soit à l'ordre du jour pour les méchants de cette espèce.
La forêt, de nos jours