B13-L'invasion allemande de Mai 1940
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- Catégorie : B1-De 1939 à 1940
- Publié le mercredi 27 février 2019 08:04
- Écrit par THIEBAUT Alain
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L'invasion allemande de mai 1940
Ce 10 mai 1940, c'est le jour choisi par la Wehrmacht pour lancer ses troupes sur le Luxembourg, la Belgique et la Hollande, après avoir cessé ses opérations guerrières pendant près de 9 mois. Mais la France n'est pas épargnée par cette entrée en guerre à l'Ouest. La Luftwaffe (l'aviation allemande) se manifeste partout dans le Nord et l'Est, bombardant terrains d'aviation et autres sites stratégiques. Nous allons présenter ses 2 actions parallèles, d'abord dans notre secteur touché par les bombardements, puis dans la zone Nord où se concentrent les combats pour lesquels des soldats de la région sont impliqués.
Les Bombardements des 10 et 11 mai 1940
10 et 11 mai1940
Coulevon les Vesoul
A Coulevon est stationné un groupe de soldats français dont Pierre Morel de Montagney, ils ont en charge une batterie de DCA quand au matin du 10 mai, l'alerte aérienne retentit. C'est la première fois que Pierre entend la sirène prévenir la population, mais les avions passent dans le ciel. La nuit est plus agitée, ponctuée d'alertes. Le matin les alertes recommencent, mais l'après-midi Pierre Morel comme tous ses hommes va être confronté à son premier baptême du feu. L'alerte est cette fois sérieuse :
Nous nous mettons à l'abri sous une tôle servant de hangar pour éviter les éclats d'obus de la DCA. A 6 h du soir pour le souper, de nouvelles alertes qui les obligent à quitter 2 fois la table. Pierre est de garde au FM quand 3 avions allemands passent, encadrés les tirs de DCA et disparaissent derrière un nuage;2 avions français retournent de leur mission sur Luxeuil, quand soudain les 3 avions boches reviennent en piqué à 3000m. Ce sont des bombardiers, ils piquent face à nous un bruit caractéristique:ti. ti… ti. 2 chapelets de torpilles sont largués et le sergent reste dans sa tourelle…, 3 copains prennent refuge dans la cuisine, nous nous abritons derrière un mur alors que le bruit formidable des détonations nous secouent le ventre. Les éclats pleuvent de partout, un voisin arrive—Ces brigands là,ils les ont tous tués--, mais personne parmi nous. Une vache est tuée, un éclat d'obus dans le ventre. Image(01)
Une fumée noire couvre Coulevon, vision de guerre.
La petite troupe reste encore quelques jours à Coulevon avant de gagner Vesoul, les combats n'auront pas lieu à l'Est. Tout un train de soldats démarre de Vesoul le 18 mai, dans des wagons à bestiaux pour les lieux de combats du Nord, il dépasse Verveins dans l'Aisne où les premiers réfugiés occupent les routes dans leurs voitures à chevaux ou à bras. Ils n'iront guère plus loin, les Allemands ont déjà percé le front et tentent d'encercler les troupes françaises engagées en Belgique. Inutile de poursuivre, la retraite vers la Loire est inéluctable, seul rempart possible pour arrêter les troupes de Rommel.
Alors passage par Paris le dimanche soir 19 mai et le train pour arriver au Mans par la belle ligne électrique le lundi 20 où Pierre a le temps de croquer sur son carnet la belle cathédrale. Image(02)
Et enfin Angers. Le déjeuner pris, les camions les transportent à Bécon (20 km plus loin à l'ouest). Pierre Morel et toute sa compagnie y resteront jusqu'au lundi 17 juin, : 4 semaines à attendre, mais attendre quoi ?, évidemment que les Allemands arrivent…
La suite du périple de Pierre Morel, beaucoup moins tranquille est évoquée plus loin.
