09-Deux phénomènes météorologiques à Chaumercenne

 

Deux phénomènes météorologiques sans précédent à Chaumercenne

 

 

A u 18ème siècle le temps qu'il fait constitue le premier souci de l'habitant et manant de Chaumercenne comme d'ailleurs. Il suffit parfois d'une gelée forte au printemps, une pluie incessante pendant les moissons ou les foins, une grêle au temps des vendanges pour contrarier son ménage et le mettre lui et sa famille dans une grande difficulté financière. Ces caprices de la météo peuvent provoquer une pénurie alimentaire pour les paysans ou leurs bétails, entraînant la misère pendant des années,voire la faillite si le seigneur du lieu ne consentait pas à les aider. Deux épisodes sont racontés par le sieur curé de Chaumercenne de l'époque .

 

L'hiver 1709/1710

Cet hiver 1709/1710 est raconté par le prêtre curé Jean Collinet . A son écrit je n'ai simplement rajouté qu'un peu de ponctuation pour rendre la lecture plus facile.

Cette année mil sept cent neuf le iour des roys, dès la midy, le froid se prit, la terre qui estoit si humide de la pluye se gela si fort que le lendemain elle fut gelée d'un pied (sur une profondeur d'environ 33 cm), la bise dura quelques iours, et il fit un si grand froid que les fromens furent tous perdus cette année en sorte que l'on ne moissonna pas un seul espis de fromens dans le finage des Choye qui estait la pie devers Gy (terres aujourd'hui Sur la Ville).

Les vignes furent gelées jusqu'à terre, on fit très peu de vin ceste année. Les nouhiers (noyers) furent gelés, on resema de l'orge, de l'avoine, des pois, des fesves, du turquie (mais), du millet, du panis (?), du sarasins, de la navette blanche et noire.

Il y eu cette année grande misère parmy le peuple quoique le fromens ne vallu l'année1708 qu'une livre à Pasques ; il en vallu au mois de juillet1709 10 livres .

Il ny demeura nychose ny racine dans les jardins, la mesure de turquie se vendit jusqu'à 12 livres, l'orge 7 livres, l'avoine 3 livres, le sarasin 16 livres ; ceux qui resemèrent sans labourer perdirent quasi leur semence et si l'année ne cessa (ou resta) humide, ils n'auroient rien eu.

La misère au village est telle que les minutes de notaires regorgent au printemps 1710, de ventes de terres de particuliers de Chaumercenne à des gens aisés comme noble dame Anne Catherine Guelle, mais aussi vénérable et discrète personne Messire Jean Collinet prêtre-curé du lieu…

Ainsi le 18 février 1710, pas moins de 5 particuliers du village se donnent rendez-vous en compagnie de Claude Chenillot notaire royal résidant à Mothey, en l'habitation des Guelle à Chaumercenne (la tour de Jacques et les bâtiments adjacents) pour y rencontrer Anne Catherine Guelle veuve de fut noble François-Alexis Henryon seigneur d'Aillevillers.

Tous viennent vendre une portion de terre ou de vignes en échange d'une somme d'argent pour les dépanner suites au gel de leurs biens afin de racheter des semences ou simplement pour ne pas mourir de faim. Il faut imaginer l'attente de ces habitants amassés devant la Tour de Jacques, venant vendre une partie de leurs biens pour survivre...Prenons ce premier cas

Jeanne Beuchey l'épouse de Hugues Guyotte Milan vend à titre de réachapt d'un an 2 ouvrées de vignes de franche condition, l'un aux Anées l'autre au Meix Mettadieu, pour la somme de 33 livres qu'elle lui délivre tant en louis d'or, escus, 1/2 escus que monnoyes courantes. L'achepteuse lui laisse la possibilité de racheter ses 2 ouvrées à la condition de rembourser les 33 livres et les intérêts à eschoir. Sinonsa vie durant,Hugues Guyotte devra respecter scrupuleusement les travaux de la vigne comme le ferait tout bon vigneron dudit lieu. C'est une faveur que lui fait cette noble dame de le laisser cultiver ces vignes qui ne sont plus les siennes. En échange le partage de la vendange se fait par moitié.

Plus en difficulté que les précédents,voiciFrançois Gazet vigneron et son épouse Pierrette Beuchey, ils vendent à Anne Catherine Guelle 3 ouvrées de vignes à Chevanny pour 48 livres réellement passés aux vendeurs. Ces derniers ne cherchent pas racheter ultérieurement leur bien, ils sont complètement démunis et les difficultés ne seront pas résolues en 1 an ou 2. La vente est alors définitive ; François Gazet laisse partir d'excellentes vignes sur un coteau réputé. L'achepteresse laisse encore ici aux vendeurs le droit de travailler la vigne et de récolter, comme tout vigneron du lieu pendant la vie dudit François Gazet.Il lui reviendra à la vendange la moitié des fruits comme c'est l'usage à Chaumercenne.

Dans toute la France, le terrible hiver 1709 causa une grande famine. Les plus pauvres mangeaient des aliments infects qui provoquèrent des maladies contagieuses et donc de grands ravages dans la population. A Chaumercenne cependant, les registres paroissiaux ne mentionnent pas pour ce printemps 1710, davantage de décès qu'auparavant.

 

Le fameux orage du 25 juin 1756

La relation de cet orage nous est communiqué par le prêtre-curé Claude Moussard dans le registre paroissial, endroit peu consacré à sa diffusion… Le sieur curé fut tellement marqué par cet événement qu'il le consigna ; après réflexion il dut juger l'endroit inapproprié, alors il voulut le rendre illisible en le rayant dans tous les sens...Mais la lecture de ce fait divers demeure tout de même abordable et dans le français de l'époque et mérite d'être relaté dans son intégralité.

 

L'an 1756 il est arrive à Chaumercenne le lendemain de la St Jean Baptiste, et dans le voisinage à plus de dix lieux de longueur ( plus de 40 km) sur trois ou quatre de largeur ( entre 12 et 17 km), un orage si impétueux accompagné de grêsle que il y a des villages de notre baillage qui n'ont receuilly pas mesme les foins si ce n'est pour de la littière.

Les vieillards de quatre vingt ans n'en ont jamais vû un si fort. Il a renversé des maisons des châteaux de Pesmes et presque toutes les maisons de Pesmes ont été désolés, déraciné des arbres en quantité, en casser par le milieu dans des vignes et les emporter dans des chemins sans toucher terre ny endomager les vignes, souffler le crucifix de la croix de la Charme et l'enlever de sa place, le renverser sans le casser et ce sont les enfans qui l'ont cassé en le voulant lever sur pied et qui l'ont laissé tomber.

Les buffets, les coffres nageoient dans les maisons par l'abondance des eaux. Le tonerre se fit entendre dès les six heures du matin,l'orage commencat à sept heures et demie du soir et durat environ leure antière, il renversoit le monde par les prels, dans les chemins, les charriots de foins et le reste, en un mot il ny avoit personne qui ne tremblat.

Pour oublier ses 2 pages qu'il avait déjà rayées, le curé Claude Moussard inscrivit la mention : page ommise ainsi que la suivante.