11 mai 1940 dans la région
Bombardements allemands
Pour faciliter l'engagement allemand en Belgique, la Luftwaffe bombarde ces 10 et 11mai plus particulièrement les sites militaires stratégiques de France dont les aérodromes de notre région. L'aviation française engage alors ses chasseurs surtout ceux qui décollent de la base de Chissey sur Loue ou de Luxeuil, contre les bombardier allemands, Henkel 111 ou Dornier en formation qui sillonnent le ciel franc-comtois. Certaines personnes assistent à ces combats aériens, certes la supériorité numérique est allemande mais les aviateurs français résistent honorablement. . Les crashs d'avions sont les rares témoignages des engagements français pour défendre le territoire menacé par l'ennemi allemand. Quatre sont particuliers, deux allemands et les autres français.
Le He 111 de Gézier
Vers les 11 heures du matin un avion allemand, un He 111 est en difficulté, il aurait été touché par la DCA au-dessus de Vesoul...Il commence à perdre de l'altitude, Les gens de Gézier l'observent des yeux, une fumée épaisse, un bruit assourdissant, puis deux grands booms. Il est tombé dans un champ en pente appartenant à la famille Bontemps, mais versant Montboillon. Un jeune du village le voit se poser à 100 m de lui. Il s'enfuit, se cache dans un buisson puis regarde les Allemands sortir de l'avion et y mettre le feu en sa partie centrale, puis les voit partir se cacher dans le grand bois emportant quelque chose dans leurs bras. Ce sont leurs tenues civiles qu'ils enfilent délaissant leurs combinaisons.
Les villageois de Montboillon arrivent les premiers près de l'avion, certains munis de bâtons, d'autres de leurs fusils de chasse. Les gendarmes de Marnay et de Gy avertis du crash d'un bombardier allemand à Gézier arrivent, repoussent les villageois, l'avion brûle encore et pourrait exploser. Pour se protéger les Allemands ont installé des mines reliées à des fils électriques. L'avancée des gendarmes les obligent à tirer des coups de revolver contre les assaillants qui ripostent. Les Allemands finissent par quitter le bois, rampant dans les champs, bien observés par certains villageois présent qui les montrent aux gendarmes, allant jusqu'à leurs prêter leurs fusils de chasse…. Deux aviateurs sont ainsi abattus, un troisième allemand blessé se rend.
Les échanges de tirs cessent, des gendarmes en profitent pour fouiller le bois et ses environs ; dans un bosquet au pied d'un cerisier, ils découvrent 5 tenues d'aviateurs (pantalons, vestes, bottes et casquettes). Un bon raisonnement conclut à la présence de 5 aviateurs dans le bombardier, deux Allemands ont donc réussi à s'enfuir.
Les corps des deux Allemands tués sont ramenés à Gézier par la route de Chambornay, dans la camionnette d'un maçon où d'ailleurs les pattes dépassent. Les corps déposés au premier étage de la mairie sont offerts à la vue des habitants, certains les déshabillent pour voir les impacts des balles ayant occasionnées leurs morts...
Les deux aviateurs morts sont enregistrés sur l’État Civil de Gézier : Le mitrailleur le Gefreiter Ernst Rieger et l'observateur le Feldwebel Emmerich Kiesenhofer.
Quant au blessé, il est pris en charge par les gendarmes. Demandant une cigarette, il ne reçoit pour toute réponse qu'une crosse de fusil en pleine figure. Heureusement un villageois, ex-prisonnier en Allemagne pendant la guerre 14/18, lui en offre une avant qu'il ne soit dirigé sur Gray. De ces deux gestes, le blessé allemand saura s'en souvenir quand un mois plus tard il fera son apparition à Gézier (il était le pilote du He 111, le FeldWebel Hans Rossmann) quand les armées allemandes envahiront la Haute Saône en juin 40….
Il fut conseillé aux gendarmes dont un, en retraite à Montboillon, auteurs de la mort des deux aviateurs, de quitter les lieux pour une durée assez longue.
Le soir les deux fuyards le mécanicien, l'Obergefreiter Helmut Schenkenberg et le radio le Gefreiter Hans Joachim Schmal enregistrés par la gendarmerie de Marnay) sont arrêtés à Brussey, cachés sous un aqueduc traversant la route, à la sortie ouest du village.
Le He 111 portait l'immatriculation Nr 2800 G1+FR. La partie centrale brûlée fut découpée et les deux parties restées intactes acheminées par remorque militaire sur Besançon. Image(03)
Le He 111 de Pirey :
Peu avant midi, Maurice Jacquot et ses compagnons finissent de décharger les quatre chariots de bois à la gare d'Ougney lorsqu'un bruit curieux, inhabituel, se fait entendre dans le ciel, comme un combat aérien. Pourtant la guerre n'a pas encore commencé... Le convoi, au retour semble se faire tout seul, les hommes tenant les guides ne cessent d'être absorbés par le ciel. Arrivé à Bresilley, Maurice se fait confirmer ce fait : un bombardier allemand se dirigeant vraisemblablement sur Dijon a bien été pris en chasse par deux chasseurs français qui l'arrosent copieusement: un mitraillage continu, des balles qui sifflent dans tous les sens , certaines endommagent le toit de l'école obligeant la maîtresse d'école à faire descendre ses écoliers à la cave. Pour s'alléger, le He 111 largue ses bombes tout près du hameau de Montrambert, à 100m du château, creusant d'énormes cratères de 1m50 de profondeur sur 4m de diamètre éparpillés sur 800m dans les champs proches ; on relèvera pas moins de 15 trous. Cet avion touché par deux chasseurs français devra cependant exécuter un atterrissage en catastrophe dans un pré à Pirey. L'équipage au complet se rendra aux autorités françaises.
Le lendemain, la route conduisant au château de Montrambert est envahie de véhicules garés sur les deux accotements, sur près de deux km. Leurs occupants, viennent admirer les cratères causés par les bombes et écouter les propos des spécialistes qui ont assisté au combat aérien, ils en profitent pour récupérer des débris de bombes disséminés dans les champs ; somme toute une sortie dominicale très spéciale. Un mois plus tard, le passage ininterrompu de blindés allemands pendant deux jours entiers causera sur cette même route un embouteillage plus conséquent mais hélas plus dramatique.
Le MS 406 d'Auxange ;
Ce samedi 11 mai, André Lyet d'Auxange n'est pas à l'école. Son père lui fait les couper les chardons dans un champ à 800 m plus haut que le village, curieusement d'autres personnes sont aussi dans leurs champs à couper les chardons. Vers les dix heures, heure de la récréation, deux avions français qui auraient livré combats à des chasseurs allemands dans le secteur, tournoient dans le ciel, à basse altitude, un cherche à se poser. Sont-ils perdus après ce engagement aérien contre comme le suggère son père ?. lls n'ont pas l'air d'être en panne. L'un des deux avions tente un atterrissage sur ce terrain en pente, la descente de l'avion est bonne puis il disparaît de leur vue et réapparaît la queue à la verticale puis plus rien. André court en direction de l'avion pour voir ce qui lui est arrivé ; l'avion est sur le dos et son pilote s'est extrait du cockpit grâce au courage et à la volonté d'une jeune fille du village occupée à herser une terre toute proche. Elle a réussi à le faire sortir, délaissant son cheval qui s'est affolé lors du contact de l'avion avec le sol. Le pilote agite les bras pour lui montrer de ne plus s'avancer davantage, risque d'explosion ou d'incendie. De cet avion, un MS 406 on distingue bien les deux mitrailleuses, ici sur les ailes….Le pilote ne cause pas bien le français, c'est un aviateur polonais, il semble demander un aérodrome tout proche. N'ayant pas connaissance de celui de Chissey, il lui donne la direction de celui de Dijon, information qu'il transmet par geste au second pilote demeuré en l'air. Message compris puisque l'avion quitte les lieux en suivant cette indication. Les gendarmes d'Orchamps avertis de l'incident reviennent chercher le pilote, deux restent pour garder l'avion. L'avion ne partira en réparation que deux semaines plus tard, dont au moins l'hélice bien évidemment hors d'usage après son choc contre le sol ; pour un peu les armées allemandes auraient pu s'en occuper eux-mêmes. On a dit que l'avion avait repris des missions en vol, en revanche personne n'a pu savoir le motif réel de l'atterrissage du MS 406 à Auxange…
Le Sans Coeur à Broye les Pesmes
Vers les 18 heures 30, de fortes détonations se font entendre dans le ciel de Broye et de ses environs, et une grosse fumée noire s'échappe d'un avion qui survole le village à basse altitude. C'est un avion français qui arrive à se poser dans la prairie (il fait partie d'un groupe de 3 chasseurs engagés dans l'interception d'une formation de He111, deux Morane sont touchés au-dessus de Gray). Ce dernier est un Dewoitine et sur la carlingue on lit »Le Sans Coeur ». Le capitaine Goujon précise qu'il a livré combat à un bombardier allemand qui en a perdu sa porte mais qui a poursuivi son vol…. Le pilote est accompagné au village pour téléphoner à ses supérieurs qui envoient dès le lendemain matin des mécaniciens de la base de Longvic pour le réparer.
Dimanche le Dewoitine est prêt à décoller en présence de toute la population broyenne qui ne veut pas manquer ça. L'avion s'envole sous les applaudissements de ce public admiratif. Alors que les gens s'apprêtent à repartir, l'avion revient se poser dans la prairie ; rien de plus qu'une fuite d'huile rapidement colmatée et l'avion roule dans la prairie pour son nouveau décollage. Une faute d'inattention, une roue avant de l'avion plonge dans un trou de borne parcellaire spécialement retirée pour faciliter le décollage, et le Dewoitine se couche sur le côté ; le pilote s'éjecte rapidement du cockpit craignant un début d'incendie. S'en est fini de l'avion qui va finir son histoire, chargé sur une remorque militaire pour la base de Longvic.
Les Allemands envahissent le Nord de la France
La Belgique, les Pays Bas et le Luxembourg attaqués ce 10 mai 40, les troupes françaises aidées d'un contingent anglais montent rapidement à leur secours. Hélas, ce n'est qu'un acte de diversion, le gros des troupes blindées allemandes foncent à travers les forêts ardennaises jugées infranchissables par l’État Major français. Les Allemands piquent plein sud avec leurs blindés aidés par l'aviation qui nettoie devant ; le Blitzkrieg à l'essai en Pologne fait merveille dans le nord de la France. Le recul des armées françaises et anglaises n'empêche pas leur encerclement. Grâce au gigantesque déploiement de la flotte anglaise, une partie de ces troupes qui ont tant attendu sur les plages proches de Dunkerque arrive à gagner l'Angleterre par la mer mais pour les autres qui n'ont pu embarqué, il n'y a plus d'espoir. Au soir du 4 juin 35 000 Français sont faits prisonniers et tout le matériel militaire est abandonné sur place.
Nos soldats engagés dans la campagne de Belgique
Voici le sort réservé à 2 de nos soldats, l'un Lucien Viey de Bonboillon, l'autre Paul Courboillet de Chaumercenne : ils sont tous les 2 de la 15èDI. Leurs parcours sont similaires mais les dénouements opposés.
La guerre de Lucien Viey
Lucien Viey de Bonboillon a 30 ans. Il est positionné au sud-est de Maubeuge quand l'ordre est donné à son régiment de monter sur le front. Il fait partie du second escadron du 4ème GRDI (groupe de reconnaissance de division) sous les ordres du Marquis de Moustiers, militaire âgé qui a repris du service à la déclaration de guerre.
Son groupe dispose de blindés légers Renault FT-17transportés sur des porte-chars Berliet ou Brillé disposant de roues à bandages pleins, et des side-cars équipées de FM. Image(04)
Il commande 2 escadrons de chacun 180 hommes de la 15ème Division du général Juin, Louis Viey se trouve au plus près de l'ennemi, il renseigne son chef des positions avancées de l'ennemi au guidon de son side-car. Il note sur un carnet l'activité de son escadron, plus encore il dispose d'un appareil photo ; ses récits et ses photos constituent un poignant témoignage de l'épopée incroyable qu'il va vivre. J'ai ainsi pu reconstituer tout son parcours sur une carte, en mentionnant la position au soir de chaque jour de mai.
Départ vers la Belgique
L'ordre de départ au front est donc donné le 11 mai depuis Englefontaine puis passage de la frontière belge vers les 11 h et arrivée à Lonzée près de Namur à 18 h. Bon accueil de la population belge.
Le lendemain dimanche 12 mai constitue pour son escadron une épreuve presque insoutenable : de 8 h du matin à 8 h du soir, les bombardements des avions allemands se succèdent sans discontinuer, contre les routes et voies ferrées. (Au soir Sedan est déjà aux mains de l'ennemi…)
Le 13 , c'est le départ pour le front en direction du Mont St André, sous les bombardements et mitraillages allemands. Dans la soirée le retour à Orbey est le bienvenu. (La 1ère Armée française s'est établie en Belgique entre Wavre et Namur alors que les Anglais sont plus au nord, entre Louvain et Wavre.)
Le 14 mai sonne la retraite vers la frontière pour ces troupes avancées : Ligny, Sombre avec coucher à la belle étoile, puis le lendemain Jemmapes, Vélaine. Les civils sont évacués alors que les Allemands sont aux trousses des troupes françaises. Le bombardement d'un avion allemand sur Velaine détruit une aile au château de ce village.
Retraite en France
Ce n'est que le 16 mai qu'est donné l'ordre aux troupes franco-anglaises de quitter la Belgique. Ce retrait s'effectue sous les bombardements et mitraillages des avions allemands seuls dans les airs…
Le 18, l'escadron regagne enfin le territoire français, les hommes dorment sur leurs motos . Le 20 ils ont atteint Valenciennes. (La 8ème Armée française s'est rendue aux Allemands à Cateau-Cambrésis et le 20 mai les armées de Rommel ont gagné Arras ; celles de Gudérian, Amiens)
Le 22, le départ est donné à 2 h du matin pour Bantigny et Cuvellier où ils doivent contre-attaquer vers les 8 h, il faut percer ce couloir qui les emprisonnent. Pendant 14 heures, ce ne sont que tirs d'artillerie, bombardements aériens, mortiers antichars, mitraillages sans interruption. Le village est rasé… puis toujours retrait vers l'ouest.
Les 2 escadrons du commandant de Moustiers ont enfin atteint Lille le 28 mai, ils sont rassemblés en la gare de Templemars vers les 10 h du matin pour tenir une position dans ce faubourg. Les F M crachent sur une colonne allemande de cyclistes et de piétons mais 3 side-cars sont perdus. A Lille, la reddition de leur division leur est donnée par leur général.
Une opération inespérée
Mais le commandant de Moustiers ne veut pas se rendre, il demande à ses hommes s'ils veulent le suivre. Aucune défection ; il faut percer l'encerclement allemand autour de Lille avec 5 blindés : c'est du domaine du possible...
A 8 h du soir départ de l'opération très risquée ; les 5 voitures blindés en tête, quelques voitures et 4 pelotons motos : plein gaz en direction d'Armentières (50 à 60 km/h). 4 blindés sont démolis, le seul restant continue de tirer sans arrêt tout comme les FM montés sur les side-cars qui mitraillent les maisons et les bas-côtés de la route. C'est un vacarme à tout casser, les Boches alors se sauvent en pagaille ; ils sont éberlués de leur arrivée en tempête.
Mais des mitrailleuses cachées dans les maisons et dans les haies arrosent avec avec des balles traçantes, les obus antichars leurs sifflent entre les oreilles, son copain Mignard en reçoit un en pleine poitrine et meure. A un carrefour, ils sont pris dans un tir de barrage d'artillerie, heureusement un peu court, puis c'est un barrage de tonneaux enfoncé par la blindée et les voilà à l'arrière des lignes allemandes face au front des Anglais qui viennent de se replier.
Décision est prise de souffler, le bilan : 139 hommes sont passés sur les 180 mais le pont sur la Lys est détruit, le matériel doit être laissé sur place tout comme les blessés. C'est sur une poutrelle en fer que les 139 rescapés du GR franchissent la rivière, ils auront mis 2 heures pour traverser : il est 4 h du matin ce 29 mai.
Mais ils sont en Belgique, il n'y a personne d'autres qu'eux, les Anglais sont partis et ont tout abandonné sur place, les Boches pas encore là.
6 camions anglais sont récupérés pour déplacer les rescapés, direction Dunkerque mais il faut contourner le mont Kemmel et Cassel. Au bout de 40 kms, un embouteillage indescriptible les empêche de poursuivre ; il faut quitter les camions et finir à pied, jusqu'à Bray-les-Dunes où ils arrivent à dormir un peu dans une ferme. Image(05)
Embarquement pour l'Angleterre
Plus de 1 000 camions sont abandonnés, départ pour Malo-les-Bains, bombardements du port par avions toute la journée et la nuit 105 et 77 canonnent sans arrêt.
Terrés dans le sable et pas de casse au peloton, Le 31 mai, départ direction Dunkerque avec l'espoir d'embarquer. Image(06)
Grand combat aérien, le premier qui leur est permis de voir : 4 avions boches et un anglais tombent. L'embarquement a lieu sous le feu des canons et à l'instant 20 bombardiers attaquent le port… La DCA anglaise flegmatique tire bien et en puissance : 3 bombardiers allemands sont en flammes !
Des torpilles tombent autour de leur bateau le Victorix un torpilleur anglais, mais assez loin. Il part en direction de Douvres, il est 8 h du soir. Le port de Dunkerque présente un aspect de désolation poignant. Tout est démoli et en feu, ce n'est plus qu'un amas de décombres, Malo-les-Bains idem, une fumée noire monte à plus de 2 kms ; Le voyage n'est pas sans danger, les bateaux qui suivaient ont été torpillés avec 2 000 soldats à bord dont 80 de leur GRDI… Image(07)
Ceux du Victorix arrivent sains et sauf à Douvres à 10 h 1/2 du soir.
Retour en France immédiat
Du bateau au train, un beau pulman s'il vous plaît, il est 11 h du soir. Après 12 heures de train dans des wagons confortables avec 3 ravitaillements dans la nuit offerts par de jolies anglaise, on est le 1er juin et arrivée en gare d'Ycoford, puis Plymouth et embarquement sur le croiseur auxiliaire le El Mansour. Image(08)
Enfin à 5 h départ pour Cherbourg ou les rescapés arrivent le lendemain 2 juin à 4 h du matin. Il est bon de rentrer en France et libre Image(09)
Puis le périple en France est plus long pour éviter les troupes allemandes : Rochefort sur Mer le 21 juin,et Montguillon le 22, Sainte Foy le 23 où ils apprennent qu'un armistice avec l'Allemagne est signé d'hier à 18 h 50 … Image(10)
La guerre de Paul Courboillet
Paul Courboillet est né à Chaumercenne en 1916. En 1940 le sergent Courboillet est chef d'une section Engins dans une compagnie d'accompagnement du 27ème RI. Comme Lucien Viey, son parcours au 10 mai 40 commence par Lonzée en Belgique puis le Mont St André avant le repli dans les environs de Valenciennes.
L'objectif pour Paul et sa section Engins est de freiner les troupes allemandes pour permettre le passage des leurs dans le goulet ouvert vers la mer. De sévères affrontements ont lieu du 20 au 26 mai dans le secteur situé au nord de Cambrai, pour enfin atteindre Lille le 28. Mais Lille est encerclée par les Allemands. Refusant de se rendre, le colonel est tué dans ces combats, il ne voulait pas revivre le même épisode qu'en 14/18. Le clairon sonne le cessez-le-feu, il est 19 h30 ce 28 mai 40.
Paul et les siens dont un certain Général Juin à 100m de lui, sont tous faits prisonniers. Paul Courboillet ne retrouvera sa famille et Chaumercenne que le 15 mai 45 après avoir passé 5 ans de vie au Stalag XVII A de Kaisersteinbruck.
Les Allemands vont maintenant pouvoir poursuivre leur offensive vers l'est et le sud. Le Panzergrupp de Gudérian va envahir notre région, pour lui une promenade de santé...